Des idées et un certain sens de l’imagination, voilà les matériaux de base qui servent à construire un Etat, une économie et un pays. Si c’est valable pour les dragons asiatiques et tous les pays émergents dans le monde, çà l’est aussi pour l’Afrique et le Sénégal. Le Sénégal, un pays du Sahel, en pleine effervescence qui cherche sa voie, sur les pistes sinueuses du développement. Depuis 1960, du président Léopold Sédar Senghor à Macky Sall, une sorte de grand bond en avant a été instauré dans Dakar et dans les régions pour impulser une dynamique nouvelle. Avec des résultats positifs voire mitigés ici et là. A petits pas, le Sénégal amorce son développement avec les moyens dont il dispose. Cependant, cette avancée n’a pas encore permis de rayer de la carte, sur tout le territoire national, toutes les formes d’inégalités et d’incohérences.
Senghor, Diouf, Wade et Macky Sall. Quatre présidents en 54 ans d’indépendance. Avec pour chacun, une histoire propre, une vision, des actes posés et des occasions manquées. Des erreurs aussi. Homme d’action, Senghor l’a été, quoi qu’on n’ait pu dire de sa gouvernance. Abdou Diouf président, aura aussi le mérite de lancer le projet autoroute hors de Dakar-Diamniadio avant que Wade ne se charge de la pousser vers sa destination finale. Aujourd’hui, au moment où 2014 se termine et que pointe 2015, Macky Sall vient de lancer le projet de construction du Pôle économique et urbain de Diamniadio.
Aura-il le temps de le finir ? En a-t-il les moyens ? Beaucoup de questions autour desquelles, l’avenir du Sénégal se dessine sur une belle carte pour des projets désormais dits de génération. En 54 ans d’indépendance et d’autonomie dans la formulation des budgets et des politiques économiques, le Sénégal peine, malgré les nombreux efforts de l’Etat, à asseoir une bonne stratégie de croissance utile aux régions, aux départements et communes, aux villages, aux pays pour dire. Les populations qui votent, élisent les élus locaux peinent encore à donner un contenu réel au concept de région. Depuis 1996, année où a été lancée la politique de décentralisation, elles semblent à la merci d’une réforme qui semble encore loin de leurs préoccupations.
L’on se rappelle encore tous ces plans économiques et sociaux introduits par le président Senghor dès l’année 1960, structuré autour du Premier plan dit de Développement économique et social jusqu’au 10ème. Eléments de stratégie, ces plans étaient à la fois des esquisses pour aller vers un horizon plus clair à savoir: la construction d’écoles, de lycées, d’instituts et de centres de recherches, d’hôpitaux, de stades comme Iba Mar Diop, Assane Diouf, Demba Diop et Amitié pour Dakar, Ely Manel Fall à Diourbel, Lat Dior à Thiès, Alboury Ndiaye à Louga.
Mais, l’un des projets les plus innovants pour l’époque a été l’aménagement de la Foire internationale de Dakar en 1974 et le centre d’affaires et d’échanges qui devait y être créé tout le long de la Voie de dégagement nord (Vdn). La Foire de Dakar qui «souffle» en cette fin d’année 2014, ses quarante bougies sous le signe de l’intégration sous-régionale…
TERRITOIRES, REGIONS ET FACTEURS DEMOGRAPHIQUES, CES CHOSES QUI ONT CHANGE EN 40 ANS
De 3 millions d’habitants en 1960, la population du Sénégal est passée à environ 12,5 millions d’habitants en 2010. Elle augmente de plus de 260.000 personnes par an, soit un croît démographique de 2,6%, chose à laquelle les politiques à la tête du pays devraient accorder une plus grande attention… L’accroissement important de la population s’explique par la baisse significative de la mortalité et le niveau élevé de fécondité. Selon les estimations de 2010, 55% de la population sénégalaise vit en milieu rural; un Sénégalais sur deux à moins de 20 ans et près de deux Sénégalais sur trois ont moins de 25 ans. Cependant, cet accroissement ne s’est pas accompagné d’une offre conséquente de services sociaux de base. Jusqu’en 1996, tout ou presque au Sénégal a été fait sous le sceau de la République et de l’Etat.
