Au Sénégal, le wolof est parlé par 90% de la population. Qui délaisse de plus en plus le français.
Si Léopold Sédar Senghor lisait ces phrases sur le mur Facebook d'un adolescent sénégalais d'aujourd'hui, son sang ne ferait sûrement qu'un tour : "Sava sister, lou bess ? namoon naa la ! t'inkt je vais bi1 é tw ?" ["Ça va ma soeur, quoi de neuf ? Tu m'as manqué ! Ne t'inquiète pas, je vais bien et toi ?"]
Et si ces entorses à l'orthodoxie linguistique ne venaient que des digital natives mondialisés, la francophonie de ses rêves aurait déjà fort à faire. Mais à l'ambassade de France comme à l'Institut français de Dakar, on s'accorde sur ce constat : le Sénégal est de plus en plus "wolofophone" et le français s'y parle de moins en moins - et de plus en plus mal.
Dans la rue, dans les médias audiovisuels, à l'université Cheikh Anta Diop, dans les bureaux comme en politique, la langue véhiculaire du Sénégal - parlée par 90 % de la population - a peu à peu grignoté celle de Molière, devenue un idiome supplétif, mixé, trituré et largement maltraité. Et jusque dans les hautes sphères : le français pratiqué par certains ministres sénégalais fait aujourd'hui frémir les puristes.
Six langues nationales
Et voilà que l'Union européenne vient de financer l'installation, dans l'enceinte même de l'Assemblée nationale - où les lois sont rédigées en français -, de cabines de traduction dans les six langues nationales du Sénégal !
Même si les chiffres officiels, croissance démographique oblige, font état d'une expansion du nombre de locuteurs francophones en Afrique, la réalité quotidienne au Sénégal incite à relativiser ces statistiques. Remuant le couteau dans la plaie, le chanteur ivoirien Tiken Jah Fakoly plaidait, début novembre, pour un sommet de la "wolofonie" ou de la "malinkéfonie", pour une meilleure vulgarisation des langues nationales africaines.