Le réalisateur de ’’Grand comme le baobab’’, Jeremy Teicher, est tombé par hasard sur un village peulh, non loin de Saly-Portudal, lors d’un voyage au Sénégal en 2008. Instantanément subjugué par ce lieu, il y a réalisé sont tout 1er film, une œuvre urgente d’actualité.
Pourquoi avoir appelé votre film ’’Grand comme le baobab’’ ?
Pour moi, il a surtout une signification culturelle : ce sont de grands arbres qui vivent plusieurs années et qui symbolisent le passage du temps et les traditions, qui sont des choses qui sont là depuis toujours.
Dans le film, il y a des baobabs partout, il y a aussi ceux qui sont tombés et les jeunes s’y assoient pour discuter. De mon point de vue, c’est une image très importante, quand les jeunes s’assoient sur un grand baobab. J’ai voulu la montrer tout particulièrement.
Résumez-nous-en l’intrigue.
Le film parle du changement culturel et des émotions d’une nouvelle génération d’élèves venant d’un village très loin de la capitale sénégalaise. Il s’agit d’éducation socioculturelle de base avec l’histoire de deux sœurs qui essayent d’éviter un mariage précoce.
À quand remonte le tournage ?
Au mois de juillet 2011, mais mon premier contact avec le pays remonte à il y a 5 ans, je suis venu au Sénégal pour faire un petit film dans une école appelée Sinthiou Bara, pour le compte d’une association éducative.
Qu’est-ce qui vous a inspiré au point de vouloir réaliser ce film ?
À force de côtoyer les élèves de cette école, j’ai pu beaucoup échanger avec eux sur leur comportement, leur mode de vie, leur vécu quotidien… Bref, ils m’ont expliqué leurs expériences. C’est ce qui m’a inspiré à revenir tourner, cinq ans après.
Et comment avez-vous réussi à faire jouer les enfants alors qu’ils ne sont pas acteurs ?
Ce ne sont pas des professionnels mais leur rôle s’identifie à leur vraie vie. Si ce film n’est pas basé sur une histoire vraie, il s’apparente néanmoins à leur vie, leurs expériences et celles de leurs familles.
Il s’agit donc d’un film documentaire ?
Non. C’est un film de fiction qu’on a réalisé dans un vrai village avec des sœurs qui sont de vraies sœurs… Seuls les événements du film n’étaient pas vraiment réels.
Pensez-vous revenir ici au Sénégal, pour un 2e projet cinématographique, par exemple ?
J’ai déjà fait un premier film documentaire avec le même village, avant le film ’’Grand comme le baobab’’. Vous savez, il ne sert à rien de se précipiter. Le film ’’Grand comme le baobab’’, je l’ai fait en 5 ans. J’y travaille depuis que j’ai 19 ans. Aujourd’hui j’en ai 25, et je viens de le terminer. Mais, sait-on jamais !
Avez-vous atteint vos objectifs avec ce film ?
Oui, j’ai canalisé une part d’histoire qui se perdait. J’ai pu faire jouer ces enfants tout en arrivant à ce qu’ils s’intéressent à leur vie future, à se demander comment faire pour éviter le mariage précoce alors qu’elles sont encore à l’école... C’est forcément une bonne chose.
Votre film va-t-il être diffusé aux USA ? Si oui, comment va se passer cette diffusion ?
Ça va être projeté dans tous les pays qui voudront bien le faire : j’ai déjà des contacts dans beaucoup de pays africains… Et puis, il y a aussi internet. Un groupe socio-éducatif va même en faire un DVD à l’intention des enseignants.
Tout le monde sait que faire un bon film est seulement une partie du travail : il y a beaucoup de bons films qui ne sont pas bien diffusés… Je peux donc dire que je suis très content parce qu’on a fait ce film avec une petite équipe et je ne n’étais pas sûr que des gens allaient le voir un jour.
En tant que réalisateur, quel regard jetez-vous sur le cinéma sénégalais ?
J’ai étudié les films de Sembène Ousmane et j’ai eu l’occasion de discuter avec des Sénégalais qui vivent aux USA sur ses œuvres. Je suis très fier du fait qu’ils aient trouvé des similitudes entre mon film et ceux de Sembène.
Pour vous, y a-t-il une différence notoire entre vos films et les siens ?
Les films de Sembène donnent des commentaires très forts de la société, alors que moi, ce que je voulais, ce n’était pas de faire des commentaires. Je voulais construire une fenêtre avec mon film sans faire de jugements sur les villageois. Je voulais juste montrer la réalité, faire seulement une tranche de la vie avec ce film. Voilà...