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Enquête Plus N° 1027 du 18/11/2014

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Abdou Diouf: Les bonnes feuilles de ses Mémoires
Publié le mercredi 19 novembre 2014   |  Enquête Plus


Abdou
© Autre presse
Abdou Diouf va quitter la tête de l`Organisation Internationale de la Francophonie
Abdou Diouf va quitter la tête de l`Organisation Internationale de la Francophonie à l`issue du 15e sommet qui va se tenir à Dakar, les 29 et 30 Novembre 2014


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L’ancien président socialiste et actuel secrétaire général de l’OIF raconte, dans ses Mémoires, (Editions Seuil) qu’il vient de publier, ses meilleurs souvenirs, mais aussi, et surtout, les trahisons, les chantages, les complots dont il a fait objet durant sa carrière d’homme d’Etat. Morceaux choisis



LES LEGISLATIVES 1998

« Les élections législatives avaient pourtant été soigneusement préparées. Le nombre de députés, manifestement insuffisant, avait porté été de cent vingt à cent quarante. L’Observatoire nationale des élections (ONEL), réclamé par l’opposition pour garantir la transparence du scrutin, avait été confié au général Mamadou Niang. Au PS, j’avais bien sûr confié la tête de liste à Ousmane Tanor Dieng, premier secrétaire du parti. La campagne fut rude, et même si à l’arrivée le PS l’emportait avec cent seize députés (trente-cinq sur la liste nationale et cinquante-huit sur les listes départementales) ; l’Alliance Jef-Jel-URD onze députés (neuf sur la liste nationale et deux sur les listes départementales) ; And-jef/PADS quatre députés ; LD/MPT trois députés ; les autres partis obtenant chacun un élu.

Certes, la victoire était là, mais l’avance du Parti socialiste s’était nettement effritée. Le peuple s’était exprimé. Il fallait en tirer les conclusions afin de se préparer à affronter l’échéance de l’an 2000. Le message du peuple était bien reçu. Il y avait là un coup de semonce, et il me fallait donner un signal fort. C’est ainsi que, le 3 juillet 1998, Habib Thiam quittait la primature, où je nommai Mamadou Lamine Loum (…) »

L’APPEL DE MOUSTAPHA NIASSE

« A vrai dire, Habib prit mal la mesure, estimant qu’il avait accompli son contrat. J’avais également pris soin d’informer Moustapha Niasse, en mission à Abidjan, de ma décision de nommer Mamadou Lamine Loum au poste de Premier ministre. Il n’en prit pas ombrage, mais apprécia nettement moins le décret qui nommait Ousmane Tanor Dieng ministre d’Etat, ministre des Services et Affaires présidentiels. Le décret, en effet, stipulait que M. Ousmane Tanor Dieng était chargé de l’intérim du Premier ministre. Cette nomination et les conditions dans lesquelles elle fut présentée au public ne furent pas acceptées par Moustapha Niasse. De retour d’Abidjan, il me demanda aussitôt de le décharger de ses fonctions gouvernementales. Ainsi, il quittait le gouvernement tout en m’assurant de son soutien. Mais quelques mois après, le 16 juin 1999, il lançait un appel qui se concrétisa par la création de l’AFP (Alliance des forces du progrès), qui reçut son autorisation administrative dès le 13 août 1999.
Lire aussi: « En 2000, quelque chose en moi a vraiment souhaité perdre les élections »

Les gens m’ont rapporté que Niasse disait avant de lancer son appel : Moi, je serai avec le président de la République jusqu’au bout. Si jamais il ne se présente pas, je me présenterai, mais s’il se présente, je serai toujours avec lui. » Au cours d’une mission au Togo en compagnie du général Wane, mon chef d’état-major particulier, il lui confia : « Je jure sur le Coran que jamais je ne me présenterai contre le président Diouf. » Des témoignages identiques s’accumulant, j’étais sur le point de dire que Niasse pourrait faire un bon directeur de la campagne qui s’annonçait, lorsqu’il a publié son appel (…) »

