Les passagers en partance pour le centre ou le sud du Sénégal vivent le martyre d’une traversée infernale au bac de Farafégny en Gambie. Entre intempéries, insalubrité et corruption, les usagers sont astreints à la résignation. Et pendant ce temps, les effets d’annonce pour l’érection d’un pont peinent à se traduire en acte concret. Tel un chemin de croix en cette période de rentrée scolaire post Tabaski, le séjour au ferry est quelquefois assimilé à une véritable épreuve d’Hercule pour d’honnêtes citoyens qui ne demandent qu’à traverser un cours d’eau à seulement un jet de pierre d’une rive à une autre.
En cette période de fin de vacances scolaires et de la fête de Tabaski, la mobilité inter urbaine des personnes a augmenté de plusieurs crans sur les différents axes routiers. Mais le comble a lieu quand arrive l’épreuve de la traversée au bac de Farafégny, en Gambie. Des passagers déclarent passer plusieurs tours d’horloge et même des jours à la merci de la chaleur, de l’insalubrité, de l’obscurité, des moustiques et autres rampants avant d’apercevoir le bout de métal du bac qui assure la liaison fluviale. Madame Ndèye Sané, à la cinquantaine révolue, décrit son passage mouvementé en ces termes « la traversée de Farafégny est un calvaire intenable pour nous surtout de la Casamance. Je suis ici depuis deux jours alors que le site n’a ni eau sûre, ni offres de restauration fiable et le tout dans un décor de canicule extraordinaire ».
En de pareilles situations, ajoute un homme de retour des fêtes de Tabaski, « les conducteurs du bac et autres agents des lieux sont corrompus jusqu’à la moelle pour laisser circuler ceux qui exhibent des billets de banque. Devant nous et sans gêne, on leur tend de l’argent à leur demande et ils laissent passer les véhicules de corrupteurs. Ce n’est pas juste et nous l’avons dénoncé malgré qu’ils ont menacé de nous mettre en prison à Mansakonko ». Et notre interlocuteur de poursuivre indiquant que « l’Etat du Sénégal doit travailler à assurer une mobilité fluide et par tous les moyens qui lui sont accessibles ».
KEUR AYIB - FATICK, L’AXE DU MAL ?
Et la coupe est pleine si l’on y ajoute l’état chaotique du tronçon Keur Ayib - Dinguiraye et plus loin encore jusqu’à Fatick, nous dit notre interlocutrice visiblement éreintée du voyage comme pour rejoindre le bout du monde : « tant que cette route n’est pas construite, les citoyens sénégalais vont souffrir du martyre. Et pendant ce temps, nous qui n’avons pas les moyens de payer des billets d’avion en pâtissons dangereusement », a souligné Fatou Sadio, une habitante de la région de Kolda. Elle ajoute que « la voie du contournement via Tambacounda rassure mieux car nous resterons dans notre propre pays et les transactions opérées sur le chemin vont grossir les assiettes fiscales de nos collectivités locales ». Sur place en Gambie, il est d’un haut risque de vouloir interroger un simple passager, à fortiori un agent du bac. Nos tentatives de recueillir l’avis d’un conducteur a failli nous valoir un séjour carcéral à Mansakonko, du nom de cette maison d’arrêt assez connue pour les atrocités qui s’y passent et de façon sommaire.
Pour rappel, la promesse de construire un pont sur ce fleuve de Farafégny a traversé l’exercice des quatre présidents à la tête du Sénégal même si toute la décision souveraine revient à la Gambie. Suffisant pour s’interroger sur le sort des multiples conventions paraphées au nom de la libre circulation des personnes et des biens au sein de l’espace de la communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO). Et à la lumière de ce schéma, le réalisme ne voudrait pas qu’on s’y attende de sitôt.