Les attaques du chef de l’Etat guinéen sur le Sénégal sont devenues si récurrentes qu’on a du mal à trouver leur bien-fondé. La fermeture des frontières rappelle d’autres provocations de Condé qui a pourtant bien bénéficié de la «teranga» sénégalaise jusqu’à son accession au sommet de l’Etat.
Sékou Touré serait-il son modèle ? Depuis qu’il est arrivé au pouvoir, Alpha Condé invente des complots imaginaires, multiplie les propos polémistes. Dans la presse guinéenne, on lie ces attaques à l’incompétence du chef de l’Etat qui veut masquer «ses échecs» à la tête de la Guinée. Il remixe les bonnes vieilles recettes pour captiver l’attention d’une population étreinte par les ravages du virus Ebola.
Aujourd’hui, il a un coupable idéal : Le Sénégal. Le pic des attaques a été atteint avec la fermeture des frontières avec la Guinée décidée par Dakar. Dès le début de cette décision, l’opposant historique, qui avait ses quartiers dans la capitale sénégalaise durant sa traversée du désert, a préféré effacer de sa mémoire cette «teranga».
Pour lui, le Sénégal a manqué de solidarité envers la Guinée. Goût de cendres dans la bouche, Alpha Condé rabâche partout la décision hypocrite de Dakar. «On les nourrit et ils nous ferment leurs frontières», dit-il. Les femmes ont récolté de la pomme de terre à Timbi Madina et à Mali. Elles vendent leurs produits au Sénégal. Aujourd’hui, ces produits pourrissent en Guinée, parce que ce pays ferme ses frontières. «Nous allons construire des usines et transformer sur place notre pomme de terre en chips et en purée. On ne va plus rien exporter. Que ça soit les pommes de terre, les fruits, les légumes», renchérit-il.
C’est la dernière averse de colère jetée sur les autorités sénégalaises. Serait-il parano ? Pourtant, le Sénégal a été l’un des premiers à avoir envoyé des experts en Guinée forestière dès l’apparition du virus. Pourquoi alors cette systématisation des attaques sur le Sénégal ? Ces provocations ont évidemment un soubassement «politico-ethniciste». Le regard de Alpha Condé suit les fréquentations (avérées ou non) de Cellou Dallen Diallo au Sénégal. Sans entrer dans les détails, on s’émeut du discours fortement «ethniciste» du chef de l’Etat guinéen qui tente de mettre à la lisière l’élite peulh et l’Union des forces démocratiques de Guinée (Ufdg) dirigée par l’ex-Premier ministre du défunt Lassana Konté.
Au lendemain de l’attaque contre sa résidence privée à Conakry (juillet 2011), il avait juré qu’elle a été préparée à Dakar «et que les gouvernements sénégalais et gambien étaient au courant, en mettant nommément en cause un responsable de l’opposition». Il disait : «Tout a été préparé à Dakar et nous savons très bien que le numéro 2 de l’Ufdg Bah Oury (Amadou), qui a fui, nous savons très bien qu’il a été un des principaux organisateurs ici en Guinée.»
«L’organisation de l’attaque impliquait des personnes qui se réunissaient à Dakar, à l’hôtel (Méridien) Président. Je pense qu’il y a la complicité du gouvernement sénégalais comme du gouvernement gambien, même s’ils disent qu’ils ont manqué de vigilance», accusait-il sans mettre de gants.
Depuis son accession au pouvoir (2010), Alpha Condé a mis le Sénégal dans son collimateur. Le virus Ebola et l’interception des fonds à l’aéroport de Dakar ont distendu davantage les relations entre Dakar et Conakry. Jusqu’ici, il est l’unique acteur de ces attaques verbales après avoir la ferme décision d’oublier la «teranga» sénégalaise. Alors que les vaches étaient si maigres.