LE SOUVENIR AMER DU PALAIS BOURBON

« C’est dans ce climat de forte tension politique que je me rendis à l’invitation du président de l’Assemblée nationale française, Laurent Fabius, pour m’adresser aux députés dans l’hémicycle du Palais-Bourbon, le 21 octobre 1998. Peu de chefs d’Etat, africains ou autres, ont eu cet honneur. Alors que le peuple sénégalais se réjouissait de cette marque d’estime portée à son chef, une partie importante de l’opposition se déplaça à Paris et se mit à manifester contre ma personne et mon régime. Je compris alors combien une opposition aveugle pouvait amener ses animateurs à la démesure, voire à la haine. »

LA PIROUETTE D’OUMAR KHASSIMOU DIA

« Puis vint l’élection présidentielle du 27 février 2000. Mon parti m’avait investi comme son candidat. Il y en avait huit parmi lesquels Moustapha Niasse et Djibo Kâ. Une coalition de partis se forma bientôt autour d’Abdoulaye Wade. De mon côté, je reçus le soutien de nombreux partis, dont d’anciens alliés de Wade. Mais à l’intérieur de mon parti, la question du dauphinat continuait à alimenter les débats et à meubler les esprits. En voici un exemple qui dépeint bien la situation. Un jour, je reçus une lettre de demande d’audience d’Oumar Khassimou Dia, qui avait été directeur de cabinet d’Habib Thiam. Quand j’étais encore premier ministre, Oumar Khassimou Dia avait eu un problème avec Habib Thiam, qui l’avait sanctionné.

Thiam était alors ministre du développement rural. Oumar Khassimou Dia m’avait écrit pour s’en plaindre. J’avais regardé son dossier, j’en avais parlé avec Habib, qui avait renoncé à la sanction. Mais Oumar Khassimou Dia n’était pas loin de blasphémer car il répétait à qui voulait l’entendre : « ce qu’Abdou Diouf a fait pour moi, même Dieu ne l’a pas fait pour moi. » Or, de la part d’un homme croyant, tout vient de Dieu. C’est dire combien il m’était reconnaissant. Et voilà qu’aujourd’hui il m’adressait une lettre dans laquelle il écrivait : « il faut que je vienne vous voir pour parler des élections de l’an 2000. Il faut les préparer dès maintenant. » Je le reçu dans mon bureau, il s’assit et me dit : « Voilà, je suis venu vous dire que je vais me ranger aux côtés de Niasse. » Je lui répondis : « Je ne te comprends pas.

Tu me demandes une audience pour préparer les élections de l’an 2000, je te reçois, et tu me dis que tu te ranges aux côtés de Niasse. » Il me dit : « Oui, oui, mais j’ai changé d’opinion parce que, si vous êtes réélu, vous allez encore nous imposer Ousmane Tanor Dieng, qui ne veut que ma mort. Donc, moi je ne peux pas faire élire quelqu’un qui veut ma mort. » Je lui dis : « mais tu ne fais pas élire Ousmane Tanor Dieng, tu me fais élire, moi. » Ce à quoi il répondit : « Oui, oui, vous allez le mettre en avant, vous allez lui laisser le pouvoir, et moi, il va me tuer, donc je vais avec Niasse. » Cet échange résume à lui tout seul à quel point les gens avaient l’esprit complètement perturbé.

Je comprends mieux maintenant : quand ils pensaient à Ousmane Tanor Dieng, les gens se remémoraient les conditions dans lesquelles le président Senghor m’avait choisi pour sa succession. C’était une mauvaise comparaison, car le président Senghor avait choisi un dauphin dans son cœur dès 1964, et l’avait ensuite clairement officialisé. Quant à moi, je n’ai pas voulu choisir un successeur, j’ai seulement voulu aménager les choses de telle façon que le travail du parti continue avec quelqu’un qui était à côté de moi, et qui pouvait donc recueillir mes instructions plus facilement. Mais la perception qu’on eue les gens était tout autre. Ils étaient convaincus en effet que j’avais choisi Ousmane Tanor Dieng comme dauphin. »


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