Plus de 12.000 fonctionnaires sénégalais courent derrière leurs salaires du mois de décembre, que le gouvernement a gelés dans le cadre de la traque des agents fictifs de l'Etat.
Pour être payés, ces fonctionnaires doivent prouver leur existence en se présentant devant des commissions de vérification établies à Dakar, munis des pièces justifiant leur statut.
Il s'agit d'une mesure conservatoire décidé après un audit physique et biométrique des agents de l'Etat, qui a permis de déceler 1.017 fonctionnaires irréguliers et quelque 12.200 autres dont les cas sont douteux.
Selon le ministre sénégalais de la Fonction publique, Mansour Sy, tous les agents de l'Etat qui n'ont pas été vus lors des deux phases de l'audit et qui n'ont pas été signalés par leur ministère comme étant en situation d'absence régulière, ont vu leur salaire domicilié au Trésor, donc pas viré dans leurs comptes bancaires.
Cette opération de vérification a pour but de mieux gérer la masse salariale des agents, qui s'élevait en 2012, selon des statistiques, à 460 milliards de francs CFA, a-t-il expliqué.
Il n'empêche qu'il a soulevé un tollé chez les milliers de fonctionnaires concernés.
Venus de toutes les régions du Sénégal, ces derniers ont investi le siège de l'Agence de l'informatique de l'Etat (ADIE) qui a mené les opérations de l'audit, pour justifier leur statut et toucher leurs salaires, mais aussi pour protester.
"Personnellement, j'ai été audité aux mois de décembre et de juillet et on m'a remis un quitus attestant que la procédure était régulière. Et voilà malheureusement, je ne trouve pas mon salaire", a indiqué Boubacar Camara, un professeur d'anglais dans la ville de Kolda (Sud).
Il a dénoncé "l'incapacité" de l'ADIE et demande aux autorités d'assumer "toutes les conséquences" qu'une telle mesure pourra entraîner si les agents régulièrement audités et détenteurs de toutes les justifications ne sont rétablis dans leur droit.
Pour sa part, Serigne Diaw, chef du service régional du Commerce de Thiès (à 70 km de Dakar), affirme lui aussi ne pas comprendre le gel de son salaire alors qu'il a obéit à toutes les enquêtes de l'audit et détient toutes les justifications.
"Je travaille depuis 25 ans et voilà que je me retrouve comme un agent irrégulier, alors que j'ai tous mes actes de service avec moi", explique-t-il, estimant qu'avec un audit bien fait, "il ne devrait pas y avoir tous ces problèmes".
Cependant, constatent les journalistes, plusieurs centaines de fonctionnaires qui ont prouvé leur appartenance régulière à fonction publique, ont commencé à percevoir leurs salaires.
Quoi qu'il en soit, la décision de geler les salaires a été dénoncée par plusieurs leaders de syndicats qui se sont dits " choqués et surpris par cette décision" prise contre des agents " réguliers".
"Ce qui est claire, c'est que nous ne garantissons pas le démarrage des cours dans les établissements scolaires publics à partir du 6 janvier prochain", avertit Mamadou Lamine Dianté, secrétaire général du syndicat autonome des enseignants du moyen secondaire.
"C'est un problème sensible. Si ça continue, les gens peuvent porter plainte", renchérit Sidya Ndiaye, secrétaire général du syndicat général des travailleurs du Sénégal.
"C'est une catastrophe", affirme de son côté le leader du syndicat des enseignants libres du Sénégal, qui menace de porter l' affaire devant les tribunaux.
Le président sénégalais Macky Sall est monté au créneau samedi pour défendre la traque des fonctionnaires fictifs. Les syndicats devraient soutenir cette mesure au lieu de menacer d'aller en grève, car les économies réalisées pourront permettre d'embaucher plusieurs centaines de jeunes, a-t-il déclaré en recevant une délégation d'intellectuels sénégalais.