L’avocat Me Bamba Cissé a plaidé, jeudi à Dakar, en faveur de l’institution d’un juge des libertés, pour tempérer le caractère par trop répressif, selon lui, de la politique pénale du Sénégal.
La politique pénale doit pouvoir donner "une seconde chance", a-t-il indiqué lors d’une conférence publique sur la problématique de la détention provisoire, préconisant la création d’un juge des libertés, entre autres mesures visant à remédier à cette situation.
Intitulée "Problématique de la détention provisoire : la responsabilité du juge d’instruction", cette conférence publique est organisée par la Fondation Friedrich Neumann pour la liberté (FNF), en partenariat avec le Club de recherches et d’études sur les droits de l’homme (CREDHO).
Selon l’avocat, la politique pénale du Sénégal "tend trop à l’emprisonnement", avec cette conséquence que les mandats de dépôt "sont devenus systématiques". Sur 100 déférés, par exemple, il n’y a "pas plus de 10 mises en liberté", a-t-il affirmé.
"Notre politique pénale est portée vers une répression (…). C’est un constat qui est là", a souligné l’avocat, préconisant "un peu de psychologie" de la part des magistrats. Selon lui, ''l’homo senegalensis n’étant pas fondamentalement violent, le caractère répressif de la politique pénale en vigueur pose quelque part problème".
Sur cette base, il a préconisé l’abrogation de la loi Latif Guèye, du nom du défunt député et leader emblématique de l’ONG Jamra, dont les dispositions condamnent de 10 ans d’emprisonnement minimum, les prévenus convaincus de trafic de drogue.
''La justice crée les injustices'', a-t-il souligné, en assurant que des détenus provisoires se trouvent incarcérés depuis dix ans dans les prisons sénégalaises, alors que le droit pénal doit intervenir "toujours en faveur de l’accusé" et de la présomption d’innocence.
A contrario, le parquet "a beaucoup trop de pouvoirs au Sénégal", au point par exemple de faire annuler une mesure de liberté provisoire prononcée au profit de détenus, s'il fait appel d’une telle décision.
Or, a fait valoir Me Bamba Cissé, la détention préventive peut attenter à la liberté et à la dignité humaines, "ce qui fait que le juge d’instruction doit manier la chose avec tact".
Auparavant, le magistrat Cheikh Bâ, président du CREDHO a relevé que la détention provisoire "fait couler beaucoup d’encre et de salive et créé beaucoup de confusion".
Selon lui, "la principale récrimination" concerne l’opinion selon laquelle les détentions provisoires sont "très longues au Sénégal". D’où la nécessité de débattre de cette problématique.