Le Comité sénégalais des droits de l’Homme a procédé, ce lundi, à la restitution des recommandations formulées par l’atelier des experts pour la conformité du nouveau Code pénal avec les obligations internationales du Sénégal en matière de droits humains.
Le nouveau code pénal doit être en phase avec les engagements internationaux du Sénégal en matière de respect des droits de l’Homme. C’est en substance le principal plaidoyer du groupe d’experts chargé de formuler des recommandations pour la réforme du Code de procédure pénale. Les principaux amendements attendus concernent le respect des droits de deux catégories sociales : les femmes et les enfants. « Il existe un certain décalage entre les conventions sur la protection des femmes et des enfants ratifiées par le Sénégal et certaines dispositions du code pénal », regrette Fatou Kiné Camara, présidente de l’AJS.
Alors que le Sénégal a ratifié le Protocole de Maputo qui autorise l’avortement en cas d’inceste ou de viol, l’Interruption volontaire de la grossesse est punie par la loi. Autre exemple : D’après les conventions sur les droits des enfants signées par le Sénégal, est considérée comme enfant toute personne âgée de moins de 18 ans. « Or, il existe une discrimination entre les enfants suivant leur âge », poursuit Fatou Kiné Camara, en donnant l’exemple du viol. Ainsi, lorsque la victime d’un viol est âgée de plus de treize ans, la peine encourue par son agresseur est allégée, du fait de la prise en compte de « circonstances atténuantes ».
C’est pourquoi certaines personnes reconnues coupables de viols écopent d’une peine de deux à trois ans de prison, alors que la durée d’incarcération prévue par la loi est comprise entre cinq et vingt ans. « Aucune circonstance atténuante ne doit être invoquée en cas de viol, car il s’agit d’un crime grave », plaide-t-elle. Fatou Kiné Camara rappelle que les conventions sur les droits des personnes humaines ratifiées par le Sénégal font partie intégrante de la Constitution. C’est pourquoi, elle juge important de veiller au respect de la Constitution. Mais encore faut-il qu’elle soit bien comprise. Elle recommande ainsi la traduction dans les langues nationales du Texte fondateur.
Tout en plaidant pour le strict respect des dispositions prévues par la Constitution, Fatou Kiné Camara recommande la criminalisation du mariage précoce. ‘’La mortalité maternelle est l’une de ses conséquences’’, affirme-t-elle. L’autre conséquence est l’interruption de la scolarité. Selon elle, si le pari de la scolarisation des filles est gagné, leur maintien à l’école est compromis dans certaines zones, par le mariage. « De brillantes filles sont contraintes à l’abandon. Cette situation est d’autant plus préjudiciable que le développement d’un pays repose davantage sur l’intelligence que sur les muscles. »
Ce sont entre autres les recommandations du groupe d’experts issus de différentes organisations de défense des droits de l’Homme. Elles seront soumises aux parlementaires chargés d’adopter la réforme du Code de procédure pénale.
AFFAIRE Cheikh Sidya Bayo
Alioune Tine s’oppose à toute extradition vers la Gambie
« Le Sénégal doit éviter les extraditions vers la Gambie. » Telle est l’opinion d’Alioune Tine. Le président du Comité sénégalais des droits de l’Homme a souligné que les textes du droit international s’opposent à l’extradition d’une personne vers un pays où il risque la peine de mort, en faisant allusion au cas de Cheikh Sidya Bayo.
L’opposant au régime de Yayah Jammeh est en détention, depuis quelques jours à Dakar. Son arrestation fait suite à la tentative de coup d’Etat avorté en Gambie le 30 décembre dernier. Cheikh Sidya Bayo avait alors tenu des propos encourageant le renversement du régime gambien. Il a également lancé un appel à l’insurrection du peuple gambien. Ces prises de position médiatisées pourraient être la cause de son arrestation à laquelle aucune explication officielle n’a été fournie.
Pour Assane Dioma Ndiaye, l’avocat du jeune opposant, il s’agit d’une «opération de charme à l'endroit des autorités gambiennes». En attendant, Alioune Tine appelle au respect de la présomption d’innocence. Selon lui, un procès équitable doit être garanti à toute personne arrêtée. « Le Sénégal doit préserver sa réputation de terre d’asile, en s’opposant à toute extradition susceptible de conduire à la torture ou à la mort ». Il appelle également les « voix les plus autorisées », à savoir l’UA et la Cedeao, à empêcher l’exécution des personnes arrêtées en Gambie.