Les protestations contre les accords de pêche avec l’Union européenne relèvent d’une ignorance des tenants et aboutissants. Telle est la lecture qu’on peut faire des explications fournies par les directions chargées du secteur, lors d’un atelier organisé hier par l’Institut d’études de sécurité.
L’Institut d’études de sécurité (ISS, acronyme en Anglais) a organisé hier un séminaire sur la situation de la pêche au Sénégal. L’objectif de cette initiative est d’amener les acteurs concernés à échanger afin de renforcer la prise de conscience des défis que posent le secteur. Entre autres questions soulevées lors de la rencontre, celles des accords de pêche avec l’Union européenne et la protection des eaux sénégalaises contre les bateaux pirates. En ce qui concerne les accords qui ont fait beaucoup de bruit, Moustapha Dème du Centre de recherche océanographique de Dakar a expliqué que les ressources qui ont fait l’objet d’accords n’ont rien à voir avec celles exploitées par la pêche artisanale. ‘’Les petits pelages côtiers ne sont pas concernés’’, affirme-t-il.
Les ressources cédées aux navires européens sont celles où il y a un surplus économique, c'est-à-dire que le potentiel disponible ne peut être exploité par le pays détenteur des droits. Parmi les accords signés avec l’UE, il n’y a que deux espèces qui sont concernées : le thon et le merlu. Ces catégories se trouvent, si l’on en croit M. Dème, dans des endroits inaccessibles pour les pêcheurs sénégalais. Et pour convaincre davantage qu’il n’y a pas matière à disserter, il indique que le Sénégal dispose de 50 000 tonnes de thon et ne commercialise que les 14 000 tonnes. Et d’ailleurs, ajoute-t-il, si le pays ne les cède pas, les Européens pourraient en trouver ailleurs. Ils ne sont donc là que pour s’inscrire dans la continuité. S’y ajoute que, ‘’accords ou pas, les navires vont continuer leur incursion. Il est donc préférable de signer’’.
À propos du merlu, il est certes concerné par les accords, mais il y a une étude en cours. Et la suite de l’accord dépendra des résultats de l’étude. Ce n’est pas tout, puisque le représentant de la direction de la protection maritime avance que dans les accords passés, le Sénégal recevait 16 millions d’euros de redevance pour trois groupes d’espèces. Avec le nouveau partenariat, le pays gagne 13 millions d’euros pour un seul groupe d’espèces. Pour toutes ces raisons, il ne voit que des avantages sur ces présents accords. Le seul inconvénient qu’il reconnaît est d’ordre environnemental, et encore ! ‘’Même si les nationaux font l’exploitation, il y aura aussi des conséquences biologiques’’, tempère-t-il. Là où les intervenants trouvent des problèmes par contre, c’est l’exploitation abusive des ressources par les Sénégalais. M. Dème parle d’une surexploitation qui devrait inciter à changer les habitudes.
150 milliards de perte par an
L’autre point qui a préoccupé les participants est la surveillance des côtes. Le Sénégal, selon les autorités de la pêche, perd 150 milliards par an du fait de la pêche INN, c’est-à-dire celle ‘’illégale, non déclarée et non réglementée’’. Il faut retenir cependant qu’il est difficile d’estimer cette perte, car il s’agit de capture non déclarée. Il faudrait donc être en mesure de contrôler la zone maritime pour déterminer le manque à gagner.
C’est ainsi que Malick Ndiaye, capitaine de frégate à la Direction de la protection et de la surveillance des pêches (DPSP), précise que ce chiffre est le résultat d’une déduction. En fait, explique-t-il, des études dans le monde ont montré que la pêche illicite constitue 50% des valeurs débarquées. Etant donné que celles-ci sont estimées à 300 milliards au Sénégal, ils en ont conclu que le pays perd 150 milliards, ce qui représente les 50%.
Il y a cependant des raisons d’espérer. Car, M. Ndiaye soutient que la surveillance s’est accrue sur les côtes depuis quelque temps. La DPSP, dont les moyens ont toujours été faibles et vétustes, a été dotée de plus d’outils. Ses navires ainsi que ceux de la marine nationale font des inspections et contrôles réguliers. Mais il y a surtout l’aide décisive de la France et de l’armée de l’air. La France met à la disposition de la DPSP un avion pour effectuer chaque semaine 2 à 3 vols, selon la disponibilité de l’appareil. Grâce à cela, les incursions sont devenues rares. Surtout qu’un message de fermeté a été envoyé par l’arraisonnement du navire russe, ‘’Oleg Naydenov".
La moyenne des captures de poisson au Sénégal, œuvre de 120 navires industriels et 18 500 pirogues, est évaluée à 427 000 tonnes environ dont 385 000 tonnes pour la pêche artisanale. La valeur commerciale des exportations de produits halieutiques est quant à elle estimée à 234,01 milliards F Cfa. La pêche contribue pour 2% au PIB national et 12% au PIB du secteur primaire. S’agissant de la consommation en poissons des Sénégalais, elle est de 26kg/habitant contre 16kg pour la moyenne mondiale.