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Enquête Plus N° 1054 du 20/12/2014

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Baisse des prix de produits pétroliers: L’Etat lache du lest
Publié le lundi 22 decembre 2014   |  Enquête Plus


Un
© Autre presse par DR
Un station d`essence


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La tergiversation a longtemps duré. Les autorités étatiques ont paru même un instant faire preuve d’une mauvaise volonté. Mais la mesure a fini par être effective, non sans une certaine pression. Le gouvernement a finalement accepté de baisser les prix des produits pétroliers. Le super coûte désormais 795 F CFA, soit une réduction de 94 F CFA. Le gasoil revient à 690 F CFA soit une diminution de 102 F CFA. Et la bonbonne de gaz butane est échangée à 3280. Ce qui équivaut à une remise de 420 F CFA sur la bouteille. Des chiffres qui épousent parfaitement les attentes des défenseurs des consommateurs et les transporteurs qui avaient porté le combat. Malgré tout, le Sénégal a des tarifs supérieurs à ce qui se pratique chez ses voisins. La faute à des taxes et droits trop lourds.

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Répercussion tardive de la baisse de la valeur du baril de pétrole

La fragilité de l’argument du blocage des prix

Depuis que le prix du baril du pétrole a connu une baisse considérable sur le marché international, le gouvernement du Sénégal ne cesse de faire du dilatoire. Il y a même des positions qui semblent contradictoires à la tête de l’Etat. Quant à l’argument de la stabilisation des prix à la pompe, il résiste difficilement à l’analyse.

La question est aujourd’hui sur toutes les lèvres. Elle a été d’abord une demande. Transporteurs, industriels, ménages…, tout le monde la réclamait. Le contexte plus que favorable en a fait une obligation. La baisse des prix du carburant au Sénégal ne souffrait plus de doute, comme presque partout dans le monde d’ailleurs. Depuis six mois, en effet, le baril de pétrole brut ne cesse de chuter. Hier, le prix de référence du baril était de 59 dollars environ. Soit une perte près de 50% de sa valeur de mi-juin où il était de 107 dollars. Depuis lors, les autorités sénégalaises font comme si de rien n’était et continuent à maintenir les prix à la pompe à leur niveau de 2012, date de la stabilisation des montants, à la faveur d’une alternance politique intervenue à la tête du pays.

Informés du cours mondial du pétrole et étant littéralement asphyxiés par les dépenses en carburant, les transporteurs sont les premiers et même presque les seuls à porter le combat. Le syndicat des transporteurs routiers dirigé par Gora Khouma en a même fait un point d’honneur et de survie. Dans leur revendication figure en bonne place la baisse des coûts des hydrocarbures. Ils ont observé une grève pour cela, entre autres causes. Certains députés sont par la suite venus à la rescousse pour exiger que la courbe des prix à la pompe suive celle descendante du baril. Face aux pressions, le gouvernement a fini par comprendre que non seulement c’est inévitable, mais cette baisse ne saurait tarder.

Dans ses négociations avec les transporteurs, l’Etat accepte le principe et met en place une commission chargée d’étudier la question. Par la suite, le président de la République, en conseil des ministres du mercredi 10 décembre 2014, donne aux ministres concernés des instructions fermes à faire preuve de diligence pour une effectivité dans les meilleurs délais. Il y a eu cependant ce qui ressemblait à un flou ou alors un double langage de la part du gouvernement. Car, à côté des engagements, le ministre de l’Energie a fait une déclaration parallèle qui ressemble à une remise en cause du principe.

En effet, Maïmouna Ndoye Seck a déclaré devant les députés, lors du vote du budget de son ministère, qu’il n’existe pas de corrélation exacte entre le prix appliqué aux consommateurs et celui du baril. Elle part du principe selon lequel ce sont les populations qui avaient demandé une stabilisation des prix pour en tirer la conclusion suivante : ‘’C’est un système qui est là avec ses avantages et ses inconvénients. Nous allons évaluer le système d’ici la fin de l’année. Nous allons au besoin voir si toutes les baisses seront répertoriées. On y travaille, et si on doit baisser, nous allons le faire’’. En voila bien une remise en cause des engagements de l’Etat auprès des transporteurs.

A sa suite, le ministre du Budget corse l’addition. Birima Mangara invite d’abord à ‘’faire attention entre le prix du baril du pétrole brut et celui du pétrole raffiné. Autrement, il ne faut pas s’attendre à avoir le même impact entre une baisse sur le prix pétrole brut et sur celui du produit raffiné. Autre point à prendre en compte, selon lui, ce sont les développements futurs sur le baril. D’après M. Mangara, avant tout, il faut ‘’s’assurer que la baisse du prix du baril est structurelle et non conjoncturelle, afin d’éviter de défaire son socle de mobilisation de ressources internes et fausser les projections de plusieurs gestions successives’’.

