Dakar- L’épidémie d’Ebola perturbe la vie de millions d’enfants par ses conséquences meurtrières, sur eux-mêmes et sur leurs parents, mais aussi en les privant de la normalité apportée par l’école, explique Manuel Fontaine, directeur régional de l’Unicef.
QUESTION: Vous revenez d’une mission dans les trois pays africains touchés, Guinée, Sierra Leone et Liberia, quel est l’impact sur les enfants?
REPONSE: "On a moins d’enfants dont on sait qu’ils sont malades d’Ebola que
la proportion des enfants dans la population.
On a à peu près 15 % d’enfants de moins de 15 ans parmi les gens dont on sait qu’ils sont morts d’Ebola (les enfants de moins de 15 ans représentent approximativement 43% de la population de ces pays, ndlr).
On estime qu’au moins 3.700 enfants dans les trois pays sont orphelins d’au moins un des deux parents, ils sont probablement beaucoup plus nombreux.
La stigmatisation est tellement forte maintenant sur Ebola (...) qu’il y a un risque de rejet de ces enfants, au moins pendant une certaine période."
Q: Au-delà des enfants directement touchés, comment atténuer les conséquences à long terme, en particulier de la fermeture des écoles dans les trois pays ?
R: "Une des alternatives sur lesquelles on travaille, c’est l’école par la radio. Alors, évidemment, ça ne peut pas être la même scolarité, ça ne peut pas être exactement les mêmes matières, mais c’est vraiment plus ce qu’on appellerait en anglais les +life skills+, c’est-à-dire essayer de travailler avec les enfants, faire en sorte que les enfants gardent un contact avec l’extérieur, faire en sorte que les enfants continuent à recevoir de la formation.
Ca nous paraîtrait assez important qu’on puisse reprendre l’école le plus tôt possible, d’une part parce qu’il y a un problème de handicap à long terme des enfants qui n’ont pas reçu d’éducation, qu’il y a un risque que les enfants abandonnent l’école, la scolarité d’une manière générale.
Et puis, il y a aussi toute une valeur très importante de routine que l’école apporte, le fait de reprendre l’école d’un point de vue psychologique, c’est important aussi pour les enfants.
Et on pourrait utiliser l’école comme un moyen aussi de mobilisation sociale, c’est-à-dire utiliser les enfants comme une source de connaissance et d’information, et donc de faire en sorte que ces enfants puissent continuer à apporter de l’information dans leur famille et sensibiliser leur famille aux manières de se protéger."
Q: L’Unicef a été partenaire du confinement général de la population en Sierra Leone pendant trois jours, qui a été critiqué par des spécialistes de santé publique. Quel avantage trouviez-vous à cette opération ?
R: "Pour nous au départ, à l’Unicef, le plus important, c’était d’avoir une opportunité de mobilisation sociale très forte, c’est-à-dire avoir la possibilité pendant une certaine période d’aller de porte à porte, de maison en maison, et s’assurer que les messages de base en matière de prévention, de protection contre Ebola étaient mis en place au niveau de chaque maison.
Il ne s’agissait pas de bloquer les gens chez eux, il s’agissait vraiment pour nous de créer un espace dans lequel on était sûr de pouvoir atteindre chaque personne, chaque maison et chaque famille."