C’est le procureur général des Chambres africaines extraordinaires qui a souhaité que le banquier Abdoul Mbaye soit entendu dans le cadre du transfert des biens de Hissein Habré du Tchad au Sénégal. Une requête rejetée par la chambre d’instruction des CAE, mais qui ouvre la saisine de la chambre d’accusation pour arbitrage.
Procureur général des Chambres africaines extraordinaires (CAE) mises en place par l’Union africaine pour juger l’ancien Président tchadien Hissein Habré, le magistrat Mbacké Fall fait tout pour que ce procès ait lieu dans des délais raisonnables, avec le maximum de témoins pertinents en mesure d’éclairer et/ou d’étoffer les charges retenues contre le prédécesseur d’Idriss Déby Itno. C’est sans doute à cette fin qu’il a souhaité qu’Abdoul Mbaye, directeur de la banque qui a accepté, en son temps, de recueillir l’argent emporté avec lui par Habré dans sa fuite vers le Sénégal, soit convoqué et entendu à titre de témoin.
Selon nos informations, cette requête a été rejetée par la chambre d’instruction des CAE au motif que les chefs d’accusation – crimes contre l’humanité, crimes de guerre et crimes de tortures – arrêtés dans le réquisitoire introductif du Parquet général des CAE n’englobent pas un quelconque délit lié à des crimes économiques susceptibles d’être opposés à l’ex-homme fort du Tchad. Du coup, Abdoul Mbaye, ancien Premier ministre du Sénégal, ne sera pas entendu par la chambre d’accusation.
Par contre, indiquent des sources dignes de foi, le Procureur général Mbacké Fall a encore la possibilité de saisir la chambre d’accusation des Chambres africaines extraordinaires pour obtenir un arbitrage en sa faveur, ce qui est loin d’être gagné, nous dit-on.
Dans tous les cas, l’acte infructueux ainsi posé par le Procureur général intrigue bien des observateurs et acteurs proches du dossier d’Hissein Habré. Il intrigue au moins pour deux raisons : La première est que le libellé du réquisitoire introductif du Parquet général est d’une limpidité telle qu’il ne doit pas être possible de franchir les frontières entre ce qui est possible et ce qui ne l’est pas. La deuxième raison est en liaison avec un certain contexte politique, périphérique, dirions-nous, où deux anciens premiers ministres de la République s’affrontent par presse interposée.
A ce niveau, certains observateurs ne se privent pas de rappeler que le procureur général des Chambres africaines extraordinaires, magistrat dont les compétences sont par ailleurs reconnues, a tout de même été nommé par l’Union africaine sur proposition de l’ancienne ministre de la Justice…Aminata Touré. Alors, une question perfide découle de l’exposition de ces faits : Mbacké Fall a-t-il voulu donner un coup de pouce à l’ex-Premier ministre dans la bataille feutrée qui l’oppose à son prédécesseur à la Primature ?