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Sud Quotidien N° 6425 du 1/10/2014

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Entretien avec Aminata Touré, ex Premier ministre: "Macky, Marème, ABC, le Yoonu Yokkuté et moi"
Publié le jeudi 2 octobre 2014   |  Sud Quotidien


Passation
© aDakar.com par DF
Passation de service entre Aminata Touré et le nouveau Premier ministre Mahammed Boun Abdellah Dionne
Dakar, le 08 Juillet 2014- Le nouveau Premier ministre Mahammed Dionne a officiellement pris service mardi, en début d`après-midi, lors d`une cérémonie durant laquelle son prédécesseur Aminata Touré lui a passé le témoin.


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C’est dans sa maison de fonction qu’elle a reçu les équipes de Sud Quotidien et de Sud Fm. Dans son grand boubou aux couleurs de son parti, l’ex Premier ministre a la pris la mesure de l’importance de l’image en politique. Il ne fallait surtout pas laisser apparaître sur le visage une quelconque marque de frustration suite à son limogeage. La «dame de fer», un sobriquet qui lui colle à la peau, ne doit laisser remonter à la surface de tels sentiments. Bien au contraire, le sourire, le visage radieux et les gestes d’ouverture doivent tous renvoyer à une seule réalité : celle d’une personne qui ne se plaint pas. Le choix de la couleur marron est-il fortuit ? Pour sûr, Mme Aminata Touré a besoin de détendre l’atmosphère et le recours au marron joue cette fonction d’apaisement du corps et de l’esprit. C’est dans cette ambiance empreinte de cordialité que s’est déroulé l’entretien. Aucun sens interdit nous a été imposés. L’ex Premier ministre s’est prêtée à toutes nos questions : son départ de la Primature, sa défaite aux dernières élections locales, ses rapports avec le couple présidentiel, son avenir politique dans ou hors de l’Apr, la traque des biens supposés mal acquis, ses relations avec les marabouts etc. Dans ce premier jet Mme Aminata Touré parle de son limogeage, de ses relations avec Alioune Badara Cissé dit Abc, du couple présidentiel. Elle se prononce aussi sur le programme Yonou Yokouté et le Pse, avant de dresser le bilan à mi-parcours de l’actuel régime.

Madame le Premier ministre vous n’avez pas fait état, depuis votre départ du gouvernement, des raisons pour lesquelles le chef de l’Etat a mis fin à vos fonctions. S’agit-il de sanction après votre défaite lors des dernières locales face au maire Khalifa Sall?

Le président de la République nomme aux fonctions civiles et militaires. La conséquence inverse, évidemment, est qu’il remercie également ceux qu’il avait nommés aux fonctions civiles et militaires. Donc, il n’y a pas d’explications à donner. Il est dans sa prérogative que lui attribue la Constitution. Plusieurs personnes l’ont dit avant moi. Je pense qu’il avait indiqué clairement, qu’au lendemain des élections locales, ceux qui perdaient devront quitter le gouvernement. C’est la mise en œuvre de cette promesse. En tout état de cause, j’étais fière d’avoir servi à ce niveau mon pays et je le remercie. Mais disons que c’est une page tournée. C’est dix mois de travail intense à la Primature. C’est également des moments intellectuels très intenses. C’est une expérience inoubliable et aussi intéressante.
Au Sénégal, les gens aiment employer certains mots, comme : clash. Ce qui alimente la presse et les manchettes des journaux. Les séparations ne sont jamais agréables. Quelles que soient les raisons. C’est clair. Que ce soit en amitié, en couple ou lorsqu’on doit quitter une fonction. Mais on tourne très rapidement la page et on fait autre chose. Je pense que mon passage à la Primature, d’une manière générale, a été une bonne expérience. Je me suis donnée à fond, avec engagement. Au moins, je n’ai pas été licenciée pour incompétence et manque d’engagement. C’est important.

Qu’est-ce qui vous a le plus fait mal dans cette séparation ?

Il y a des supputations, des fantasmes parce qu’on n’est pas au cœur des choses. Je retiens une mission qui m’a été assignée par le président de la République et qui y a mis un terme. J’ai retenu ses félicitations lors du Conseil des ministres qui a suivi mon départ, pour les actions que j’ai eues à mener. Ce n’est pas un licenciement pour incompétence. Maintenant, les raisons ne sont pas, à mon avis, importantes. Le plus important est de retenir ce qu’on a eu comme expérience et ce qu’on compte y faire après.

