A 62 ans, Mahmout Saleh, directeur de cabinet politique du président de la République, reste un homme très controversé.
L’homme fait partie de la race d’acteurs politiques dont l’existence rime toujours avec controverses. Mahmout Saleh, directeur de cabinet politique du président de la République, occupe ces derniers temps le devant de l’actualité du fait de ses sorties au vitriol contre certains alliés de Benno Bokk Yaakaar (BBY). ‘’Il est temps d’achever les consultations, de poser des actes pour mettre en place la coalition Macky 2035.
On ne peut travailler avec quelqu’un, participer à son bilan et se retrouver contre lui’’, avait-il déclaré, lors de la signature de partenariat entre l’Alliance pour la République (APR) et la coalition pour l’émergence de Me Ousmane Sèye. L’allusion est claire et la cible, bien identifiée : Le Parti socialiste. Saleh juge contradictoire que les socialistes présentent un candidat à la présidentielle de 2017 tout en restant dans le gouvernement. Mais pour Ousmane Tanor Dieng, cette position est non négociable.
’’Il faut redynamiser le PS et restructurer ses instances avec comme objectif la reconquête du pouvoir’’, a indiqué le patron du Ps, ce week-end, à l’occasion du Comité central dudit parti.’’Lorsqu’on crée un parti, poursuit-il, c’est pour concourir à la gestion du pouvoir. Nous étions au pouvoir, nous l’avons perdu et nous nous préparons pour le conquérir’’. Comme pour se démarquer de la position de son directeur de cabinet politique et éviter toute suspicion entre lui et ses alliés, le président de la République aurait appelé au téléphone Tanor Dieng pour lui réitérer sa volonté de poursuivre le compagnonnage avec le PS. Au sein même de l’APR, nombreux sont les responsables qui se sont désolidarisés de Saleh.
La première charge est venue de Moustapha Cissé Lo : ‘’Le président de la République devrait être entouré d’hommes de qualité et de valeur. Mais aujourd’hui, nous notons qu’il y a des personnalités comme Mahmoud Saleh, cet homme qui est l’ennemi numéro un de la stabilité de l’Apr et du gouvernement et qui complote contre tous ceux qui ne lui sont pas favorables’’, avait déclaré le vice-président de l’Assemblée nationale dans le journal Le Populaire. La deuxième charge viendra du ministre Mame Mbaye Niang. Dans une interview accordée à EnQuête, ce dernier, dans un style très allusif, prévient : ‘’S’il y a des gens qui veulent jouer sur des positions d’influence, cela ne sert à rien. C’est méconnaître le président de la République que de croire qu’on peut le manipuler ou l’influencer.’’
Pourquoi Saleh cristallise-t-il autant de frustrations au sein de la mouvance présidentielle et de son parti ? Abdourahmane Ndiaye, conseiller politique du président de la République, nuance : ‘’C’est un homme extrêmement loyal, un fin politique ; sinon l’un des meilleurs politiciens du Sénégal. Mais comme tout homme, il est capable de faire des erreurs’’. Et parmi ces erreurs, notre interlocuteur, en retient deux : ‘’Premièrement, c’est un esprit libre ; or, l’esprit de groupe va jusqu’à la complicité. Deuxièmement, la position stratégique (directeur de cabinet politique) qu’il occupe lui donne de l’influence. Et cela crée de la jalousie. Car, lorsque quelqu’un n’obtient pas ce qu’il veut du président, il vous accuse d’en être à l’origine’’, explique ce responsable de l’APR.
‘’Un incompris’’
Pour Elimane Racine Sy, ancien membre de l’Union pour le renouveau (URD-FAL), Saleh est un ‘’incompris’’ à qui l’histoire finit toujours par donner raison. En s’en prenant au PS, Saleh, selon Elimane, veut éviter le syndrome de Benno Siggil Senegaal. ‘’Nous sommes à deux ans de la présidentielle, il faut que les alliés se déterminent. Alors, il (Saleh) veut pousser les socialistes à la sortie pour éviter à l’APR toute surprise’’, analyse-t-il. Pour étayer son propos, notre interlocuteur rappelle le fameux ‘’coup d’Etat rampant, puis débout’’, théorisée par Saleh.
‘’A l’époque, se souvient-il, les gens ne l’avaient pas pris au sérieux. Mais, ils seront plus tard convaincus. Car Idrissa Seck, à l’époque, contrôlait la Primature, l’Assemblée nationale, les mairies, les préfectures. Et il n’attendait que le moment venu pour prendre le pouvoir’’. La suite des événements, on la connaît. Idy sera débarqué de la Primature au bout de 2 ans (2002-2004). D’ailleurs, Elimane Sy demeure convaincu que les sorties du directeur de cabinet politique ne sont pas isolées. ‘’Saleh est en phase avec le président’’, dit-il.
‘’Faux ! rétorque Abdourahmane Ndiaye, si c’était le cas, il ne serait pas démenti par des responsables du parti.’’ En tout cas, Alassane Cissé, leader du Nouveau parti (NP), ancienne formation politique de Saleh, pense que ce dernier est en avance sur les gens. ‘’C’est quelqu’un qui fait de la prospection. Et la plupart de ses analyses s’avèrent justes avec le temps’’, confie-t-il. ‘’Macky 2012 avait dit que BBY est une escroquerie politique. Aujourd’hui, Saleh n’a fait que confirmé cela’’, ajoute Cissé.
‘’Il est amené à prendre des coups’’
Né en 1952 à Saint-Louis, Saleh, monogame et père de 4 enfants, est un pur produit du marxisme-léninisme dont il a subi l’influence très tôt. Etudiant en France, dans les années 70, il intègre la Ligue des travailleurs communistes (LTC) où il rencontre Aminata Touré, ancien Premier ministre où encore Oumar Sarr, du PDS. De retour au bercail, il fonde l’Union pour le socialisme et la démocratie (USD) en 1982.
Après une fusion ratée avec le Mouvement pour le socialisme et l’unité (MSU) de Mamadou Dia, il crée en 2000 l'Union pour le renouveau démocratique/Front pour l'alternance (URD/FAL) issu d'une scission d'avec l'Union pour le renouveau démocratique (URD). Ses contradictions avec Abdou Aziz Sow le poussèrent à créer, le 6 août 2006 le Nouveau Parti (NP). Il sera nommé ministre conseiller par Me Abdoulaye Wade avant de se séparer de lui quelques années plus tard.
En 2010, il quitte le NP pour rejoindre l'Alliance pour la République (APR-Yaakaar). Connu pour ses capacités de manœuvre, Saleh deviendra l’une des personnalités les plus influentes de l’entourage de Macky Sall. Une proximité qui ne manquera pas de susciter des grincements de dents. L’on se souvient de son altercation avec l’ancien porte-parole de la présidence, Abou Abel Thiam et actuel PCA de l’ARTP. Celui-ci lui intimera l’ordre de quitter la salle de réunion, sous le regard de Macky Sall. Un épisode qu’Alassane Cissé verse dans le compte de l’expérience politique. ‘’La plupart des gens qu’il avait aidés le combattent aujourd’hui. Il est à une station où il est amené à prendre des coups’’, dit-il. Le seul conseil que le leader du NP pourrait faire à Mahmout Saleh, c’est d’être moins spontané. ‘’Souvent, il prend des décisions sans consulter personne’’, regrette-il.