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Sud Quotidien N° 6501 du 6/1/2015

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Me Assane Dioma Ndiaye, président de la Ligue Sénégalais des droits humains: "2014 aura été une année de vulnérabilité"
Publié le mercredi 7 janvier 2015   |  Sud Quotidien


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© Autre presse
Me Assane Dioma Ndiaye président de Ligue Sénégalaise des Droits de l`Homme (LSDH)


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L’année écoulée aura été marquée, sur le plan des droits humains par des attentes et espoirs dessus, les nombreuses bavures de forces de l’ordre usant de manière démesurée des armes face à des populations ou élèves non armés. Bref, «2014 aura été une année de vulnérabilité». Même si la modernisation de la justice en cours est à saluer, entre autres avancées. C’est Me Assane Dioma Ndiaye, président de la Ligue Sénégalaise des droits humains qui présente ainsi un bilan de l’année écoulée en termes de protection et de respect des droits de l’homme. Entretien.

Que retenir de l’année 2014 en termes de droits humains au Sénégal ?

Des espoirs non réalisés, déçus du point de vue des mécanismes de protection. Or, un des combats que nous avions menés pendant toute cette période, c’était la garantie et la pérennité des acquis en matière de droits humains. Et, pour cela, il aurait fallu un certain nombre de réformes institutionnelles, notamment en termes de pouvoir rendre effectifs les droits qui sont garantis ou proclamés, soit par la Constitution soit par les Conventions internationales.
Mais, nous nous sommes rendus compte que durant toute l’année 2014, aucune réforme institutionnelle n’a été entreprise allant dans le sens de faire en sorte que les droits de l’homme ne soient pas simplement déclamatoires, mais des droits qui sont garantis, que le citoyen puisse user de ce qu’on appelle la «justiciabilité» du droit. Malheureusement, nous constatons toujours cette vulnérabilité des droits de l’homme, donc cette remise en cause permanente de certains acquis.
Et, durant toute l’année 2014, qu’il s’agisse du droit à la manifestation ou d’un certain nombre de droits civiques et politiques et même ce qu’on appelle le noyau dure des droits de l’homme comme la présomption d’innocence ou même la liberté individuelle, nous avons a noté des interdictions administratives de sortie du territoire national, sans que l’on puisse avoir un juge ou un mécanisme de protection à mettre en branle. Nous avons constaté donc, aussi bien que l’année 2012, 2013 qu’avant, nous sommes toujours à l’Etat de proclamation des droits et ces droits ne sont pas aujourd’hui garantis ici au Sénégal.

Vous parlez d’absence de réformes, pourtant l’Assemblée nationale a voté une loi portant réformes de la justice avec l’avènement des Tribunaux de grande instance et d’instance, des chambres criminelles pour rapprocher la justice des justiciables. N’est-ce pas là un pas ?

C’est vrai que depuis quelques temps, il y a des réformes qui sont entreprises allant dans le sens du rapprochement des justiciables des tribunaux, peut-être de la modernisation de la justice. Là, nous notons également la création de Tribunaux de grande instance à la place des Tribunaux régionaux et certainement des Tribunaux d’instance à la place de ceux départementaux. Il y a aussi ce qu’on appelle les Chambres criminelles qui vont voir le jour à la place de Cour d’assises.
Mais tout cela nous parait vain dès lors que les moyens ne suivent pas. Aujourd’hui, je vous donne l’exemple d’un département comme celui de Mbacké qui va abriter un tribunal d’instance, or vous n’avez pas un local adéquat pour abriter le siège de ce tribunal. Il y a aussi la question des Chambres criminelles qui seront mise en place au niveau des Tribunaux régionaux, c’est vrai que, désormais, chaque Tribunal régional va abriter une Chambre criminelle, mais du point de vue de la cadence de la tenue des audiences, c’est toujours comme la Cour d’assise classique. C’est une session par quatre mois. Donc la réforme n’aura pas pour effet d’accélérer ou de multiplier les sessions d’assises, mais c’est tout simplement au niveau de l’appellation que les choses vont changer. Puisqu’on vous dira que «la cession d’assises coûte très chère. On ne peut pas tenir une cession toutes les semaines ou toutes les deux semaines ou en tout cas tous les mois». De mon point de vue l’intérêt de ces Chambres criminelles, la plus-value par rapport à la Cour d’assises aurait été que ces chambres puissent statuer de façon régulière comme les audiences de flagrants délits ou celles de grandes correctionnelles ou tout au moins, une session tous les mois. Mais, s’il faut revenir au rythme de la Cour d’assises classiques, nous ne voyons pas l’intérêt du point de vue de l’efficacité surtout du droit des citoyens à être juger dans un délai raisonnable.