Vous êtes-vous senti trahie dans cet épisode ?

Pas du tout. J’ai dit que le président de la République m’a nommée parmi 12,5 millions de Sénégalais, selon sa propre appréciation. Je ne lui ai pas demandé de me nommer. J’ai travaillé pendant 10 mois. C’était intense et très dur avec beaucoup d’activités sur le terrain. Je pense avoir fait le travail qu’il m’avait confié. Pour des raisons qui lui sont propres, qu’on ne devrait même pas chercher à comprendre, il a mis un terme à mes fonctions. Faute politique ? Certainement ! Nous nous sommes battus à Grand Yoff. Les électeurs ont été souverains. On a perdu. Ce n’est pas la fin du monde. Je me dis juste qu’il ne faut jamais être obsessionnel par rapport aux positions institutionnelles. C’est ma compréhension de la vie. J’ai eu différentes expériences dans ma vie au niveau national et international. Donc, passer d’une fonction à une autre, ce n’est pas un problème.

On a fait état de vos retrouvailles avec le Président Macky Sall. Qu’en est-il exactement?

J’ai eu de ses nouvelles. Il a eu les miennes. Ne vous attendez pas à ce que je livre le contenu de notre conversation.

Peut-on imaginer Madame Aminata Touré dans l’opposition face à Macky ?

(Rires…) Ca, c’est ma meilleure question. Vous savez, j’étais Premier ministre il y a seulement deux mois, je fais partie de ce régime. J’ai travaillé aux côtés du président de la République, lorsqu’il était candidat. On a parlé de Yoonu Yokuté. Je souhaite que ce régime réussisse, je considère que j’en fais partie. Je fais partie de l’Apr, je ne peux pas m’opposer à un régime que j’ai quitté il y a deux mois. Les Sénégalais ne me prendraient même pas au sérieux. Vous savez, ce n’est pas parce qu’on quitte une fonction qu’on en veut à tout le monde, au régime. Ce n’est pas l’état d’esprit dans lequel je suis. Je pense qu’aujourd’hui, plus que jamais, il faudrait revisiter les engagements pris, voire faire l’état des lieux de ce qui a été accompli jusqu’à présent. Je vous ai parlé de cette communication qui gagnerait vraiment à s’améliorer pour que le Sénégalais comprenne qu’il y a des questions également économiques. De toutes les façons, on aura l’occasion de débattre les orientations pour qu’on puisse justement réussir le quinquennat. Et c’est également un défi générationnel. Je le perçois comme tel. Ce défi, même si je ne suis plus dans le gouvernement, m’interpelle également. Je suis dans le parti de ce régime, il n’y a pas d’équivoque.

Et quelle évaluation faites-vous de l’action de Macky Sall à mi-mandat ?

Vous savez, j’ai été Premier ministre il y a juste deux mois. Le bilan est positif. Nous sommes dans un monde en crise économique et ce n’est pas suffisamment expliqué. Regardez la situation économique de la France, pratiquement croissance nulle. Regardez les Etats-Unis ou les pays asiatiques émergents, même la croissance de la Chine s’est tassée. Nous qui sommes un pays aux ressources limitées, pouvoir expliquer ce que j’ai décrit tout à l’heure en termes d’acquis sociaux, d’amélioration du pouvoir d’achat, c’est une très bonne performance dans ce contexte. Evidemment, il y a des difficultés, des contraintes structurelles. Il y a la question énergétique qu’il nous faut régler. On a quasiment l’électricité la plus chère du continent.

Certains Sénégalais pensent le régime actuel n’a pas de réponses à leurs préoccupations. Qu’est-ce que vous leur répondez?