Toutes les réalisations citées plus haut, l’ont été sous cette forme de gestion du patrimoine. Et ce ne fut guère mieux depuis. Inspirées par le conseil des ministres, sous la houlette du chef de l’Etat, la politique économique, le développement humain et social, était le propre de l’administration, accompagné et inspiré sur le terrain par le gouverneur, le préfet, le sous-préfet, le président de communauté rurale. L’Etat était jeune, il avait à peine quelques années de vie, donc ne pouvait rien laisser au hasard. Senghor l’avait compris. Et dès le départ, la région est au centre de ses préoccupations.
Energie, environnement et développement, les mots ne datent pas d’aujourd’hui. Dès la première moitié des années 1970, l’initiative privée sera encouragée par des mesures fiscales et douanières, par la formation des entrepreneurs locaux et la poursuite de la décentralisation industrielle dans des métropoles régionales. Le nouveau Code des investissements prévoit ainsi des dispositions spéciales en fonction de ces priorités. Plusieurs projets de décentralisation prévoient l’implantation de nouvelles industries en province: fabriques de boissons gazeuses à Kaolack; abattoirs et usines de conserves à Thiès, Saint-Louis et Rufisque, etc. 6 milliards 392 millions de F Cfa d’investissements sont également prévus pour les industries alimentaires; 1 milliard 168 millions de F Cfa pour les industries textiles; 4 milliards 725 millions de F Cfa pour les industries chimiques; 2 milliards 614 millions de F Cfa pour l’industrie des métaux. Le reste des investissements étant affecté aux mines, aux matériaux de construction et aux industries diverses.
La part de l’énergie dans le budget d’investissement industriel est de 6 milliards 400 millions de F Cfa. En ce qui concerne le secteur de la production, on prévoit l’installation de la deuxième tranche de la centrale du Cap des Biches et le début de l’installation de la troisième tranche. Dans le domaine de la distribution, les travaux d’électrification seront orientés vers les régions rurales et côtières les plus défavorisées. Pour les transports, 7 milliards 500 millions de F Cfa seront consacrés au réseau routier, 3 milliards 500 millions de F Cfa aux voies ferrées et 3 milliards 284 millions de F Cfa aux ports.
S’ajoutent à ce programme l’extension et la modernisation du réseau de télécommunications, notamment en ce qui concerne la liaison Dakar-Thiès par câbles souterrains. En matière d’infrastructure aéronautique, l’allongement de la piste de l’aérodrome de Dakar pour permettre le décollage sans limitation de charges, représente de la moitié des investissements prévus.
Le tourisme n’est pas en reste. Car, avec 23 milliards 700 millions de F Cfa d’investissements prévus, le tourisme occupe une place importante dans le IVe plan. Le Sénégal, qui s’est fixé pour objectif d’accueillir plus de cent soixante-dix mille (170.000) touristes par an à partir de 1977 (contre soixante-dix mille en 1972), veut porter sa capacité hôtelière de deux mille cent cinquante (2150) chambres de standing international en 1974 à cinq mille trois cents (5300) chambres en 1977. Les principales régions à bénéficier des investissements seraient celles du Cap-Vert, de Thiès et la Casamance. Une grande partie des investissements de l’Etat seront combinés avec ceux des secteurs privés et étrangers. Voici entre autres, les raisons qui ont été à la base de la création de la station balnéaire de Saly Portudal à partir de 1977 et de celle du Cap Skirring en Casamance. Vous avez dit Vision, voilà des gens qui en avaient.
Senghor, poète, stratège…Président, La méthode au service de l’économie
Sous le magistère de Senghor, le début des années 1970 va donc être la période de lancement des grandes et futures réalisations avec une certaine méthode propre à l’homme de lettres. Le Sénégal vient de franchir la première décennie de son indépendance et il fallait marquer le coup. Le président, entouré d’experts, aidé par le Club Nation et développement, ne se trompera pas d’objectifs.
