Autrefois, le mariage était un lien sacré. On se mariait pour le meilleur et pour le pire. Pour toute la vie. De nos jours, en revanche, le mariage est de plus en plus banalisé dans notre société. En plus d’être un investissement humain, le mariage est devenu maintenant un véritable gouffre financier. Les gens se marient plus par intérêts que par amour. Ce constat est valable aussi bien chez les femmes que chez les hommes.
Autrefois, le mariage, dans la société sénégalaise, revêtait un caractère sacré. En effet, il unissait deux êtres humains appelés à vivre ensemble dans le bonheur comme dans le malheur, et au-delà, des familles voire des communautés entières. Ce qui conférait aux ménages une longévité, dans la parfaite cohésion et la solidarité. Une fois l’union scellée, les deux partenaires comprenaient qu’ils avaient le devoir moral de s’aimer de s’entre-aider, et de se respecter mutuellement.
Aujourd’hui, le mariage n’est plus perçu de la même façon par la plupart des jeunes sénégalais. Le constat c’est que les gens ont tendance à se marier par intérêts plutôt que par amour. Et cela ne marche pas toujours, en atteste les nombreux clashes enregistrés chez les jeunes couples au motif four tout «d’incompatibilité d’humeur».
LE MATERIEL N’EST PAS IMPORTANT DANS LA VIE DE COUPLE
Rencontrée sur l’avenue Lamine Gueye à Dakar, Amy Collé Ba, la cinquantaine, pense que l’argent ne peut pas faire le bonheur d’un couple. Pour cette femme, mère de 7 enfants qui a une expérience de 30 ans de mariage, c’est l’amour, le respect et la confiance qui nourrissent une vie de couple, mais pas le coté matériel. «Je vis en parfaite harmonie avec mon mari depuis 30 ans. Nous sommes une modeste famille, mais n’empêche, nous sommes épanouis chez nous avec nos 7 bouts de bois de Dieu. De nos jours les jeunes ne sont motivés que par l’aspect matériel alors que cela n’est pas important», a-t-elle confié.
A quelques encablures, Massamba Gueye, assis devant une boutique embouche la même trompette. «Au Sénégal, les femmes veulent se marier. Mais, une fois le mariage célébré, elles ne s’acquittent pas de leur devoir, ce qui les intéressent c’est uniquement l’argent et le bien matériel. Si jamais l’homme perd ses biens un beau jour, la femme lui tourne le dos», a-t-il indiqué. Ainsi conseille-t-il les célibataires, avant se s’engager dans un lien de mariage, de faire le bon choix en épousant des femmes issues de bonnes familles.
La femme ne peut pas vivre que «d’amour et d’eau fraiche»
Une idée que partage Mbaye Sall, un pére de famille qui vit aux Hlm de Dakar. Selon lui, le mariage doit se fonder sur d’autres critères que l’aspect matériel. «La femme mariée doit se soumettre à son mari, sans aucune condition. La relation conjugale ne doit pas se baser sur l’argent. Avant, nos grands parents se basaient sur d’autres critères, surtout sur l’origine de la future femme», a-t-il soutenu. Et d’ajouter: «A Dakar les gens se rencontrent souvent dans les lieux de loisirs notamment les boites de nuit pour se marier après. C’est pour cette raison, d’ailleurs, que nous assistons aujourd’hui à de nombreux divorces. Avant, les filles restaient chez-elles, à coté de leur mamans, ce qui faisait qu’elles étaient bien préparées aux vies de couples, une fois mariées ».
Contrairement à Mbaye Sall, Ndèye Diop, célibataire pense qu’avec la crise économique qui sévit aujourd’hui, la femme ne peut pas seulement vivre «d’amour et d’eau fraiche». Selon elle, l’argent joue un rôle très important dans la bonne marche du couple. «Actuellement, avec la crise économique et l’évolution de la société, la vie est devenue plus chère. Je ne vais pas me jeter dans la gueule du loup en me mariant avec un homme pauvre. C’est l’intérêt qui est le soubassement de toute chose dans cette société», a-t-elle laissé entendre.
LA FEMME «SALARIEE», UNE PREFERENCE DES HOMMES
Il n’y pas que les femmes qui sont matérialistes. En effet, les hommes aussi, avant de contracter un mariage, s’intéressent aux revenus de la femme. Certains sont même aller plus loin en déclarant qu’ils ne vont pas se marier avec un cas social (une femme qui ne travaille pas) parce que, disent-ils, cela ne fait qu’empirer leur condition de vie. C’est le cas d’Abou Diagne, comptable dans une entreprise de la place. Ce célibataire âgé de 29 ans n’envisage pas d’épouser une femme qui ne fait… rien dans la vie. «Je projette de me marier dans quelques mois, mais avec une fille qui travaille. Avec la crise économique, un seul salaire ne suffit pas pour régler toutes les dépenses du ménage», a-t-il défendu.