Je vous l’ai dit tout à l’heure, la situation économique est difficile internationalement et nationalement. Vous regardez le Pib par tête d’habitant, vous voyez ce qu’il en est. Il va falloir que l’on travaille sur cette question, mais il faut aussi expliquer là où on en était en Avril 2012, un déficit budgétaire insoutenable. C’est difficile, mais il faut le dire et le Président Wade lui-même avait dit que s’il n’était pas réélu on ne paierait pas les salaires. Il savait très bien ce qu’il disait. Il fallait redresser les comptes en coupant des privilèges et on a ramené le budget à un niveau soutenable. On a aussi discuté avec des partenaires économiques, le Sénégal a besoin de l’appui des partenaires financiers qui gèrent le tiers de notre économie. Ce sont des négociations et c’est difficile à expliquer. Il faut également monter des perspectives en termes d’essor. Je crois qu’il y a beaucoup de projets qui arrivent à maturation et on devrait bientôt avoir un regain économique. Il faut surtout offrir des alternatives, notamment à la jeunesse et encore la question de l’agriculture est au centre du débat. La question du soutien aux entreprises en difficulté est importante et la meilleure manière d’aider une entreprise, c’est de lui donner du travail. La demande publique, elle est d’environ 600 milliards, il devrait y avoir un dispositif qui intéresserait directement nos entreprises dans les différents secteurs. Une réunion s’était tenue avec l’organisation patronale en ce sens là. C’est comme ça qu’il faut voir les choses, la situation n’est facile ni au Sénégal, ni à Paris, … Mais il y a des perspectives qui s’ouvrent, qui vont voir le jour : le chemin de fer, les autoroutes vont générer des emplois. Des ruptures, elles se font progressivement. En deux ans et demi vous n’avez pas de scandales.

Vous dites qu’il n’y a pas de scandales. Pourtant certains membres du gouvernement sont en train de faire du gré à gré la règle de gestion des affaires de l’Etat ?

Alors, laissez-moi parler de cette question de gré à gré. Il est prévu par la loi, dans un contexte où il faut vite agir et en fonction du caractère stratégique du secteur. Il y a beaucoup d’informations qui ne sont pas ancrées dans le réel. Un exemple : vous avez besoin d’importer un vaccin Ebola, vous n’allez pas faire un appel d’offres s’il y a une situation urgente, la pharmacie nationale d’approvisionnement, dans l’immédiat, n’a pas besoin de faire un appel d’offres face à une rupture qui s’annonce. C’est prévu par la loi, il y a un mécanisme et l’Armp fonctionne et fait des rapports. Il y a donc un système. Même lorsqu’il s’agit de l’exécutif, c’est un mécanisme et c’est ça la démocratie. Tout est organisé avec des rapports à l’appui.

La question de la réduction du mandat du Président de sept à cinq ans est remise au goût du jour. Qu’est-ce que vous en pensez ?

Je pense qu’il a récemment réaffirmé le respect de sa promesse, et je crois que c’est une bonne chose, parce que les grandes démocraties ont des mandats de cinq ou de trois ans. Le Sénégal doit s’inscrire dans une normalité démocratique. Maintenant, il y a deux procédures ; le premier, évidemment, c’est le référendum. Ce serait vraiment respecter la Constitution. A mon avis, il faudrait y aller avec un paquet, pas seulement avec la réduction du mandat. Je crois que c’est l’occasion de parler de reformes institutionnelles. Et c’est dans cette dynamique qu’il faudrait s’engager. Toutes les propositions retenues devraient faire l’objet d’une consultation référendaire, parmi lesquelles la réduction du mandat, mais il y a d’autres aspects comme la limitation de l’âge. Mais il y a d’autres dispositions importantes, en ce moment là, on aurait une meilleure utilisation des ressources publiques. Ça sera un référendum beaucoup plus complet.

Vous êtes l’une des initiatrices de Yonou Yokouté. Quels sont les principaux axes et acquis de ce programme si cher au Président Macky Sall dont vous avez contribué à la mise en œuvre ?

