Au 15ème Sommet de la Francophonie, il y aura des Présidents démocratiquement élus et d’autres qui veulent être éternellement réélus. Dans un contexte d’après-Blaise Compaoré, l’Oif ne manquera pas de se pencher sur les potentiels candidats au mandat de trop. Parmi eux, le Président en exercice sortant, Joseph Kabila qui va passer le témoin à Macky Sall. Une crise politique remettrait en cause l’avenir de tout un continent porté par une République démocratique du Congo.
Il y avait l’avant-Blaise Compaoré avec les craintes de tripatouillages des Constitutions africaines. Le Burkina Faso a, malheureusement, été le «laboratoire» de ce qu’il ne faut pas ou plus faire. Mais il y a aujourd’hui l’après-Blaise qui cristallise tous les débats. C’est devenu une page de la matière politique dans les sciences juridiques, constitutionnelles parce qu’offrant une jurisprudence aux autres. Les Burkinabè, tant bien que mal, arrivent à gérer une transition, pour le moment pacifique, mais seulement après avoir enregistré 24 morts et 625 blessés selon un rapport définitif. Mais l’après Compaoré, c’est aussi des interrogations sur le reste du continent de façon générale, notamment pour tous ces potentiels Blaise. Au Togo, Gnassingbé-fils veut rester l’homme Faure du régime, et ce en s’opposant à toute limitation du mandat présidentiel. Le voisin du Bénin, Yayi, qui tentait un yo-yo constitutionnel, a été définitivement fixé par la Cour constitutionnelle mardi dernier. Pas de troisième mandat, tranchent les «7 sages».
Joseph, un cas…bila
Il y en a d’autres. Le Congolais, Joseph, est un cas...bila. Si le Président français a eu le mérite de conseiller à son «cher Blaise», comme il le qualifie dans sa lettre-conseil, de céder la place à des Hommes intègres, trois semaines avant qu’il ne soit balayé par le Balais citoyen, pendant du Y en a marre sénégalais, il doit faire autant pour le Président en exercice sortant de l’Organisation internationale de la Francophonie (Oif). Et pourquoi pas, avec ses pairs, lui faire comprendre, comme Diouf l’a si bien prouvé en se retrouvant au sommet d’une institution internationale comme l’Oif, qu’«il y a une vie après le pouvoir». Hollande proposait à Compaoré, forcé aujourd’hui de quitter le Faso, une belle parade. «Vous pourriez alors compter sur la France pour vous soutenir, si vous souhaitez mettre votre expérience et vos talents à la disposition de la communauté internationale», écrivait-il dans sa lettre en date du 7 octobre 2014. Le Burkinabè ne l’a pas suivi et tant pis puisqu’il ne sera pas à la table d’honneur des chefs d’Etat à Dakar pour ses horreurs du 30 octobre ! Au moins Kabila-fils, comme Gnassingbé-fils, ne sont pas des sexagénaires pour ne pas espérer revenir et solliciter encore leurs peuples. Ce pourrait être un retour héroïque à la Amadou Toumani Touré (version Att et non le général et son coup d’Etat).
Senghor, Diouf, Wade et Macky face à Kabila
La Francophonie politique a là une belle occasion de s’imposer et d’effacer l’image d’un simple syndicat de chefs d’Etat de la Françafrique et de l’«Africafrance», pour reprendre Antoine Glaser. Si Joseph Kabila retient les attentions, c’est parce qu’en tant que président en exercice sortant de l’Oif, il remettra le flambeau à Macky Sall, élu démocratiquement et à plus de 65% des suffrages. Parce que Sall remplace Abdoulaye Wade, l’homme de la première alternance en 2000, qui a reconnu sa défaite le 25 mars 2012, même s’il a laissé l’image d’un «candidat de trop». Et le même Wade, il faut le dire, a été félicité par Abdou Diouf. Un geste qui, en grande partie, a permis au successeur de Senghor de corriger son étiquette de 20 ans de règne. Il en tirera profit d’ailleurs en obtenant sans grande peine le poste de Secrétaire général de l’Oif, deux ans seulement après avoir quitté le pouvoir. Mais c’est aussi grâce à un «coup de pouce» de son prédécesseur, son maître politique et un des «actionnaires» de cette grande entreprise
qui s’appelle Francophonie.
Si Léopold Sédar Senghor a pris sa retraite avant terme, les autres aussi doivent pouvoir dire Yes we can ! Dommage pour ces chefs d’Etat en sursis qui refusent le Cdd que leur autorise leur Constitution pour tenter un Cdi fatal à Blaise, et avant lui, à Tandja Mamadou du Niger et à ses autres ex-candidats à la présidence à vie, forcés de quitter par un printemps maghrébin.
L’avenir de l’Afrique se joue en Rdc
Joseph doit être un cas… bila parce que dans un pays pris en sandwich par plusieurs fronts, il n’est point évident de sortir d’une éventuelle crise politique issue de coup de force constitutionnel. Hollande l’a dit dans son discours lors de la remise du prix de la Fondation Chirac pour la prévention des conflits à Paris, le 21 novembre dernier : «L’Afrique est à la fois plein de jeunesse, plein de richesses et plein de promesses, mais également plein de détresse.» C’est le portrait-type de la Rdc qui est en proie à des conflits et des rébellions de tous genres et de toutes natures. Sous ce rapport, il n’est jamais souhaitable que des troubles d’un troisième mandat inconstitutionnel viennent envenimer un tel sort. Et surtout un pays considéré comme l’avenir de l’Afrique. Il faut rappeler que le conflit entre Mobutu et Laurent Désiré Kabila, père de Joseph, a retardé l’immense projet du barrage du Grand Inga. Une centrale sur laquelle compte le Nepad dans on volet énergétique. La Rdc n’est pas qu’exportateur de minerais.
Elle est l’exemple de ce que les spécialistes ont appelé les «autoroutes de l’énergie» puisqu’elle pourra alimenter, avec son potentiel de Très haute tension (Tht) nombre de pays africains. Selon l’agence Ecofin, «c’est assurément son grand potentiel de rentabilité qui motive l’intérêt de nombreuses structures (Banque mondiale, Banque africaine de développement, Banque européenne d’investissement, Union européenne, Banques privées occidentales, organismes régionaux) pour le financement de ce projet qui va mobiliser 80 milliards de dollars au bas mot».
Enjeu Vital pour Kamerhe et Tshisekedi, aubaine pour Minaku ?
Deux potentiels adversaires : Vital Kamerhe et Etienne Tshisekedi et, peut-être un dauphin qui serait le président de l’Assemblée nationale, Aubin Minaku. Les deux premiers sont des candidats malheureux à la Présidentielle de 2011. Kamerhe, ancien président de l’Assemblée nationale jusqu’en 2009 n’avait obtenu que moins de 8%. C’est ce que Idrissa Seck a été pour Abdoulaye Wade en 2012. Kamerhe s’est séparé de Kabila qui faisait de lui, à un moment donné, son dauphin, et l’a affronté sans succès. Alors que Tshisekedi, ancien Premier ministre sous Mobutu, s’est autoproclamé et a prêté serment comme vainqueur, bien que les observateurs aient noté des «irrégularités». En 2016, si Kabila ne se présente pas, cela pourrait être une aubaine pour Minaku.