En s’adonnant à la tradition républicaine qui consiste à s’adresser au Peuple à l’occasion du nouvel an, le chef de l’Etat a révélé ses carences et son manque de programme unique et cohérent pour développer le pays. Ce sont les conclusions du Libéral Modou Diagne Fada et du Rewmiste Babacar Mar.
Aussi bien sur la forme que dans le fond, le Président Macky Sall a étalé des insuffisances. C’est le constat fait par certains partis de l’opposition comme Rewmi et le Parti démocratique sénégalais (Pds). Yonnu Yokkuté, la Stratégie nationale de développement économique et social (Sndes) et le projet «Sénégal émergent» se télescopent. L’auteur du discours est par ailleurs vu comme un chef d’Etat qui cherche sa voie.
Pour Modou Diagne Fada, le président du groupe parlementaire des Libéraux et démocrates (Pds), «les Sénégalais ne savent pas à quel programme se fier». L’ancien ministre de la Santé analyse la sortie du président de la République sous plusieurs angles : «Sur le plan politique, le chef de l’Etat a insisté sur l’Acte 3 de la décentralisation en oubliant de parler du report des élections locales, qui semble être la conséquence immédiate et sur lequel l’opposition et le pouvoir ne parle pas le même langage. Sur le plan économique, il a annoncé un taux de croissance économique de 7%. Ceci est en deçà de ses promesses de campagne. Macky Sall avait promis un taux de croissance à deux chiffres. On sait qu’il lui faut un taux de croissance à deux chiffres pendant dix ans, pour qu’un pays soit émergent».
Fada attend donc un programme définitif de gouvernement. Les Sénégalais «ne savent pas à quel programme se fier. On ne sait pas s’il s’agit du projet Sénégal émergent encore moins de la Stratégie nationale de développement économique et social ou du Yonnu Yokkuté. Il a parlé des trois. La mise en cohérence pose encore problème», observe-t-il. Cependant, M. Diagne salue l’audit de la Fonction publique. Pour lui, «si les 12 000 agents non identifiés sont remplacés dans des conditions de recrutement transparentes, cela peut constituer une bouffée d’oxygène pour les jeunes sénégalais».
Toutefois, dans les initiatives de Macky Sall, constate-t-il, Wade est présent. Fada se réjouit du fait que «plusieurs projets de Abdoulaye Wade qualifiés d’éléphants blancs sont en train d’être remis au goût du jour».
Sur le volet social, le député reconnaît des questions difficiles comme la baisse du loyer et la crise casamançaise. Et là, il se permet d’être sceptique : «il semble que la Commission a déposé ses conclusions. On attend leur application. Par ailleurs, je ne suis pas rassuré du retour immédiat de la paix en Casamance».
De son côté, le parti Rewmi relève des lacunes qui réinstallent le désespoir. Selon Babacar Mar, membre de la structure des cadres de Rewmi, «le Peuple a eu droit à un Président qui se cherche». L’enseignant dissèque la sortie du Président Sall : «Sur la forme, on a senti que le président de la République n’était pas du tout convaincu. Il y a beaucoup de phases d’hésitation. Il n’a pas donc su convaincre, s’est empressé de quitter les caméras. Celui qui faisait un discours n’était pas prêt à s’embarquer avec les Sénégalais dans un bateau de réussites. Il est lui même dans le désespoir. Son discours n’a pas su réinstaller l’espoir tant chanté, du point de vue économique, social etc.». M. Mar s’attaque par la suite au fond : «Il y a un vide total. Vous voyez que le sport n’a pas été abordé. Dans le domaine de l’éducation, au lieu de parler de la crise universitaire, il a voulu la contourner. Il a préféré parler de recrutements d’enseignants… En réalité, l’espoir n’est pas là. C’est un Président qui se cherche dans ses programmes. Il dit que le projet Sénégal émergent est un prolongement du Yonnu Yokkuté dans ses grands démembrements. Avec le Sénégal émergent, il veut faire oublier aux Sénégalais ses promesses de campagne relatives aux 500 000 emplois, etc. Le Président Macky Sall tâtonne».
Ce procès du message du chef de l’Etat est loin d’emballer les responsables de l’Alliance pour la République (Apr). A en croire le député Abdou Mbow, «C’est un discours pour apaiser les tensions sociales qui secouent le pays». Ce dernier est séduit par son contenu social. «A travers ce discours, on voit que le gouvernement ne cesse d’investir dans le social. Je veux citer la Couverture maladie universelle, les 10 000 jeunes recrutés dans l’Agence pour la sécurité de proximité, les Bourses sociales familiales».
Mbow se réjouit du fait que «le chef de l’Etat est en train de mettre en œuvre Yonnu Yokkuté, qui a trois priorités : 3les jeunes, les femmes et le monde rural». Pour preuve, il rappelle : «la dernière Loi de finances rectificative a consacré une bonne partie des ressources financières à la santé, aux pistes rurales».
Au sujet de la crise universitaire, le responsable apériste affirme : «Le président de la République a rassuré les acteurs. Pour qu’un pays de développe, il faut qu’il y ait un enseignement supérieur de qualité. Il a appelé tous les acteurs à la concertation ; qu’ils soient étudiants, enseignants et parents d’élèves».