Pourtant l’Etat a entamé le processus de modernisation des tribunaux . Qu’en dites-vous ?

Du point de vue de la modernisation, à part le Tribunal de Louga, le tribunal de Pikine et peut-être celui de Dakar et les tribunaux de Thiès, de Kaolack qui ont été récemment réfectionnés, si vous allez à Fatick ou à Diourbel ou dans d’autres départements, les locaux qui abritent les juridictions ne permettent pas de rendre une justice qui soit digne pour un homme, cela c’est du point de vue des infrastructures mais également du point de vue des longues détentions.
Aujourd’hui l’on revient au rythme normal des sessions d’assises, nous ne pouvons pas entrevoir, du point de vue des réformes par rapport aux Chambres criminelles, un moyen de lutter contre les longues détentions. Puisque le rythme de jugement notamment avec les dossiers de drogues, vous avez à Dakar plus de 300 dossiers de drogues qui doivent être jugés, mais je ne pense pas que la réforme puisse être une solution par rapport à la cadence annoncée par rapport à la tenue des sessions

L’année 2014, c’est aussi le rapport tendu entre défenseurs des droits humains, notamment Amnesty international section Sénégal et le Forum civil, et le pouvoir sur certains points. Qu’est-ce qui explique ces tensions ?

La différence entre un militant des droits de l’homme et un politique c’est que le militant des droits de l’homme défend des principes pérennes alors que souvent le politique a tendance à défendre des causes par rapport à sa rationalité stratégique. Par exemple nous avons combattu avec ceux qui sont au pouvoir aujourd’hui et, à l’époque, nous avions les mêmes visions. Par exemple, par rapport à la liberté de manifestation, nous étions sur la même longueur d’onde par rapport à la nécessité de combattre ce que l’on appelle les fractionnements de marchés ou les grés à grés et par rapport à d’autres principes de bonne gouvernance. Une fois que ces derniers sont au pouvoir, nous constatons que c’est les mêmes démons que nous dénoncions hier qui sont mis en feu. Vous voyez les nombreux marchés que nous dénonçons à la Cité de l’émergence, à la réfection du Bulding administratif, sur l’autoroute Thiès Touba. Tout cela constitue des marchés qui ont été attribués non pas sur la base d’appel d’offres régulier, ce qui explique la sortie du Forum civil
Par rapport au droit à la manifestation, aujourd’hui nous notons que le pouvoir est en train de revenir sur des acquis ou des revendications pour lesquels nous nous sommes battus contre le régime précédent. Et, c’est évident que c’est un point d’achoppement que nous avons avec le régime en place. Il y a également énormément de conflits d’intérêt que nous notons aujourd’hui: c’est l’affaire Petrotim et sur d’autres affaires que nous ne pouvons pas accepter. Donc, tant que la politique change sa vision en fonction de sa position d’opposition ou de tenants du pouvoir, je crois qu’il sera difficile, au Sénégal, d’avoir des convergences entre la société civile et le pouvoir en place.

Dans un autre registre, au premier trimestre de 2014, la série de meurtres répétitifs des malades mentaux à Tambacounda avait défrayé la chronique. Il y a eu une arrestation avec les éléments de la DIC envoyés sur place et depuis lors le mystère persiste. On n’a pas beaucoup entendu les défenseurs des droits de l’homme sur ce sujet. Pourquoi ?

