Auteur d’une étude sur l’ancrage et les mutations de la presse sénégalaise dans la 1ère moitié du XXe siècle, le Pr. Diègane Sène a été élevé, la semaine dernière, au rang de Docteur d’État après la soutenance avec succès d'une thèse de doctorat de 3e cycle.
«Mon travail est le premier d’ensemble sur la presse. D’édifiantes bibliographies, de même que quelques monographies avaient déjà été publiées, à l’exemple des travaux de Lenoble-Ba sur la revue ‘’Afrique nouvelle’’.
Le constat est que, bien qu’importants, ces travaux étaient rares en nombre et comportaient des lacunes… Ce que j’ai, moi, essayé de faire est non du recoupement, mais de la recherche, en partant des publications répertoriées et existantes au Sénégal, dans un cadre temporel défini, et de voir non seulement ce qu’elles disaient mais ce qu’elles ont apporté à leur période’’, explique le Pr. Diégane Sène au sujet de sa thèse, soutenue la semaine dernière.
Travail d’ensemble donc, l’étude du Pr. Sène s’est appesantie sur l’éclosion de la presse sénégalaise de ses débuts à l’après 2e guerre mondiale, soit de 1913 (il estime la naissance de notre presse antérieure à cette date, mais s’en sert comme une date repère) à 1947. Cette ‘’modeste contribution’’, selon Diègane Sène, cherche à dresser les fondations d’une Histoire, en tant que telle, de la presse sénégalaise, en ouvrant des pistes de réflexion aux futurs chercheurs ayant l’ambition d’en retracer le fil, mais surtout d’en comprendre à la fois les mécanismes et les orientations.
Ainsi, au sujet de la forte tendance à la polémique des journaux du pays, héritée selon lui d’une tradition politique remontant jusqu’à la période coloniale, le professeur pose un regard crû et objectif sur le travail des journalistes : ‘’Cette politisation à outrance allait déjà apparaître au cours de la campagne électorale de 1914, qui a véritable divisé la presse entre les partisans de Blaise Diagne et les anti Blaise Diagne.
La presse était hautement partisane et le restera ensuite, mais de façon éclipsée, car les publications se disaient d’information générale. Ce n’est qu’avec la venue de Paris-Dakar, publié à l’époque par la première vraie entreprise de presse du pays qui était la SAPEF, qu’on assiste à l’apparition d’un journal, certes colonial puis gouvernemental, mais avant tout très factuel.’’, déclare-t-il.
Entre autres sujets brûlants de ce document, l’apparition d’une presse plurielle, dont la presse syndicale en 1937, avec la Fédération des fonctionnaires de l’AOF, mais aussi celle du statut du journaliste et de la formation de ce dernier : ‘’Actuellement, le monde évolue et les journalistes ont besoin de formation, car c’est la seule chose permettant à la fois de moraliser, mais surtout de crédibiliser et d’ancrer le métier dans une certaine légitimit.’’, affirme ainsi le nouveau docteur d’État en Lettres et Sciences Humaines.
Un dernier point, et non des moindres, celui de la place des femmes dans le contexte de ces années charnières. Il explique : ‘’C’est bien simple, elle est égale à zéro.
Ce n’est qu’à partir de la fin de la (2e) guerre, entre 1946 et 1947, qu’apparaissent non pas des femmes journalistes, mais des femmes qui écrivaient dans les journaux et cela pour une raison simple : à l’époque, le statut de journaliste avait peine à s’installer de fait au Sénégal, malgré la législation française qui le définissait déjà, et les journaux, loin de ce qu’on connaît maintenant, n’avaient presque pas de structure de pilotage…
Les rédactions, en tant que telles, n’existaient même pas. Entretenus par les politiques et investis par ces derniers, les journaux pouvaient très rarement se permettre d’avoir des employés salariés.’’