La suspension du stade Léopold Sédar Senghor par le CAF le 27 novembre 2012 suite aux incidents ayant émaillé le match retour qualificatif de la CAN 2013 entre les «Lions» du Sénégal et les «Eléphants» de la Côte d’Ivoire, a mis à nu la politique sportive sénégalaise. Pendant plus d’un an, les poulains d’Alain Giresse ont été condamnés à l’errance à la recherche d’un pays d’accueil pour abriter leurs matches à… domicile.
C’est ainsi que les villes de Conakry, Marrakech et Casablanca ont offert leur hospitalité au Sénégal pour accueillir l’Angola, l’Ouganda et la Côte d’Ivoire pour le compte des éliminatoires de la coupe du monde que les «Lions» ne verront qu’à travers le petit écran.
Pourtant, la Confédération africaine de football n’a suspendu que le stade Léopold Sédar Senghor. Mais, à cause de l’absence chronique des infrastructures sportives, il n’y avait aucune alternative qui s’offrait au Sénégal que d’externaliser ses matches. «Lions» de Dakar et non «Lions» du Sénégal, s’était alors offusqué Sud Quotidien, qui faisait constater que depuis les indépendances, seules les villes de Kaolack (1975) et de Ziguinchor (1995) avaient eu la chance d’abriter un match de l’équipe nationale de football. Une hérésie pour un pays qui attend jouer les grands rôles dans le football continental voire mondial.
Feu Issa Mbaye Samb avait d’ailleurs attribué l’échec de la candidature du Sénégal pour l’organisation de la CAN de football 2010 au manque de stades performants conformes aux exigences de la CAF.
Le paradoxe, c’est que depuis la construction du stade Léopold Sédar Senghor en 1985, les autorités étatiques n’ont plus pensé à poursuivre la dynamique des infrastructures afin de permettre à chaque sénégalais où qu’il se trouve à pratiquer le sport de son choix.
Au contraire, elles ont laissé l’existant mourir de sa belle mort. La rouille et le sel marin avaient assiégé Léopold Sédar Senghor avant qu’il ne sombre au soir du 13 octobre 2012 sous les actions des pseudo-supporters qui n’avaient rien à faire dans les gradins.
Construit en 1963, le stade se dénommait d’abord «Stade de l’Amitié», puis prit le nom de Demba Diop, en hommage à l’ancien maire de Mbour et ministre de la Jeunesse et des sports sous la présidence de Léopold Sédar Senghor, est aujourd’hui également en état de délabrement très avancé. En témoigne ses projecteurs qui dégagent honteusement une lumière de bougie. A l’intérieur du pays, c’est la même désolation!
Du sabotage dans la réhabilitation
A côté de ce manque criard d’infrastructures, on peut relever un sabotage savamment orchestré dans la réhabilitation de certaines infrastructures sportives. Exemple du stade Amadou Barry. Moins de deux années seulement après sa réhabilitation (2008), le stade de Guédiawaye est dans un état de délabrement très avancé. Des vestiaires et les toilettes dégagent des odeurs nauséabondes, détectables à plusieurs mètres. Quant à la pelouse, elle est complètement dégarnie par la boue qui orne l’entrée du stade.
Et dire que sa réhabilitation a coûté au Sénégal une bagatelle de 600 millions. Le stade Babacar Sèye de Saint-Louis a subi le même sort. Dés les premières pluies, l’eau a séparé le tapis herbacé de la terre, le rendant impraticable.
Quant au stadium Marius Ndiaye, sa réfection a coûté 900 millions de nos malheureux francs en 2007. Quatre années après, il pose des problèmes d’étanchéité à cause d’une toiture qui a cédé. Sans occulter les récurrents vols constatés lors des matches.
Le comble, c’est que personne n’est responsable d’une telle tragédie. Ni l’entrepreneur. Encore moins l’architecte. Au Sénégal, c’est véritablement là où le bât blesse. Il y a toujours un coupable. Mais jamais de sanction.
Les Chinois à la rescousse
Profitant de la reprise de ses relations diplomatiques avec la République populaire de Chine en 2005, l’Etat du Sénégal engage un vaste chantier de réhabilitation des stades régionaux. Onze au total. La première phase a concerné les stades Alassane Djigo de Pikine et Elimanel Fall de Diourbel qui sont terminés et livrés.
La deuxième avec les stades Caroline Faye de Mbour, Massène Sène de Fatick et Lamine Guèye de Kaolack. Tous terminés et livrés.
La Chine engage et termine la 3ème phase qui concerne les stades Alboury Ndiaye de Louga, de Kolda et de Tamba. La quatrième et dernière phase concerne les stades de Matam, Médine de Saint-Louis et Aline Sitoe Diatta de Ziguinchor, confie Mamadou Bâ, Conseiller technique numéro 1, du ministre des Sports, Mbagnick Ndiaye, selon qui, «les stades de Matam et de Médine seront livrés dans le premier trimestre de l’année 2014».
Quant au stade Aline Sitoe Diatta, les travaux viennent juste de débuter avec la démolition de la partie centrale de la tribune qui sera complètement reconstruite. Sans occulter le gazon synthétique, des projecteurs et une sonorisation. Il devrait être prêt en 2015.
Chacune infrastructure réhabilitée devrait coûter entre 1,200 milliard à 1,800 milliards de F Cfa. Non compte tenu de la contribution sénégalaise. Rappelons que c’est l’Etat qui prend en charge les frais liés à l’eau, l’électricité et les voies d’accès. Mais aussi, des frais du personnel et de l’architecte en charge du suivi.
Mieux, l’Etat exonère tous les produits venant de la Chine et qui sont destinés aux travaux. Ce qui constitue un manque à gagner énorme. Rien que le gazon synthétique coûte 300 millions F Cfa.
Sur-utilisation
Si le Sénégal souffre d’un manque criard d’infrastructures sportives, la sur-utilisation de l’existant constitue aussi une gangrène qui abime trop souvent les aires de jeu. C’est le cas du stade Demba Diop, mais aussi de plusieurs infrastructures régionales.
En plus des matches de la Ligue 1, Ligue 2, de la coupe du Sénégal, de la coupe de la Ligue, des compétitions africaines, Demba Diop abrite la plupart des rencontres de Navétanes. Sans occulter les combats de lutte. Une forte demande qui a fini par dégrader le gazon synthétique qui avait couté plus de 500 millions. Dans les autres régions, il se pose le même problème. Dès la livraison des infrastructures sportives aux maires ou présidents de conseils régionaux, les stades sont envahis par différentes manifestations.
Pis, il se pose aussi le problème d’entretien. Ce qui fait que la durée de vie des infrastructures sportives est très limitée dans le temps. Une situation qui devrait pousser l’Etat à amorcer une large réflexion. Surtout en perspective des championnats U-20, devant se dérouler du 8 – 22 mars 2015 dans notre pays qui n’a plus abrité une compétition de dimension continentale de football depuis 1992. C’était la CAN 1992, soldée par la victoire des Eléphants de Côte d’Ivoire sur le Ghana d’Abédi Pelé.