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Le Soleil N° 13333 du 5/11/2014

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Francis Kpatindé, sciences po, paris, sur la chute de Blaise Compaoré : « C’est un harmattan démocratique qui souffle sur l’Afrique »
Publié le jeudi 6 novembre 2014   |  Le Soleil


UEMOA
© aDakar.com par GS
UEMOA : 20 ans au service de l`intégration économique
Lundi 20 octobre 2014. Ouagadougou. Salle des banquets de Ouaga 2000. Les chefs d`Etat et de gouvernement des pays membres de l`Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) se sont retrouvés pour célébrer le 20e anniversaire de l`organisation commune placé sous le thème "UEMOA, 20 ans, les voies d`un développement solidaire". Photo: Blaise Compaoré, président de la République du Burkina Faso


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Ancien rédacteur en chef à Jeune Afrique, le Béninois Francis Kpatindé a couvert l’actualité africaine pendant plus de 20 ans pour le magazine panafricain. Actuellement Maître de conférences à Sciences Pô Paris, il revient ici sur la chute du président burkinabé, Blaise Compaoré, qui a démissionné la semaine dernière sous la pression populaire.

La chute de Blaise Compaoré a-t-elle été une surprise ou quelque chose de prévisible pour vous ?
C’était écrit. La situation sociopolitique du Burkina portait en elle-même les ingrédients de sa chute. Son extrême longévité à la tête de l’Etat – plus de vingt-sept ans – et l’usure du pouvoir ont beaucoup joué en sa défaveur. Cela vaut pour lui comme pour tous les autres chefs d’Etat. Ajoutez à cela ses méthodes autoritaires, une politique étrangère belliqueuse, la liquidation de certains de ses opposants, une grogne récurrente au sein des casernes, une jeunesse en mal de repères, mais connectée au reste du monde sur les réseaux sociaux, et vous comprendrez que ce qui est arrivé était écrit.

Il y a eu plusieurs contestations au Burkina Faso, mais Blaise Compaoré a toujours réussi à garder la main. Quels ont été les clés de son long maintien au pouvoir ?
Il n’y a pas l’ombre d’un doute. Comme dans la Rome antique, il a choisi de régner par le glaive. Il a pris le pouvoir par les armes en assassinant son frère d’armes, pour ne pas dire frère tout court, Thomas Sankara. Par la suite, il s’est débarrassé, dans des conditions similaires, de plusieurs autres officiers supérieurs. Ensuite, la répression s’est étendue aux cadres, aux avocats, aux défenseurs des droits de l’Homme et aux journalistes. Notre confrère Norbert Zongo a ainsi été liquidé, parce qu’il enquêtait sur la famille du président Compaoré. A l’intérieur, le régime n’hésitait pas à terroriser, voire à liquider les empêcheurs de tourner en rond. A l’extérieur, notamment en Occident, il présentait un visage avenant. En revanche, les voisins du Burkina n’étaient pas dupes de la nocivité de leur pair burkinabè.
Blaise Compaoré a joué un rôle de médiateur, avec succès, dans beaucoup de crises dans la sous-région. Mais certains estiment qu’il a eu un rôle ambivalent sur les crises qui ont secoué l’Afrique de l’Ouest. Êtes-vous de cet avis ?
Tout le monde parle de ses succès, sans prendre le soin de les énumérer. Contrairement à une idée répandue, surtout hors de l’Afrique, on avait affaire à un pompier-pyromane qui poussait le cynisme jusqu’à proposer ses services après avoir lui-même contribué à allumer l’incendie.
Après les pays arabes, un vent de révolte ou de printemps démocratique semble souffler sur l’Afrique subsaharienne. Croyez-vous que ce qui s’est passé au Burkina puisse faire tache d’huile ?
Mieux qu’un “printemps’’, une saison inconnue sous nos cieux. C’est un véritable harmattan démocratique qui balaie actuellement l’Afrique francophone. Même si chaque peuple va à la liberté au rythme qui lui est propre, la revendication démocratique est forte en Afrique. Et, en la matière, les réseaux sociaux, la radio et la télévision servent de miroir et poussent au mimétisme. Les peuples bâillonnés en arrivent légitimement à penser que ce qui est possible à Ouagadougou devrait l’être à Brazzaville, Kinshasa, Banjul et ailleurs.
Blaise Compaoré va certainement laisser un vide en Afrique de l’Ouest. La sous-région va-t-elle retrouver une stabilité sans lui ou bien ses bons offices de médiateur vont manquer à l’Afrique de l’Ouest ?
Ce n’est pas mon avis. C’est faire injure à toute une région que de penser qu’un seul homme peut jouer les médiateurs, dénouer les conflits. Ce, d’autant plus que Blaise Compaoré n’a finalement réglé aucune des crises auxquelles il s’est attelé.
Blaise Compaoré n’est plus là. Qui pour le remplacer comme « sage » ou « parrain » en Afrique de l’Ouest ?
Au risque de vous surprendre, l’Afrique n’a pas besoin de parrain, ni d’hommes providentiels. Elle a besoin de dirigeants élus, de présidents pondérés qui rendent des comptes au peuple et qui restituent leur tablier une fois leur mandat achevé.
Quelle (s) est, selon vous, la leçon ou les leçons à tirer sur ce qui vient de se passer au Burkina pour les pays africains ?
Première leçon : il n’y a pas de meilleur système que la démocratie. Second enseignement : tous les peuples aspirent à la liberté, à la bonne gouvernance et au bien-être. Il n’y a donc pas d’exception africaine. Si la démocratie et la liberté sont bonnes à Paris, Londres, Washington, elles le sont certainement à Ouagadougou, Bangui, Brazzaville et Kinshasa.
Si la révolution pour le départ de Blaise Compaoré s’est bien passée, ce n’est pas le cas pour la transition. Cela ne risque-t-il de remettre en cause la lutte pour le départ de Blaise Compaoré ?
Il en va ainsi de toutes les révolutions. Elles connaissent des avancées, des retours en arrière. Le Burkina Faso fera-t-elle l’économie des soubresauts inhérents ? Tout dépendra de la détermination des militaires à composer avec la société civile et les leaders politiques. Quels que soient les incidents de parcours, cela n’enlèvera rien au fait que la jeunesse urbaine soit venue à bout d’un régime autoritaire quasi-trentenaire.

L’armée veut assurer la transition, une partie de la société civile et de l’opposition optent pour une transition civile. Quelle est, selon vous, la meilleure solution pour bien assurer l’après Blaise ?
Il n’y a pas de remède-miracle. Il appartient aux Burkinabè, à eux seuls, d’écrire une nouvelle page de leur histoire. La communauté étrangère ne peut que les accompagner, pour peu qu’on aille très vite à des élections crédibles et transparentes, qu’un président de la République civil soit élu et que le pays se remette au travail.
Un mot sur le nouvel homme fort, le lieutenant-colonel Isaac Zida. Peut-on lui faire confiance pour assurer une bonne transition ?
Il en va des affaires de l’Etat comme du reste : il faut éviter de s’en remettre au bon-vouloir d’un dirigeant-démiurge. La bonne conduite de la transition est de la responsabilité conjuguée des leaders politiques, de la société civile et des militaires patriotes. Ils réussiront à l’unisson ou sombreront ensemble.

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