Dakar - Plus de 35 chefs d'Etat et de gouvernement se réunissent samedi à Dakar pour désigner un successeur au Sénégalais AbdoumDiouf à la tête de la Francophonie, lors d'un sommet dominé par lesmalternances politiques en Afrique et le péril Ebola.
Les pays membres l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF)
vont devoir trancher d'ici dimanche entre cinq candidats en lice et aucune
tête d'affiche, même si le président français François Hollande a loué avant
son départ les qualités de la seule candidate non africaine et seule femme, la
Canadienne d'origine haïtienne, Michaelle Jean.
La voix de la France, qui se défend de jouer les faiseurs de rois et veut
privilégier le consensus pour désigner le prochain secrétaire général à un
moment charnière de l'OIF, pèse malgré tout au sein de l'organisation en sa
qualité, notamment, de premier bailleur.
La Francophonie (57 Etats membres, 20 pays observateurs) représente 274
millions de locuteurs dans le monde.
Dirigé pendant douze ans par l'ex-président sénégalais, l'OIF, jusqu'alors
connue pour ses missions de coopération dans le développement et de soutien à
la langue française, a gagné en poids politique, grâce à la diplomatie
d'influence dans les crises africaines pratiquée par M. Diouf auprès de ses
anciens pairs.
La candidature de Mme Jean, ex-gouverneure générale du Canada, est très
critiquée par certains pays africains représentant l'écrasante majorité des
Etats membres et de la population de l'OIF.
Une règle non écrite veut que le secrétaire général soit issu d'un pays du
Sud -- certains estiment même qu'il doit rester une chasse gardée africaine -
et que l'administrateur vienne du Nord.
Pourraient alors avoir leurs chances l'ex-président burundais Pierre
Buyoya, l'ex-Premier ministre mauricien Jean-Claude de Lestrac, ou l'écrivain
congolais Henri Lopes. L'Equato-Guinéen Agustin Nze Nfumu, a, lui, peu
convaincu.
Une candidature de dernière minute est même possible: aucune date limite
n'a été fixée, alimentant toutes les spéculations. Les discussions se
dérouleront dimanche à huis clos, sans vote.
- Leçon du Burkina Faso? -
L'ouverture du XVe sommet, consacré aux femmes et aux jeunes, va être
marquée par la passation de relais entre le président de la République du
Congo (RDC), Joseph Kabila, hôte du précédent sommet en 2012, et celui du
Sénégal, Macky Sall.
Reporters sans Frontières (RSF) a rappelé vendredi que le régime congolais,
déjà accusé voici deux ans par Paris de violer les droits de l'homme,
continuait de bafouer la liberté de la presse.
Ce sommet s'ouvre dans un contexte international "perturbé par les menaces
récurrentes sur la paix, une crise économique aiguë" et le "péril d'Ebola qui
annihile les efforts de développement" des Etats touchés, a résumé mercredi le
ministre sénégalais des Affaires étrangères, Mankeur Ndiaye.
Une vingtaine d'artistes d'Afrique de l'Ouest, dont les chanteurs maliens
Amadou et Mariam et le rappeur burkinabé Smockey, ont exhorté les chefs d'Etat
francophones à apporter une réponse politique à l'épidémie de fièvre
hémorragique.
Selon plusieurs responsables gouvernementaux et d'organisations
internationales réunis cette semaine à Dakar, la Francophonie devait investir
"plus et mieux" dans la santé.
L'Afrique de l'Ouest est en proie à la pire épidémie d'Ebola depuis 38 ans,
avec près de 5.700 morts en presque un an, essentiellement dans trois Etats:
Liberia, Sierra Leone et Guinée.
En coulisses, la chute de Blaise Compaoré, au pouvoir au Burkina Faso
depuis 1987, épisode inédit qui a donné matière à réflexion à plus d'un chef
d'Etat africain, devrait être de toutes les discussions.
François Hollande a donné le ton avant son arrivée à Dakar en exhortant les
dirigeants à ne pas s'accrocher au pouvoir comme M. Compaoré, qui avait
annoncé un projet de révision constitutionnelle pour lui permettre de briguer
un nouveau mandat.
Le président français a estimé lors d'un entretien radio-télévisé vendredi
que la destitution du président burkinabé sous la pression populaire pouvait
"servir de leçon à beaucoup de chefs d'Etat, et pas seulement en Afrique".
S'agit-il pour autant des prémices d'un "printemps africain" ? Abdou Diouf,
qui se retire ce week-end de la vie publique à 79 ans avec la réputation d'un
vieux sage, a dit ne pas "du tout" y croire.
blb/sst/gg