La planification de l’économie démarre ainsi en 1961 avec, tous les quatre ans, un bilan, l’élaboration d’un nouveau plan. En s’attardant un peu sur ces esquisses, l’on voit que le IVe plan quadriennal, qui va de juillet 1973 à juillet 1977 sera un des plus intéressants par le contenu. Ce plan prévoyait ainsi des investissements s’élevant à 178 milliards de F Cfa, un beau montant à l’époque. Soit une moyenne annuelle d’investissements de plus de 44 milliards de F Cfa. En guise de comparaison, la moyenne annuelle d’investissement durant le IIIe plan fut de 30 milliards de F Cfa après réajustement.
Ainsi, avec 45 milliards et demi de F Cfa, l’agriculture était «la priorité des priorités» dans la politique de développement élaborée par Senghor et son gouvernement à la tête duquel se trouve Abdou Diouf. Les principaux objectifs étant la recherche de techniques culturales nouvelles, la diversification des récoltes, l’étude des dimensions des exploitations les plus appropriées au pays et l’intensification de la productivité de l’arachide et du mil.
Une production de 1.100.000 tonnes d’arachide, tel était l’objectif de ce plan. Et cela, grâce à l’amélioration du régime foncier et à l’utilisation de variétés adaptées aux conditions climatiques du pays. L’âge d’or d’une culture de rente. Les principales opérations de développement auront ainsi lieu dans les régions de Sine-Saloum et dans la zone de Louga-Kébémer. L’amélioration de la production du mil et du sorgho devrait, elle aussi, être facilitée par une augmentation de 5 à 10% par an des superficies cultivées.
Consciemment ou inconsciemment, la région est au cœur du développement économique
Instruit par la pénurie alimentaire dont ont souffert les Sénégalais à cause de la sécheresse de l’année 1973, le gouvernement s’efforcera de diversifier aussi les cultures qualifiées à l’époque de secondaire comme le riz, le maïs, les primeurs, la canne à sucre. Un effort particulier a été également prévu dans le domaine des cultures fruitières. Très ambitieux, ce IVe plan préconise une intensification des cultures en vergers, notamment en Casamance. Au terme du plan, la production de bananes, qui était en ce moment de 4.000 tonnes par an, devrait doubler dans le pays. Consciemment ou inconsciemment, l’on voit que la région est au cœur du développement économique.
Fortement éprouvé par la sécheresse, le cheptel, estimé en juillet à deux millions six cent cinquante mille (2.650.000) bovins a connu d’énormes pertes entre 1972 et 1974. C’est dans ce contexte que le IVème plan va prévoir des investissements de 4 800 millions de F Cfa pour le développement de l’élevage. C’est aussi l’âge d’or pour le ranch de Dolly dans le Ferlo. Les principaux projets ont ainsi trait à l’amélioration de l’état sanitaire du cheptel actuellement affecté par la péripneumonie, les charbons et les parasitoses, le développement des infrastructures de production (puits, fermes d’embouche, parcs) et l’étude des problèmes d’alimentation.
Selon les autorités de l’époque, il était possible de doubler la production de viande d’ici à 1980 et de faire passer sa valeur de 10 à 20 milliards de F Cfa. La production du lait, dont une faible partie est actuellement commercialisée, devrait augmenter de plus de 30% à partir de juillet 1977. Prévue dans le IIIème plan et réalisé lors du IVème, une autre grande prouesse de Léopold Sédar Senghor, sera la création de l’Ecole Polytechnique de Thiès qui aura aidé à former les premiers ingénieurs sénégalais et ouest africain grâce à la coopération canadienne et son appui. Connue sous le sigle Ept et fondée en 1973, c’est le fleuron du pays dans le domaine des sciences de l’ingénieur surtout en génie civil et génie électromécanique. Au début, l’institut est sous la tutelle de l’armée.
