Après l’annonce par le Président Macky Sall de la baisse du prix de la location, les populations sont partagées entre doute et espoir. Si d’aucuns pensent que la mesure sera appliquée, d’autres par contre ne se font pas d’illusions. Mais dans tous les cas, il n’est pas question d’aller devant la loi. Sans compter le problème de l’information, parfois très confuse. REPORTAGE
Au détour d’une piste sablonneuse au quartier de Khar Yalla, une bande de copains dont les âges se situent entre quarante et cinquante ans. Palabrant sous une hutte, ils sont sur le point de démarrer un jeu de cartes appelé mariage. Mais loin d'oublier leurs soucis au quotidien, ils ont en tête quelques difficultés de la vie parmi lesquelles le coût jugé élevé du loyer.
Avec l’annonce d’une réduction par le président de la République, les espoirs ne manquent pas. Mais à vrai dire, ils sont partagés entre l’espoir et le doute.L’un d’eux, apparemment le plus jeune du groupe, hésite un instant avant d’avouer qu’il pense que les propriétaires sont plus enclins à refuser qu’à accepter la mesure.
«Les propriétaires se sont associés aux agences immobilières. Ensemble, ils vont tout faire pour ne pas réduire les prix», déclare quelqu’un. «Il faut éliminer les courtiers. Ils sont la source du mal», ajoute un autre.
A quelques kilomètres de là, la Médina. Ici également, les avis sont les mêmes. Debout à côté du portail d’une maison, Ousmane Cissé reste convaincu que cette baisse n’aura jamais lieu. Locataire d’un appartement de deux chambres et d'un salon, à 150 000 francs Cfa mensuels, il affirme sans détour : «Ce ne sont que des histoires. Je n’y crois pas. Les propriétaires ne réduiront pas les prix.»
A côté de ceux-là, il y a d’autres, certes pessimistes eux aussi, mais qui ne pensent pas moins qu’avec une certaine pression de l’Etat, les propriétaires seront obligés de lâcher du lest. Parmi eux, les deux frères de la famille Dieng à Gueule Tapée qui ont tenté chacun une expérience de location avant de regagner le domicile paternel.
«Je connais des propriétaires nerveux et arrogants. Ils refuseront la baisse. Ce sera difficile de leur faire accepter la décision. Mais je pense qu’avec un suivi de l’Etat, ils vont céder», espère le cadet.
Pas question d’aller à la police
Comme eux, un connaisseur du milieu pense que les propriétaires et les agences immobilières vont appliquer la mesure. Non pas forcément parce qu’ils y adhèrent, mais plutôt parce qu’ils n’auront pas le choix. El hadji Faye, cet agent immobilier qui revendique 20 ans d’expérience, va plus loin. A l’en croire, certains sont déjà sur le point de baisser les prix.
«Il y a aujourd’hui même, à Macha Allah, un appartement à trois chambres avec salon, précédemment loué à 250 000 f et qui a été ramené à 200 000 f», rapporte-t-il, avec un brin d'espoir dans la voix.
Par rapport à la participation du locataire lui-même, il faut dire que tout le monde n’est pas prêt à réclamer la baisse à son logeur. Cependant, la grande majorité se dit décidée à exiger ce droit, ainsi que les autorités ont commencé par le suggérer aux usagers.
Par contre, il n’est pas question d’aller à la police ou à la gendarmerie. Un ressortissant gabonais, intercepté entre sa voiture et le portail de l’immeuble où il loge, déclare être d'ores et déjà disposé à demander l’application des prix légaux que le président de la République a annoncés dans son discours de fin d'année. La force légale, non.
«Je suis prêt à résilier mon contrat s’il refuse, mais je n’irai pas à la police. S’il refuse de diminuer, je peux partir», confie-t-il.
Ousmane, lui, ne pense absolument pas à faire recours à la justice. Au contraire, il s’en remet au Tout-Puissant. «Je prie le Bon Dieu pour qu’il me donne de quoi payer à la fin de chaque mois», se contente-t-il de souhaiter.
Mme Dia non plus ne réclamera pas une baisse, mais c’est surtout parce qu’il lui reste un mois pour regagner la maison qu’elle a fini de construire à Yoff. Elle entend toutefois jouer la facilitatrice afin d’amener le propriétaire ‘’illettré’’ de la maison à se conformer, en lui expliquant les risques encourus.
Besoin d’information
Par ailleurs, l’Etat a besoin d’informer davantage sur le sujet. Si dans l’ensemble les populations sont au courant de la baisse, rares sont ceux qui en connaissent les modalités. Et les mieux informés sont pour la plupart ceux qui peuvent citer les différents pourcentages de la réduction sans en connaître les tenants et les aboutissants.
En effet, ils ont été nombreux à donner des réponses du genre : «J’ai entendu que c’est 29%, 14% et 4%, mais je ne sais pas trop.» Il y en a quand même quelques-uns qui comprennent mieux, heureusement ! Mais là aussi, au lieu d’évaluer en fonction du standing de l’habitation, on fait l’estimation à partir des quartiers.