Et de poursuivre: «les hommes ne sont pas matérialistes, mais c’est parce que le monde a évolué. Avant, ce que gagnait l’homme suffisait pour entretenir toute la maison. Par contre, aujourd’hui, la vie est plus chère. Il faut que tous les conjoints participent», a-t-il martelé.
HADIYA TANDIAN, SOCIOLOGUE - «Le mariage est l’institution la plus victime de la complexité de la société»
Pour le docteur en sociologie, Hadiya Tandian, l’intérêt a toujours existé dans le mariage. Mais, c’est le fait de croire que cet intérêt n’est que matériel qui n’est mauvais. Aussi met-il en garde les hommes qui sont tenus pour responsables des clashes des fois en construisant un environnement matériel, ce mirage, avec leurs nombreux engagements et promesses avant mariage qui ne seront jamais honorés une fois l’union scellée. Pis, aujourd’hui, avec la prolifération des médias octroyant aux gens les moyens pour cultiver leurs goûts et satisfaire leur curiosité, le mariage est en train de passer pour l’institution la plus victime de la complexité de la société.
«L’intérêt est toujours là. Ce qui n’est pas bon, c’est de croire que l’intérêt ne peut être que matériel. Quand un homme épouse une femme en lui promettant beaucoup de choses, dans ce cas, c’est le mari qui a construit cet environnement matériel et a créé ce mirage. Une fois le mariage célébré et que l’homme n’arrive pas toujours à honorer ses engagements, la femme peut les lui rappeler. La femme ou l’époux va exiger de son conjoint de respecter ses engagements pris en vue de la contraction du mariage. Quand un couple met l’aspect matériel devant, il est certain que tout ce qui sera fait, sera mesuré par rapport à cet aspect.
Auparavant quand quelqu’un avait une entreprise de mariage, la première question que se posait la famille c’est: de qui s’agit-il? Et, aujourd’hui, on demande ce qu’il fait comme métier ? Avant, l’aspect matériel n’était pas trop important parce que les gens vivaient avec le minimum. Ils vivaient dans des endroits stables, calmes et dans un environnement économique qui n’était pas trop troublé.
Et dans cet environnement, l’individu a le temps de contrôler ses goûts, ses désirs, plaisirs et pulsions. C’est cela l’avantage de nos grands parents. Tout le monde se connaissait, on se fréquentait et on s’informait de la vie des autres. Les futurs couples se rencontraient dans des endroits uniques car il n’y avait pas les salles de cinéma et les boites de nuits de sorte que toute la société se connaissait. Les choses ne coûtaient pas trop chères. On vivait bien à cette époque. Un père de famille qui gagnait 100 mille F Cfa pourrait entretenir 4 femmes dans une même maison.
Aujourd’hui, la prolifération des médias multiplie les goûts. Les gens ont maintenant beaucoup de moyens pour cultiver leurs goûts et satisfaire leur curiosité. Ce qui n’est pas sans avoir des impacts sur notre comportement. Chacun essaye d’interpréter la vie à sa manière. Le mariage serait l’institution la plus victime de cette complexité de la société. Aujourd’hui que notre environnement est complexe que le matériel est nécessaire et indispensable même, il faut qu’on se renseigne si le conjoint a les capacités de soutenir une vie de couple.
Il y a des hommes aussi qui, avant d’épouser une femme, se posent la même question pour savoir si c’est une valeur ajoutée ou non. Donc, de la même manière que les femmes s’intéressent à cet aspect, les hommes aujourd’hui ont tendance à contracter des mariages par intérêt».
PERE ENZO ABBATINALI, MISSIONNAIRE OBAT MARIE IMMACULEE - «Le bonheur d’un couple ne dépend pas de «l’argent, mais de l’amour...»
«Le bonheur d’un couple ne dépend pas de l’argent mais de l’amour qu’on partage. Et, puisse que l’amour des mariés s’exerce au niveau de la sexualité, l’harmonie sexuelle est une garantie pour le bonheur d’un couple». La précision est du père Enzo Abbatinali, Missionnaire à la paroisse Marie Immaculée des Parcelles Assainies. Selon le prêtre, les jeunes d’aujourd’hui sont menacés par des mentalités matérialistes, laïcistes et égoïstes qui viennent de l’étranger et qui font du mal à notre pays. La conséquence, souligne-t-il, les jeunes couples sont souvent exposés au divorce parce qu’ils ne s’entendent guère.