Le Sénégal amorce sa stratégie d’émergence à cette époque en formant les premiers ingénieurs du génie et dans d’autres domaines des sciences, de la technique et des technologies. Seydou Sy Sall, ancien ministre de l’Urbanisme et de l’aménagement du territoire, aujourd’hui directeur du Pôle Urbain de Diamniadio est de ceux là. Tout comme le brillant et imaginatif ingénieur du génie, Abdoulaye Sène, ancien Directeur de la Mission d’études et d’aménagement des vallées fossiles (Meavf). Même si le projet a été supprimé par le président Wade, Senghor, l’ingénieur Sène aura eu le mérite d’avoir imaginé, en s’inspirant de l’école canadienne, ce vaste projet qui vivait ses premiers résultats probant, grâce à la coopération avec l’Etat d’Israël.
La pêche devient, dès 1972, le premier secteur de l’économie…
Dans le domaine maritime, les investissements consacrés à la pêche représenteront une somme de 9 milliards. Ils visent notamment la motorisation des pirogues et la construction de dépôts ou de fabriques de glace, qui sera également financée par un important prêt canadien. L’aménagement des ports de pêche de Dakar et de Saint-Louis est prévu ainsi que la construction d’un port de pêche à Ziguinchor et d’un port sardinier à Foundiougne. Le développement de la pêche en mer frappe d’autant plus l’imagination que les difficultés des producteurs d’arachides en 1972 et en 1973 ont permis à la pêche de devenir, dès 1972, le premier secteur de l’économie sénégalaise par l’importance de son chiffre d’affaires. La seule pêche en pirogues représente désormais annuellement 200.000 tonnes de poissons divers.
Une flottille moderne sénégalaise est d’autre part en voie de constitution, le gouvernement ayant acheté, à bon compte, des chalutiers de fabrication soviétique ou française. Une extension des quais du port de pêche est en cours et va être réalisée sur des terrains de l’arsenal cédés au Sénégal par la marine nationale française.
On note également dans les prévisions du plan d’importantes mesures de conservation et de protection de la nature, notamment dans le domaine forestier: fixation des dunes sur la côte située entre Dakar et Saint-Louis; protection des pistes forestières faisant office de pare-feu; plantations d’arbres tout au long des principales routes; aménagement de zones sylvo-pastorales. Pour réduire la consommation de charbon de bois, le gouvernement prévoit l’utilisation de plus en plus fréquente du gaz butane, dans la mesure où il pourra se procurer cette source d’énergie.
Toutes ces choses qui sont devenues les outils ordinaires d’un pays qui a quand même réussi un grand bond en l’espace d’une génération.
Abdou Diouf, Le souffle d’espoir de la decentralisation
Nous étions de jeunes adolescents à l’université ou au lycée pour la plupart quand il arrive au Palais de l’ex-Avenue Room. Abdou Diouf, président, les choses vont se mettre à bouger: suppression des cantines et de l’internat à l’école, suppression des écoles normales, lutte contre l’enrichissement illicite etc. les choses bougent donc, mais toujours dans le sens souhaité. L’homme a de l’envie et le rêve d’un avenir meilleur pour le pays est en lui avec comme centre d’intérêt, un Etat plus fort et plus humain.
Mais, les bouleversements qui vont arriver en matière de décentralisation vont être inspirés par un fait majeur dans la vie en France: l’arrivée, le 10 mai 1981, de la gauche et de François Mitterrand au pouvoir. Après la liesse dans Paris et les régions, lui commence par les nationalisations. Et, le 15 mars 1982, il se lance dans une nouvelle loi sur la décentralisation. Contrairement aux habitudes, le mimétisme ne sera pas direct. Diouf, nouveau président y pense tout de suite, mais n’y va pas.
Il veut d’abord s’inféoder le bureau politique du parti contrôlé par des ténors comme le Pr Assane Seck, le député de Rufisque Mbaye Jacques Diop. Il lui faut de gens fidèles comme son ami Habib Thiam. Depuis le Congrès de 1976, l’Union progressiste sénégalaise veut être perçu comme un espace plus moderne. On opte ainsi pour le nom plus pimpant de Parti socialiste. Comme en Europe dans la France de Mitterand et l’Allemagne d’Helmut Schmitt.
