Une crise très grave secoue l’enseignement supérieur sénégalais. Il n’est même pas question dans ce texte d’évoquer de la distorsion et de l’inadaptation des enseignements vis-à-vis de nos besoins économiques qui est un fait avéré et indiscutable mais de démontrer plutôt combien les professeurs ont contribué sous les yeux complices de l’Etat à développer cette entreprise de démolition de l’enseignement supérieur. Nos universités avancent à grand pas vers le champ de la pourriture et ces réformes bâclées qui ont complètement laissé en friche les véritables problèmes n’ont fait qu’empirer les choses. Ces réformes ont lâché la proie pour l’ombre.
Dans nos universités nous avons des spécialistes du faire semblant. En réalité, les professeurs enseignent mal, ils évaluent mal et ils corrigent mal. Et le pire, c’est qu’ils sont abonnés absents dans les amphithéâtres sans que personne ne pipe mot faute de corps de contrôle appropriés. On ne peut pas évaluer le tord que certains de ces professeurs infligent à la nation toute entière par leur manque de sérieux perceptible au premier coup d’œil. Qu’attendons-nous véritablement d’un pays où l’élite intellectuelle incarnée par les professeurs d’université fait mal son travail ? Quels types de citoyens imbus de valeurs morales et d’éthique travailliste sortiraient des classes de ces messieurs-faire-semblant pour investir la vie active ?
«Spécialistes du faire semblant»
A ce titre, Lawrence Lowell a raison de dire que : « les universités regorgent de connaissances : les nouveaux venus en apportent un peu, et les anciens n’en retirent aucune, si bien qu’elles s’accumulent ». Au fait comment peut-il en être autrement dans un espace où tout est abrégé : le temps, les quantums horaires, les cours, les années ? Je croyais qu’à ce niveau de sagesse personne ne ferait sciemment quelque chose qui irait à l’en contre de ce pourquoi on le paie. Malheureusement je me trompe lourdement. C’est honteux et en gagnant comme cela son salaire, faudrait-il le rappeler, on ne fait que faire bouffer du riba à sa famille.
Que reprocherions-nous aux politiciens qu’on ne reprocherait pas à ces messieurs-faire-semblant ? Ils sont tous des bouffeurs de l’argent du contribuable pour peu de boulot sauf que les premiers sont reconnus et acceptés par l’opinion comme tel et les seconds savent bien se faire respecter pour rien ou plutôt savent bien jouer le jeu. D’ailleurs pour s’imprégner de la gravité de la situation, il faut fréquenter les chambres des étudiants pour les entendre décrire les comportements de certains professeurs. C’est devenu pratiquement une mode, c’est connu de tous : les professeurs ne lisent plus les rapports et les mémoires des étudiants se contentant d’estimer des notes. Allez voir selon quels critères ! Ils sont devenus très paresseux.
La preuve, lors des soutenances, on n’entend que les mêmes reproches et remarques sur des généralités, jamais en profondeur parce qu’ils ne savent pas ce qui est dedans faute de n’avoir pas lu une seule phrase sous prétexte que les étudiants sont trop nombreux. C’est comme un juge qui veut juger une personne dont il ignore ce qu’elle a fait. Si les éboueurs devaient se comporter de la sorte parce qu’il y a trop de déchets après les fêtes, alors, certains quartiers seraient aujourd’hui engloutis par les déchets. Certains professeurs ne font aucun effort car lors des soutenances des rapports et des mémoires, on a l’impression d’écouter une bande sonore qui scande le même refrain pour des thèmes et des étudiants différents. Quelle facilité ! Bon Dieu, si je dois avoir du travail pour me comporter de la sorte, alors ne m’en donnez pas.
«Le mal déborde dans le privé»
Certains professeurs avec qui nous avions eu quelques entretiens avant d’écrire cette contribution reconnaissent sans ambages cet état de fait. La réforme doit toucher en premier les professeurs, «ces dominants du supérieur», en les formant davantage face à leur responsabilité pour le devenir de cette nation car même Karl Marx reconnait que l’éducateur doit, à son tour, être éduqué de même que le formateur devait être formé. Les professeurs s’éloignent de plus en plus de l’éthique qui fonde même l’enseignement supérieur public. Ils sont en train d’élargir ce même système pourri dans les écoles de formation privées qui sont de nos jours encore plus théoriques que l’Ucad car on y sort comme on y entre, les recruteurs le savent très bien.
Les professeurs doivent redoubler d’efforts car ils sont partout absents et quand ils sont là, c’est pour bricoler un cours. Ils sont tenus de perfectionner continuellement leur formation et d’améliorer régulièrement leur prestation pédagogique. Ils prennent beaucoup d’engagements pour n’en respecter aucun finalement. Alors, quels types d’étudiants le Sénégal veut-il avoir dans ces conditions d’études ? Arrêtez donc de nous traiter de nullards ! Que diriez-vous de ces messieurs-faire-semblant ? Ils rétorqueront, bien sur, faux. Mais nous savons depuis Socrate que nous sommes tous de nous-mêmes des témoins infidèles et des juges corrompus.
Cependant, pour ne pas tout peindre en noir, nous reconnaissons qu’il y a encore dans ce pays des professeurs de renom qui sont respectés et aimés par les étudiants, non parce qu’ils sont généreux par les notes ou souvent de bonne humeur, mais parce qu’ils ont une conscience professionnelle très développée et ils son de bons patriotes.
NB : Au cas où vous remarquerez quelques incohérences et fautes dans mon texte ne m’en voulez pas trop. Sachez tout simplement que je suis une des victimes de ce système pourri qui n’apprenne rien à personne.