Le rapport d’audit sur les ressources propres de l’Ucad a montré que certains chefs d’établissement à l’Ucad sont des as dans les méthodes de détournement de l’argent issu des fonctions de services. D’autres nébuleuses sont aussi décelées.
A l’évocation du nom de l’Université Cheikh Anta Diop, les difficultés auxquelles elle fait face titillent l’esprit de plus d’un. Et à chaque instant, c’est l’Etat, les enseignants et les étudiants qui sont accusés. Il existe pourtant une quatrième composante presque toujours oubliée et qui tire les marrons du feu au milieu des troubles. Il s’agit des chefs d’établissement et de département.
Le ‘’Rapport définitif sur l’audit des ressources propres de l’Université Cheikh Anta Diop (UCAD)’’ réalisé par l’expert-comptable Amadou Arame Diagne révèle pas mal de curiosités. Selon le document, issu de l’audit commandité par la Direction générale de l’Enseignement supérieur, l’article 3 du décret portant régime financier des universités stipule : ‘’Toutes les ressources et toutes les charges des universités et des autres établissements publics de l’Enseignement supérieur doivent être présentées dans les budgets desdits établissements au moment de leur préparation et de leur vote’’.
Or, en s’intéressant aux inscriptions pédagogiques instituées depuis 2003, les enquêteurs renseignent : ‘’ Nos travaux d’audit ont démontré qu’au-delà de leur objectif premier de faire participer les étudiants à leur propre formation, les inscriptions pédagogiques ont favorisé la mise en place de stratégies de détournement des ressources de la fonction de services. Cette situation est constatée particulièrement à l’ESP, à la FMPO (Faculté de médecine, de pharmacie et d’odontostomatologie) à la FST (Faculté des Sciences et techniques), à la FSJP (Faculté des sciences juridiques et politiques)’’.
En fait, les inscriptions pédagogiques qui, à l’origine, devaient servir à réduire les difficultés que rencontrent les établissements, ont finalement été un bon prétexte pour les chefs des dits établissements ‘’d’extirper de la budgétisation une part importante des recettes de la fonction de service’’. Cela, en hébergeant d’autres ressources tirées de la fonction de service et des subventions et financements de projets à des comptes ouverts pour les inscriptions pédagogiques. Une façon de les détourner de la budgétisation, comme le veut les textes.
De ce fait, leur augmentation est exponentielle. ‘’Elles ont de ce fait augmenté de manière exponentielle en passant de 852 851 016 en 2011, à 1 932 422 280 en 2012 et à 2 144 494 783 en 2013. Plus spécifiquement : la FMPO, grâce à la formation postdoctorale, a mobilisé 1 007 970 000 en 2012 et 1 149 895 000 en 2013. L’ESP a encaissé 232 180 000 F CFA en 2011, 239 040 000 FCFA en 2012 et 269 980 000 FCFA en 2013 dont les frais pédagogiques n’avaient pas été déclarés lors de la première mission d’audit des ressources et des dépenses sur l’UCAD en 2012’’, détaille le rapport.
Des sommes hébergées dans des comptes non dédiés
Ces deux entités ne sont pas seules, puisque la FST, la FSJP et la FASEG aussi ont géré d’importantes ressources tirées des formations payantes et logées dans leurs comptes inscriptions pédagogiques. Il faut dire que les sommes en jeu sont assez conséquentes. ‘’Les ressources de la formation payante générées par les établissements sont évaluées à 3 638 564 850 FCFA à 2012 et à 3 729 603 564 FCFA en 2013’’, précise le document. Quant aux ressources propres cumulées réellement encaissées par les établissements de l’université, compte non tenu des projets, elles sont évaluées à 6 930 467 011 en 2012 et à 7 409 139 052 F CFA en 2013.
Grâce ou à cause de cet hébergement sur des comptes non dédiés, les opérations de dépense sur les ressources pédagogiques ne suivent pas les règles de la comptabilité publique mais plutôt des pratiques usitées au sein de l’institution. ‘’Chaque unité de formation et de recherche dispose de sa propre organisation comptable et financière et de procédures plus ou moins élaborées en fonction de l’unité. Certains établissements, notamment les plus importants selon le critère des ressources propres tels que l’ESP et la FMPO, utilisent des logiciels spécifiques et un personnel dédié à la gestion des ressources propres’’.
D’autres structures telles que la FST, l’ENSEPT gèrent leurs ressources sur des tableurs Excel avec des difficultés dans le classement et la conservation des pièces justificatives’’. Plus grave, les fonds reçus des ressources pédagogiques sont déposés dans des comptes bancaires soumis à la seule signature de l’ordonnateur, Doyen de la Faculté ou Directeur de l’établissement, qui de ce fait, cumule ses attributs et ceux du comptable.
La gestion nébuleuse ne s’arrête pas là. Les fonds compétitifs de recherches sont aussi concernés. En principe, l’Ucad a la responsabilité morale de tout projet de recherche. Il revient donc à la Direction de la coopération de gérer les encaissements et les dépenses qui y sont relatifs. ‘’Cependant, tous les projets ne sont pas coordonnés par la direction, beaucoup d’autres projets sont encore gérés directement par les enseignants ayant réussi à nouer des partenariats avec des institutions. D’autres établissements assurent aussi exclusivement la gestion de leurs projets’’, constatent les enquêteurs.