Alors, juste avant 1983 et la présidentielle, les caciques s’en vont un à un disparaissant de l’échiquier politique avec en tête le professeur Assane Seck, Moustapha Niasse, jeune loup comme Diouf, qui veut aussi la tête du parti et un jour le palais présidentiel. Un Diouf libre de toute manœuvre, gagne les élections de 1983, en pleine politique dictée de l’extérieur. Mais, il ne va pas tarder à voir ses pistes de relance se brouiller sous les coups de boutoir de l’ajustement structurel imposé par la Banque mondiale (Bm) et le Fonds monétaire international (Fmi).
En 1988, le voilà au centre de la contestation la plus élaborée qui lui a été opposée depuis sa nomination en 1981. Il veut faire le ménage, mais n’a pas de moyens. L’ajustement structurel le lui interdit. Et, le voilà en 1993, empêtré dans son élection le plus compliqué pour un mandat déjà dit de plus… La mort de Maître Babacar Sèye, l’emprisonnement de Me Wade, de Landing Savané, sont la goutte d’eau qui fait déborder le vase trop rempli.
Mais, paradoxe, le voilà contraint, suite à une offre de Wade, de proposer un gouvernement de majorité élargie. Nous sommes en 1995. Pour calmer le jeu, tout le Sénégal est utile. Pour ne pas dire, tous les Sénégalais. Et voilà qu’à la suite de la France, l’idée de faire de la décentralisation et du renforcement des régions devient une force. La loi du 22 mars 1996, annonçant la régionalisation arrive en pleine bourre pour un président contesté au sein même de son appareil par d’anciens alliés dont un, au nom de l’exigence de rénovation du parti socialiste, sera son «ennemi»: Djibo Ka.
Le pari est gagné pour Abdou Diouf avec son parti le Ps qui remporte les suffrages des élections locales de 1996, dans les principales régions et villes, suivi du Pds et de ses alliés. Mais, à la tête des conseils de région, des municipalités et des conseils ruraux, le challenge va sembler tout de suite quasi-infranchissable pour les hommes et femmes qui seront désignés, choisis ou élus directement. La barre a été placée très haut et la plupart des élus, n’avaient pas le niveau de la charge qui leur était fixée. Les résultats ne vont pas tarder à plonger les populations dans le doute.
Horizon 2000, Le temps des occasions manquées
Pour la réussite d’une régionalisation confiée à un ministre pragmatique, Souty Touré, administrateur civil et homme des terroirs, l’enjeu principal de la réforme était à travers des mots: idées et imagination. Face au manque de moyens, il fallait doter les régions de fonds spéciaux destinés au fonctionnement de l’administration. Ils ont noms: le Fonds de dotation et le Fonds d’équipement aux collectivités locales, donner plus de moyens à ces entités géographiques anciennes qui ont tout reçu de l’Etat depuis les indépendances et bien avant, pendant la colonisation.
Mais, de quoi disposaient réellement ces régions, en dehors de ce que l’Etat voulait, au gré de la géométrie politique, des intentions et des intérêts, voulait leur donner? A part l’agriculture et un sous-secteur de l’élevage embryonnaire et laissé au seul peuple peulh, à part les sociétés de services et le secteur informel, quelle était l’économie réelle de ces collectivités locales? En 1996, Diourbel, ancien fief de la monoculture arachidière, était l’une des plus pauvres du Sénégal. Fatick, érigée en région dès 1990, n’était rien sans la région de Kaolack. Que dire de Kolda, qui, sans le Pakao, est orpheline de la Casamance.
Dans cette zone sud secouée par une rébellion inutile, le seul vrai reflet pour la survie de l’économie régionale était centré sur Ziguinchor avec son port et son aéroport.