Yonou Yokkuté était une ambition du candidat Macky Sall. C’est un document partagé avec beaucoup de Sénégalais pendant sa précampagne et la campagne. Beaucoup de choses ont été faites. Le problème est qu’on n’a pas beaucoup communiqué sur toutes ces actions. Je voudrais vous renvoyer à un document qu’on avait élaboré pour célébrer les deux ans de l’accession au pouvoir du président de la République, Macky Sall. Il s’intitulait « ça a été dit, ça a été fait », où on a repris systématiquement toutes les actions, en relation avec Yonnou Yokkuté. Elles sont nombreuses. Je voudrais reprendre une d’elles qu'on n'a malheureusement pas suffisamment expliqué aux Sénégalais. On l’a banalisé : Ce sont les fameuses bourses familiales. L’origine vient du Brésil : « borsa familia ». Sous l’ère Lula, ce programme a sorti 30 millions de Brésiliens de la pauvreté, de la misère et a élevé leur niveau de revenus. Cette expérience est en cours au Sénégal, elle est très silencieuse. On ne parle pas de cette expérience, mais elle a un impact très important. Il s’agit des 25000FCfa qu’on donne aux familles les plus pauvres avec comme conditionnalités que leurs enfants aillent à l’école. Nous avons touché 25 000 familles, ensuite nous envisageons de faire la même chose pour 50 000 familles, enfin pour arriver à 250 000 familles. La majorité des familles de ce pays vit avec 150 000 Cfa par an. Quand il y a une bonne récolte, le paysan moyen sénégalais gagne 150 000 FCfa jusqu’à l’hivernage prochain. Avec la bourse familiale, vous donnez à ce paysan 100 000FCfa de plus sur son revenu. C’est un impact important. Nous qui sommes en ville dans les bâtisses, on s’en rend pas compte. Les retraites sont valorisées. Le pouvoir d’achat des travailleurs a été relevé avec la baisse des impôts. L’Etat s’est délesté d’une quarantaine de milliards. Il y a eu des efforts énormes sur les denrées de première nécessité. Il y a quelques améliorations avec l’électricité, en dépit de petits soucis. C’était des efforts volontaristes pour alléger le pouvoir d’achat. La communication sur ces actions n’a pas été un succès. A mon avis, il y a eu des querelles politiciennes qui ont brouillé tous ces acquis. Il y a eu également des engagements sur la lutte contre les inondations dont 103 milliards ont été injectés avec des travaux gigantesques. Il y a aussi le soutien du prix de l’arachide. Le maintien des bourses des étudiants. Il y a eu beaucoup d’acquis. Je pense qu’il n’y a pas eu beaucoup de Communication sur la situation de départ. Le Président Macky Sall est arrivé en trouvant un pays en quasi faillite avec 7,3% de déficit. Il fallait l’expliquer et le dire. L’héritage est encore là et lourd. C’est quasiment 50 milliards de dettes qu’il faut chaque mois ponctionner sur le Trésor public. Il y a eu beaucoup de choses qui ont été faites en relation avec le Yonou Yokkuté. Il faut reconnaitre qu’il y a beaucoup de difficultés et il faut communiquer là-dessus.

Pourtant le gouvernement regorge de professionnels de la communication. Où se situe alors le problème ?

Je reconnais que la communication n’a pas fonctionné, parce que voilà, un certain nombre d’acquis auraient pu être portés à la connaissance des populations bénéficiaires. Maintenant, c’est vrai il y a les délestages, c’est difficile car la question énergétique dans ce pays se pose depuis une quinzaine d’années. On n’a pas renouvelé les infrastructures qui sont très vieilles, et qui pompent beaucoup de carburant. On n’a pas eu une politique futuriste pour envisager le mix énergétique qui est en train de se bâtir. Tout ça se paie.
Mais il faut expliquer aux Sénégalais qui sont des gens raisonnables, contrairement à ce que pensent certains. Il faut juste leur expliquer les efforts qui ont été fournis. Etre présent et montrer qu’un pays ça se construit par étape et qu'on ne peut pas tout avoir tout suite.
Pour la communication, il faudra, peut-être trouver des parades et avoir des communicateurs traditionnels qui expliquent dans les langues nationales. Le Sénégal n’est pas à l’abri de la récession mondiale. Aux Etats-Unis et en France, nos parents immigrés n’arrivent plus à envoyer ce qu’ils envoyaient avant.
Le Sénégal est, certes petit, mais important et on est fière d’être des Sénégalais. Mais, il faut que les gens soient plus didactiques, plus pédagogiques pour expliquer aux populations ce qui est en train de se faire.

Après le Yonou Yokkuté, le Pse est la nouvelle trouvaille de Macky Sall. Peut-on concilier les deux ?

Ça également, il fallait l’expliquer dès le départ. Le Pse s’inscrit dans une dynamique de longue durée, alors que le plan Younou Yokkute était calé sur le mandat du président de la République. Mais lorsque vous voulez développer un pays, vous ne pouvez pas juste regarder les 5, 6,7, voire les 10 prochaines années. Il y a des investissements qui sont de très longue durée, 10, 15 et 20 ans. Le Pse est dans cette dynamique. Mais Yonou Yokkute s’intéresse à des questions beaucoup plus immédiates. Il s’agit de régler la question de l’accès à la santé et à l’eau, en définissant le budget.
Il y a aussi des projets beaucoup plus grandioses sur l’industrialisation, sur la modernisation de l’agriculture avec des investissements massifs, la question des grandes infrastructures routières comme le chemin de fer… Donc le Pse s’inscrit dans une situation à moyen et long terme. Le Yonou Yokkute était donc beaucoup plus immédiat et répondait à des besoins à court terme. Les deux doivent s’emboiter et avancer de manière complémentaire.