Nous avions soulevé le problème à l’époque et nous étions en synergie et sur la même longueur d’onde que l’Association de défense des malades mentaux d’Ansoumana Dione. Nous avions demandé l’ouverture d’une enquête et à l’époque nous nous sommes réjouis du fait qu’on avait envoyé des unités spéciales à Tambacounda. Mais malheureusement, il n’y a pas eu de suite: on ne nous a pas annoncé de résultat concret en termes d’arrestation ou en tout cas de manifestation de la vérité pour ce phénomène criminel. Pourquoi le phénomène a atteint de telles ampleurs ? Quels sont les coupables ou les présumés coupables ? Quelles mesures ont été prises ? Nous n’avons aucune information officielle.
Mais de façon globale, on a assisté à une vulnérabilité de la personne humaine. Je pense que 2014 aura été une année de vulnérabilité. Vous avez parlé des malades mentaux, mais on aurait pu parler aussi des personnes accidentés de la circulation, car on a noté plus de 300 morts, c’est le décompte qu’on a fait par rapport aux accidents de la route. Mais on aurait pu également parler des victimes de foudres ou des tonnerres dans les villages.

Mais on a enregistré une diminution des tortures au niveau des lieux de privation de liberté. Est-ce que vous le confirmez ?

Oui, même s’il y a diminution par rapport aux années passées, mais partout nous avons noté des cas de bavures policières et d’usage disproportionnée d’armes à feu avec les cas de Bassirou Faye et du détenu qui a été abattu à Kédougou sous prétexte qu’il prenait la fuite et les forces de l’ordre tirant sur des élèves à Bignona alors qu’ils manifestaient. Il y a eu énormément de cas de meurtres ou de blessés à balle réelle alors qu’aucun danger ne justifiait l’usage d’armes. Nous avions même déclenché une procédure contre l’Etat du Sénégal au niveau d’instances appropriées pour usage démesurés des armes à feu face à des populations désarmées.
Donc, pour autant l’on peut se réjouir de la diminution d’actes de tortures et évidemment un certain nombre de condamnation de que nous avons réussi par rapport à des policiers et gendarmes ; mais également par rapport à la campagne de sensibilisation que nous avons déclenchée notamment la Ligue sénégalaise, Amnesty et d’autres, nous notons que les forces de l’ordre sont devenues beaucoup plus attentives à ces cas de torture. Et surtout que l’impunité a été battue en brèche par le pouvoir en place dès le début. A contrario, c’est au niveau de la répression policière et même des manifestations, que nous avons vu des leaders politiques qui, convoqués à la Crei, ont reçu des balles, des grenades lacrymogène (Abdoulaye Baldé-ndlr) avec leur famille sans aucun prétexte. Nous notons toujours l’usage démesuré d’armes offensives et non offensives par des forces de police et c’est regrettable.

2014 ce n’est pas que des point sombres en matière de protection des droits humains, il y a aussi certains points positifs. Lesquels retenez-vous ?

Comme je viens de le dire, il y a une sensible diminution en termes de torture en tant que tel évidement. Nous avons noté, sur le plan judiciaire, un certain nombre d’action des hommes de tenues condamnés à 2 ans ou 1an de prison notamment avec l’affaire de Thiekouta Sidibé et le jeûne tué à Grand-Yoff. Concernant le volet santé, il y a la couverture maladie universelle, même si dans les faits ces annonces ne se vérifient pas. Et, même si au niveau des bourses sociales on nous parle de 100 mille familles, mais il n’est pas possible concrètement de le vérifier. Et pour l’année 2015, on annonce 200 mille familles. Il aurait fallu qu’ils nous disent dans tel quartier, dans tel région, dans tel village, tant de familles ont bénéficié de tant de bourses pour que les Sénégalais se rendent compte que les sommes dégagées parviennent à destination. Car des gens continuent à mourir par manque de moyens et tout récemment on a vu des siamois mourir et dont les parents ont fait le tour des hôpitaux de Dakar dont les portes leur avait été fermées. Ce qui veut dire que la réalité est toute autre.

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