En prison depuis le 17 avril 2013 pour enrichissement illicite, Karim Wade va-t-il bénéficier d’une liberté provisoire ? Lui et son ami et présumé complice Mamadou Pouye seront édifiés sur leur sort ce matin par la Cour de répression de l’enrichissement illicite.
Jour de vérité pour Karim Wade. La Cour de répression de l’enrichissement illicite (CREI) rend aujourd’hui sa décision sur la seconde demande de liberté provisoire introduite au profit du fils de l’ex-président Abdoulaye Wade et de son ami d’enfance Pape Mamadou Pouye, incarcérés dans le cadre de la traque des biens mal acquis. La Cour va-t-elle donner suite à la demande de la défense ? La décision d’Henri Grégoire Diop et de ses conseillers est très attendue, dans la mesure où Karim Wade a passé un peu plus de 620 jours en prison, après son placement sous mandat de dépôt, le 17 avril 2013.
Cependant, le réquisitoire du procureur spécial Cheikh Tidiane Mara, fait lundi dernier, rend sceptique. Toutefois, à l’analyse de la situation, ce ne serait pas surprenant que la Cour ne suive pas le parquet spécial, en accordant la liberté provisoire à Karim Wade, « l’homme politique qui a le plus duré en prison », comme disait l’un de ses avocats, Me Seydou Diagne. La liberté provisoire semble même devenir une demande sociale, vu que même les plus irréductibles qui demandaient que Wade-fils soit conduit à l’échafaud ont tempéré leur discours. « Qu’on le laisse partir, s’ils n’ont pas de preuve contre lui », entend-on de plus en plus dans les débats et émissions radiophoniques.
Attaques personnelles
Parmi les arguments qui militent en faveur d’une liberté provisoire, les lenteurs enregistrées dans la tenue du procès, du fait du caractère volumineux du dossier à éplucher. Un procès ouvert depuis le 31 juillet dernier et dont le déroulement a surpris plus d’un. Car, à la place d’un véritable débat juridique sur les faits d’enrichissement illicite reprochés à l’ancien ministre du Ciel, de la Terre et de l’Air, l’on a plus assisté à des attaques personnelles, entre robes noires. Cela peut s’expliquer par la stratégie de défense adoptée par Karim Wade qui n’a pas voulu s’expliquer sur les faits, parce que tout simplement l’un de ses présumés complices, Ibrahima Abou Khalil Bourgi dit Bibo était malade. Quoi qu’il en soit, ce procès fleuve laisse encore l’opinion, qui attend d’être convaincue par la culpabilité ou l’innocence de Karim Wade, sur sa faim. Cela, d’autant que de 694 milliards de francs CFA, l’accusation est passée à 117 milliards de francs CFA.
La suite du procès édifiera les Sénégalais, surtout avec le retour de Bibo Bourgi. D’ici là, Karim Wade va-t-il continuer à croupir en prison ? En tout cas, la dernière sortie de Me El Hadj Diouf est analysée comme un signal par certains. « Je veux voir Karim Wade sortir de prison », disait le tonitruant avocat constitué pour l’Etat dans ce dossier, qui quelque temps auparavant s’opposait farouchement à une liberté provisoire de Karim Wade. « Il y a très peu de chance que Karim Wade soit mis en liberté provisoire. Je pourrais même dire que c’est impossible. Karim peut faire disparaître les preuves de plus en plus nombreuses contre lui ou encore travailler à empêcher les déclarations d’éventuels témoins à charge. Il y a des dossiers tellement chauds et sensibles qui nécessitent le mandat de dépôt », déclarait-il, avant son revirement.
Ballon de sonde
Certains qui analysent cette sortie de l’avocat-député comme un ballon de sonde, se fondent sur le débat autour de la médiation pénale qui a fait rage au tout début de la traque des biens mal acquis. L’avocat avait été l’un des tout premiers à agiter l’idée de la médiation pénale. Il avait été démenti, avant d’être conforté par le Chef de l’Etat qui n’avait pas craché sur cette option. Par la suite, on a assisté à des remises de chèques provenant de ladite traque.
A côté de la sortie de l’avocat, l’intervention de certains religieux ainsi que leur sensibilisation par Wade-père n’est pas à négliger. Même si par ailleurs, du côté du pouvoir, on se plaît à se faire le chantre de la séparation des pouvoirs, tout en assurant que l’Exécutif ne s’immiscera jamais dans le travail du judiciaire. A cela s’ajoute la déclaration de guerre faite par l’ancien président Abdoulaye Wade, dopé surtout par la forte mobilisation notée, depuis son premier retour au pays.
Quoi qu’il en soit, du point de vue légal, rien ne s’oppose à ce que Karim Wade soit mis en liberté provisoire. Le parquet spécial s’appuie sur le fait que Karim Wade et Cie encourent 10 ans, pour s’y opposer. Me Bamba Cissé bat en brèche cet argument. « La gravité des faits n’a aucun rapport par rapport à l’éligibilité, à la liberté provisoire, d’autant plus que quelles que soient les charges retenues, il y a la présomption d’innocence », explique l’avocat. Selon lui, « c’est seulement en matière de détournement de deniers publics ou d’escroquerie portant sur les deniers publics que le mandat de dépôt est obligatoire, mais en cas de contestations sérieuses ou versement de la consignation, le juge peut accorder la liberté provisoire ».
Dans la même veine, certains considèrent que les cas de Bara Sady, Amadou Kane Diallo et les autres libéraux, poursuivis dans le cadre de la traque des biens mal acquis, peuvent servir de jurisprudence. C’est-à-dire que Karim Wade peut bénéficier d’une liberté provisoire comme eux.