Aujourd’hui encore, l’homme et la femme du Sud se sent plus Casamançais que Koldois, Sédhiois, ou de Ziguinchor. La Casamance est à la fois, une région naturelle, une région économique, une région culturelle… C’est une particularité géographique qui pourrait aider à la relance du tourisme dans la région.
Alors, l’erreur dans cette loi du 22 mars 1996, est dans ce constat de désolation et de morosité que connaissait le Sénégal, surtout au niveau de ses régions. Ce qui ne saurait être contesté par personne, c’est aussi la faiblesse des budgets alloués aux administrations qui ne disposent que de 9 compétences décentralisées autour desquelles vous pouvez retenir: l’environnement, l’urbanisme, l’éducation qui reste un éternel gouffre, la santé, etc.
Cependant, si des progrès satisfaisants ont été enregistrés dans l’accès à l’eau, ce n’est pas le cas pour le niveau de l’assainissement. Beaucoup d’efforts restent encore à fournir pour améliorer l’accès des populations rurales à un système d’assainissement amélioré. Le taux d’accès à l’assainissement, en milieu urbain, est passé de 62,0%, en 2005, à 63,3%, en 2011. Très peu. En milieu rural, le taux d’accès est passé de 26,2%, en 2006, à 34,3%, en 2011. Peut-être un signe de bien-être. Sans plus.
Avec ses 14.825 km en 2009, contre 109.515 km pour le Ghana, 19.371 km pour la Tunisie et 104.983 km pour la Corée du Sud en Asie, le réseau routier du Sénégal assure l’essentiel des déplacements intérieurs de personnes et des marchandises. Mais, il reste encore à un stade bien inférieur de la moyenne des pays qui émergent. La faiblesse du réseau routier est due à une absence de politique d’extension, des investissements peu élevés ou trop concentrés dans la capitale et l’état et la qualité des routes (28% des routes sont en bon ou moyen état). Cette situation limite le développement de l’agriculture et accentue la faible productivité en milieu rural.
Paradoxe: obstination à vouloir se développer dans un pays plat sans recourir au chemin de fer
Avec les difficultés de mobilité urbaine et la pollution, d’autres options sont à envisager notamment à travers la relance et la modernisation du chemin de fer qui joue un rôle marginal dans les transports au Sénégal. Le réseau ferré sénégalais, long de 906 km en 2000, a été peu développé par rapport à celui du Ghana (953 km), de la Tunisie (2260 km), de la Corée du Sud (3123 km) et de la Malaisie (1622 km). Depuis la fin du monopole public, les chemins de fer se sont fortement dégradés et n’assurent que le fret vers le Mali. L’essentiel des lignes intérieures ne fonctionne plus. Le principal paradoxe est encore dans cette obstination à vouloir se développer dans un pays plat sans recourir au chemin de fer.
A propos de budget, retenez que seule Dakar et sa région avaient reçu plus d’un milliard de F Cfa. Thiès y était à peine, Saint-Louis n’avait reçu quelque 500 millions de F Cfa, Kaolack (un peu plus de 300 millions); alors pour Diourbel (un peu plus de 200 millions), Kolda et Fatick, (à peine 100 millions). L’on voit donc que l’Etat n’avait ni les moyens de sa politique encore moins les ambitions de faire des régions des zones de propulsion de certains signes d’émergence.
En ne donnant qu’un petit bout de pouvoir municipal à des personnes qui en voulaient plus, il aura aidé à limiter les ambitions de nombre de vocations et de belles compétences qui ont échappé à leur destin pour embrasser une autre carrière à la place de ce qu’ils voulaient. Au nom de la régionalisation, le gouverneur aussi, comme le préfet, a disparu dans l’échelle de la prise de décisions. Laissant s’installer l’anarchie dans les terroirs communaux, ruraux et villageois.
Le plus déplorable est que l’esprit des lois, sous Senghor, a ainsi été troqué au nom de la gourmandise énorme des nouveaux affairistes qui ne voulaient que se faire de l’argent au lieu d’aider à la promotion de ces espaces économiques nouveaux, créés au nom de la relance et de l’émancipation.