Le Sénégal va lentement, mais sûrement, s’ouvrir aux Organismes génétiquement modifiés (OGM). En perspective de la réunion du conclave de l’UEMOA sur les questions de biotechnologie prévu au Burkina Faso en février 2015, notre pays, qui reste jusque-là fermé aux OGM, engage la révision de la loi 2009-27 du 08 juillet 2009 sur la biosécurité tout en mettant en place une plate forme d’échange regroupant tous les acteurs. Ce sera le parachèvement d’un processus qui a démarré suite à la déclaration de Bamako des Etats partis de l’UEMOA faite en 2006 relative à l’adoption d’une règlementation commune sur ces questions de biosécurité.
Alors que le Sénégal reste fermé aux Organismes génétiquement modifiés (OGM), des chercheurs et scientifiques militent pour l’ouverture de notre pays à la biotechnologie. Au même moment, la société civile (notamment des agriculteurs et producteurs) sont contre une modification de loi dont ils veulent qu’on laisse les dispositions telles quelles. Donc il s’agit de mener des réflexions pour l’harmonisation de la loi 2009-27du 08 juillet 2009 sur la biosécurité, jugée trop restrictive au vu de l’évolution et tout ce qui se passe dans le monde, avec le règlement de l’UEMOA.
A cet effet, l’Autorité nationale de la biosécurité (ANB), en collaboration avec le CORAF (projet Obama), a organisé un atelier de «Mise en place de la plate forme d’innovation sur les biotechnologies modernes et la biosécurité».
C’est un cadre institutionnel rattaché aux organes de l’Etat et prenant en compte la société civile, les partenaires financiers et techniques (UEMOA, CORAF, etc.), des étudiants et tous ceux qui s’intéressent aux questions de biotechnologie pour discuter, chacun faisant partager ses compétences et expertises, en vue de donner un avis qui soit l’intérêt du Sénégal. «C’est une démarche innovante. L’idée c’est d’échanger et de partager, obtenir une participation de tous, ce qui permettra d’aller vers des décisions qui ne soient pas contestées. Le constat c’est que nous avons une loi contraignante, restrictive, qui ne permette pas un épanouissement de certains par rapport à ces questions de biotechnologie. Alors que, par essence, une loi doit être générale et impersonnelle. Donc nous ne devrons pencher ni du côté des agriculteurs, ni du côté de ceux qui veulent utiliser les biotechnologies. La loi doit être équidistante des parties prenantes, des belligérants, pour que le Sénégal puisse en profiter. C’est ça l’intérêt, nous devons concevoir la loi eu égard aux intérêts de nos pays, nous devons aller vers la révision de la loi», a expliqué Oussenou Kassé Directeur exécutif de l’Autorité nationale de la biosécurité.
Selon Ousseynou Kassé, cette révision fait suite à un processus enclenché avec la Déclaration de Bamako faite en 2006. Alors, les Etats partis de l’UEMOA ont vu qu’il était nécessaire d’adopter une règlementation commune qui puisse prendre en charge les questions de biosécurité, face à la faiblesse des pays membres en matière de connaissance et de potentialité, mais aussi eu égard au fait que les ressources de ces derniers étaient maigres. Dès lors, il fallait se donner la main pour, dans le cadre d’une organisation communautaire régionale ou sous régionale, prendre en charge ces questions de biosécurité.
«Donc l’avant-projet de réforme de la loi est un processus qui a débuté en 2006. D’ailleurs il y a beaucoup d’experts sénégalais qui ont participé à la rédaction de ce document. La réflexion aussi du Sénégal et des Sénégalais a été et sera toujours prépondérante dans ce processus. Il y a une volonté commune d’aller vers une règlementation en matière de biosécurité au sein de l’UEMOA», a-t-il relevé.
Gérer les risques des OGM pour faire bénéficier des avantages
Le Directeur exécutif de l’ANB, structure logée au ministère de l’Environnement et qui s’occupe des biotechnologies modernes, globalement les OGM, de souligner que «la biotechnologie ce n’est pas que des OGM. Les biotechnologies modernes ont contribué à sécuriser, sur le plan alimentaire, les populations. On connait les riz, maïs transgéniques par exemple. Il y a aussi des applications sur le plan médial (comme l’insuline pour les diabétiques), entre autres».