Rappelant que l’Eglise exige des hommes et les femmes à se marier uniquement par amour, il explique ainsi que l’amour ne signifie pas chercher le bien de soi-même, mais chercher le bien de l’autre. «Si on cherche le bien de soi-même, on est égoïste. Si on cherche le bien de l’autre, on est altruiste. Malheureusement, nous vivons dans une société où on ne cherche que son intérêt. Et quand on est victime de la recherche de l’intérêt égoïste, on ne peut pas se marier et être heureux.
C’est, d’ailleurs, pour cette raison, dit-il, que l’église donne beaucoup d’importance à la préparation au mariage. «On demande trois mois de rencontre avec les personnes compétentes, notamment un médecin, un psychologue, un prêtre et un avocat, afin que le couple puisse savoir ce qu’est le mariage et qu’il ait des idées claires». Et d’ajouter: «l’homme ne doit pas seulement chercher son intérêt, mais doit savoir s’accompagner de la femme que nous considérons comme un sexe faible. Elle a besoin d’être soutenu et d’être accompagnée. Donc monsieur doit avoir une disponibilité au service de sa femme».
OUSTAZ TAIB SOCE, PRECHEUR - «Un homme responsable n’épousera jamais une femme pour ses biens»
«Un homme responsable ne va jamais épouser une femme par intérêt. L’Islam n’a pas recommandé que les femmes prennent en charge les hommes, mais que les hommes épousent les femmes, les logent (et partagent le même toit avec elles), les nourrissent et les chérissent». C’est oustaz Taïb Socé, prêcheur, qui revient ainsi sur les préceptes de l’Islam, en matière de mariage qui autorise les relations intimes entre des conjoints musulmans.
Mieux, renchérit-il, «un homme vertueux n’épousera jamais une femme pour profiter de sa fortune. Le Prophète Mohamed (PSL) nous a enseigné qu’on peut épouser une femme, soit pour sa beauté, soit pour sa lignée familiale, soit pour sa piété. Mais le mieux, c’est d’épouser une femme pieuse. Dans tous ces cas, c’est l’homme qui a le devoir d’entretenir la femme», a-t-il fait savoir.
A son avis, aucune femme ne doit accepter d’épouser un homme qui s’intéresse uniquement à sa fortune car, il trouve que l’amour est la base de toute relation conjugale. «Un homme qui épouse une femme pour son argent, si toutefois l’argent n’est plus là, il la quittera sans aucun remords pour chercher ailleurs. Cela est valable aussi pour la femme. Pour que le mariage dure longtemps, il faut qu’il y ait l’amour et la sincérité entre les deux conjoints».
A en croire oustaz Taïb Socé, le Prophète Mohamed (PSL) avait prédit que l’homme qui épouse une femme uniquement pour ses biens va l’humilier tôt ou tard. Toutefois, il reconnait qu’il existe des hommes qui se marient avec des femmes riches sans au préalable faire de calcul. «Ces gens le font uniquement par amour mais, dans tous les cas, c’est l’homme qui a l’obligation de satisfaire les besoins de sa femme», a-t-il conclu.
Rappel des obligations des conjoints en Islam
D’ailleurs, dans l’Islam, en matière de mariage, l’homme a six obligations principales envers son épouse. Il s’agit du devoir de cohabitation, le devoir conjugal, le partage des nuits (en cas de polygamie, le maximum étant de quatre femmes), le devoir d’entretien (nafaka), l’abstention de tous sévices et le maintien des relations de l’épouse avec sa famille.
Quant à la femme, ces cinq obligations lui incombent envers son époux: l’obéissance envers son mari, l’habitation au domicile conjugal, la fidélité (même si ce principe n’a pas été codifié dans le droit positif contemporain des États musulmans), les soins du ménage (qui peuvent être également partagés avec l’homme, à l’instar de l’envoyé de Dieu –PSL- qui aidait pour les corvées incluant les tâches ménagères, la couture, etc.) et l’autorisation maritale pour disposer par contrat (cette obligation ne résulte que du droit malékite classique, lorsque la femme veut donner plus d’un tiers de ses biens à un autre…)
Aussi, dans le mariage en Islam, qui est contrat d’un type un peu particulier car, étant à la base de la fondation d’une famille, en plus de ces devoirs que chacun (époux et épouse) se doit de connaître avant même de se marier, certains devoirs sont communs aux deux conjoints.
Notamment avoir de l’amour pour l’autre, avoir de la bonté pour l’autre, s’embellir pour l’autre (autant que possible), vivre ensemble la sexualité (un devoir qui incombe à tous les deux et non pas seulement à la femme), avoir une juste confiance en l’autre. Il existe également d’autres devoirs qui sont spécifiques au mari ou à l’épouse.