Intérêts particuliers des sociétés pétrolières

Dans la foulée, le ministre du Budget, finit par lâcher le morceau : ‘’Si on a toutes les assurances qu’une baisse du prix à la pompe ne menace pas notre équilibre, nous pourrons envisager la baisse du prix à la pompe’’. Il faut croire donc que Birima Mangara a fini de se convaincre que la baisse est structurelle. Malgré tout, cela a sonné comme une contradiction flagrante d’avec la mise en place d’une commission (avec les transporteurs) et une instruction présidentielle. Cette volonté ‘’douteuse’’ de la part des gouvernants a d’ailleurs poussé le mouvement politique dirigé par le député Aïda Mbodj à se demander s’il y a pas une volonté cachée de défendre les intérêts particuliers des sociétés pétrolières.

En fait, celles qui sont visées ici sont les multinationales dans la distribution des hydrocarbures comme Total, le géant français. Les camarades du député pensent qu’il pourrait y avoir parmi ces sociétés, certaines qui disposent d’un stock assez important non encore évacué et dont le prix d’achat du baril a été plus élevé que les cours actuels. Ce qui aboutira à une moins value en cas de baisse des prix à la pompe. Ce que nos interlocuteurs refusent de croire. Ils estiment que c’est plutôt l’Etat qui y a intérêt.

Pourtant, la réduction des prix du carburant a été une promesse du candidat Macky Sall à l’élection présidentielle de mars 2012. Son ministre chargé de l’Energie, Maïmouna Ndoye Seck, le sait bien quand elle déclare devant les parlementaires que ‘’tous les engagements qui ont été pris par le Président seront respectés’’.

Gora Khouma, patron du syndicat des transporteurs affilié à la Confédération nationale des travailleurs du Sénégal/Force du changement (CNTS/FC) estime que c’est un engagement de l’ancien opposant d’aligner les prix sur ceux du Mali. Pour le syndicaliste, il ne s’agit point d’une promesse électorale qui elle n’engage que ceux qui y croient. Par ailleurs, quand le ministre déclare qu’il n’existe pas de corrélation parfaite entre le prix du baril et celui à la pompe, ‘’on peut comprendre ses propos dans la mesure où les prix ont été bloqués.

Cependant, on peut sérieusement mettre en doute cette affirmation’’, croit savoir Gora Khouma. Surtout que dans une interview accordée en août 2013 au magazine ‘’Réussir’’, le président de l’Association sénégalaise des professionnels du pétrole (ASPP), Babacar Tall, remet en cause une telle assertion : ‘’En février 1999, le baril de pétrole ne coûtait que 10 dollars ; en janvier 2004, il se négociait à moins de 40 $ Us ; le 03 janvier 2008, il a atteint la barre psychologique des 100 $ Us et le 4 avril 2013, il était à 107 $ Us. Cette hausse s’est répercutée dans toutes les économies du monde et principalement dans celles des pays non producteurs de pétrole. En janvier 2004, les prix du gasoil et du super étaient respectivement de 330 F CFA et 468 F CFA (au Sénégal) contre 792 F CFA et 889 F CFA en avril 2013. En neuf ans, les prix à la pompe du carburant ont augmenté de 140% pour le gasoil et 90% pour le super’’.

Malgré tout, la thèse de la stabilisation des prix reste un bon prétexte pour le gouvernement. Le président de l’Association des professionnels du pétrole (APS), Ameth Guissé, est prudent devant la lenteur du gouvernement. Même s’il estimait déjà (avis recueillis avant la fixation des prix) que la baisse était inévitable, il se demande si le blocage des prix depuis 2012 n’a pas amené le gouvernement, à un moment donné, à faire une sorte de subvention des prix. Momar Ndao, le président de l’Association des consommateurs du Sénégal (ASCOSEN), se pose la même question, même s’il trouve qu’avec les six mois passés, l’Etat s’est suffisamment rattrapé, si jamais il avait mis de l’argent.

Une stabilisation au profit de l’Etat

Pourtant, une courbe de la fluctuation des prix du baril sur le marché depuis 2010, disponible sur le site de Yahoo, indique que cette stabilisation des prix au Sénégal ne s’est jamais faite au détriment du gouvernement actuel. En avril 2012, quand Abdoulaye Wade cédait les clés du Palais à Macky Sall, le baril de pétrole était à 104 dollars. Depuis lors, jamais le baril ne s’est échangé à un prix plus élevée si ce n’est en août 2013 et en juin 2014. Outre ces deux mois, et en dépit des fluctuations, le baril est presque resté en deçà de 100 dollars. En fait, à 104 dollars, à l’arrivée de Macky au pouvoir, le baril de pétrole a connu une progression en dents de scie, restant toutefois à moins de 100 dollars.

Il faut attendre le mois d’août 2013 où il va atteindre un pique de 107 dollars. Il est retombé ensuite progressivement, jusqu’à atteindre 93 dollars en novembre 2013. A partir de là, il remonte à 105 dollars en juin 2014, date à partir de laquelle il ne cesse de chuter pour arriver à 56 dollars, soit presque la moitié de sa valeur d’il y a six mois. Ce qui fait que l’argument du blocage des prix résiste difficilement à l’analyse. Car de toute cette période, il n’y a qu’en août 2013 et en juin 2014 que le baril a été plus cher que quand Macky arrivait au pourvoir. Ce qui veut dire que le gouvernement a plutôt gagné dans la stabilisation des prix des hydrocarbures, sans compter le gros profit réalisé durant ces six derniers mois.

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