Toutefois, a-t-il reconnu, «ces questions (biotechnologie-ndlr) aussi ne sont pas exempt de risque. C’est ce risque là qu’il faut gérer pour faire bénéficier et profiter des avantages de ces biotechnologies en sécurisant et en prenant en compte le facteur (risque). C’est pourquoi l’ANB a été relancée par le pouvoir actuel pour faire bénéficier de ses avantages tout en gérant les risques».
BIOTECHNOLOGIES MODERNES ET BIOSECURITE , La COPAGEN pour une introduction contrôlée des ONG, à défaut de…
«Nous, en tant producteur, agriculteur, COPAGEN, en tant qu’organisation de la société civile, pensons que la loi Sénégalaise sur la biosécurité est très bonne parce qu’elle est très contraignante par rapport à l’introduction des OGM dans notre pays. Les gens veulent la réviser, mais nous, au stade où elle est, nous la jugeons honnêtement bonne». C’est la Coalition pour la défense du patrimoine génétique africain (COPAGEN), dont Enda Pronat assure la coordination au Sénégal, qui décline ainsi sa position par rapport à la révision de la loi 2009-27du 08 juillet 2009 sur la biosécurité conformément au projet de règlement intérieur de l’UEMOA.
Interrogé en marge de l’atelier de «Mise en place de la plate forme d’innovation sur les biotechnologies modernes et la biosécurité», Sidy Ba, le point focal de la COPAGEN, révèle que «si elle (la loi-ndlr) est très contraignante c’est parce que l’Etat a pris en compte les préoccupations des producteurs que nous sommes, des organisations de la société civile que nous sommes». Et, «certains de nos chercheurs veulent qu’on révise cette loi sur la biosécurité parce que voulant être au diapason, au même niveau que ceux des autres pays. L’exemple qui est souvent pris c’est que les Burkinabès ont appris au niveau du Sénégal et qu’aujourd’hui ils nous dament le pion, les Sénégalais sont très en retard par rapport à eux».
Toutefois, Sidy Ba précise que les producteurs et la COPAGEN restent très ouverts par rapport au projet de règlement intérieur de l’UEMOA et le projet de loi. Ils ont lâché du lest par rapport à beaucoup de questions tout en prônant une introduction contrôlée des OGM. «Ce que nous demandons c’est qu’on ait le droit d’avoir des zones sans OGM, des parties du Sénégal où des producteurs, des paysans ne veulent pas des OGM. Et, que les gens aient le droit de protéger les Aires marines protégées (AMP) tout comme certaines zones protégées, ne pas les introduire là-bas».
Bref, affirme-t-il: «nous, nous continuons à dire non aux OGM ! Oui aux zones sans OGM ! Oui à l’imprescriptibilité des causes et des méfaits des OGM ! Qu’on décrète des zones sans OGM au Sénégal, si les populations le veulent», lance-t-il, non sans rappeler l’exigence de l’effectivité de l’étiquetage de ces produits au cas où l’Etat venait à accepter leur introduction au Sénégal. «Par rapport à l’étiquetage aussi, que ce soit réel et fait. Si on introduit un maïs OGM de l’étranger, qu’on dise que ce maïs là est OGM. Libre au consommateur de l’acheter ou pas», conclut-il.
Le point focal de la COPAGEN s’est félicité de la mise en place de la plate forme qui est un cadre de concertation où toutes les idées sont bien venues. A travers ce cadre là que l’Autorité nationale de la biosécurité veut mettre en relation chercheurs, société civile et Etat pour que les gens puissent discuter et avoir une position commune du Sénégal par rapport à certains aspects. Aussi a-t-il expliqué qu’au niveau des pays de la sous région comme la Côte d’Ivoire, la Guinée, le Burkina Faso où les OGM sont introduits, la société civile les envie. Parce que l’Etat du Sénégal et le comité national de biosécurité appuient fortement les organisations de la société civile dans la réflexion sur le projet de la loi.