N’y a-t-il pas, entre vous et le chef de l’Etat, à un moment donné, un manque de communication pour harmoniser et mieux expliquer aux Sénégalais de quoi il s’agit ?

Lorsque vous suivez bien, il y a une campagne de communication qui est en cours pour expliquer ces grands projets. Car le Pse, est une somme de grands projets qui s’intègrent les uns les autres. Il y a l’énergie, car sans énergie on ne peut pas développer un pays. Il y a aussi des projets concernant les infrastructures ferroviaires et routières, car si vous ne circulez pas, vous n’avez pas une économie qui marche. Sans oublier l’enseignement supérieur et l’amélioration du plateau d’offre médical à Dakar.
A côté de cela, il y a aussi la vie quotidienne des Sénégalais, notamment l’accès à l’eau, la possibilité d’aller vendre ses produits au marché, en passant par une piste qui relie le village à la route nationale ; d’avoir des postes de santé, des centres de santé, d’être soutenus à travers le Fongip... C’est donc l’immédiateté des besoins et aussi être un peu futuriste en termes d’infrastructures. Si vous regardez un peu tous les pays qui émergent, la question des grandes infrastructures est là. Certes le Sénégal n’a pas de pétrole. Mais si Dubaï est devenue ce qu’elle est aujourd’hui, c’est grâce à des projets visionnaires. Et c’est un peu dans ça que s’inscrit le PSE. Yonou Yokkute était un peu plus dans l’immédiateté et dans le court terme. Il faut faire les deux, ne pas seulement regarder le futur et ne pas s’intéresser uniquement au présent. Donc, c’est cette articulation qui se faisait avant. Et au niveau de la présidence de la République, il y avait le bureau opérationnel qui regardait le Pse et le gouvernement gérait cette quotidienneté qui s’exprime dans le budget. Parce que le budget est voté d’une année à une autre à l’Assemblée nationale en fonction de ce que vous allez faire. A mon avis, les deux s’intègrent. Il faut quand même trouver des explications. On n’est pas suffisamment pédagogique et didactique.

Dans les actes posés par Macky Sall, avez-vous senti une volonté de mettre un terme au Yonou Yokkuté ?

Il faut quand même comprendre que beaucoup de projets de Yonou Yokkute se retrouvent dans le Pse. Il y a un déficit d’explications et de pédagogie. Il faut beaucoup plus d’expertise dans ce domaine. Il faut avoir l’avis de cabinets de consultation pour expliquer en langue nationale. J’avais à l’époque un groupe de travail qui s’intéressait au suivi de tout ce qui est pistes et routes, qui se réunissait chaque semaine. Il y avait également un autre groupe technique qui s’intéressait à tout ce qui est forage. C’est tout ce que l’on retrouve dans le Yoonu Yokkute. Il faut comprendre que le Pse, c’est des projets qui demandent une certaine maturation. D’abord, il faut avoir un document de projet et faire les études nécessaires sans compter les appels d’offres, alors que pour le Yoonu Yokkute, il fallait tout de suite acquérir et commencer à dérouler. C’est cet emboîtement peut-être qui n’a pas suffisamment été expliqué. Mais il n’est pas trop tard. Il y a beaucoup de communicateurs dans le régime. Il faut innover en matière de communication et d’ailleurs j’invite tous les groupes de médias à faire moins de débats politiques et plus de débats autour de ces questions pour éclairer les Sénégalais qui sont assis tous les soirs devant leur poste téléviseur.

Avez-vous les nouvelles d’Alioune Badara Cissé dit ABC ?

Abc, je ne l’ai pas vu depuis quelque temps.

Les médias ont fait état d’un dossier qui vous a récemment opposé à Abc. Et vous avez utilisé la presse pour une mise au point.
Ah, mais c’est la vie publique. C’était juste une mise au point. Comme j’ai dit, la page est tournée. Je ne reste pas longtemps dans les évènements. Une fois que j’en ai terminé, je tourne la page et je m’en vais faire autre chose.

Et les nouvelles de la Première dame, Marème Faye ?

Je ne l’ai pas revue depuis longtemps, depuis que j’ai quitté le gouvernement.

Beaucoup de choses ont été dites au sujet de vos rapports avec la Première dame. Il semble que la pomme de discorde est le marché de la réfection du Building administratif que vous avez refusé d’attribuer à un de ses frères. Qu’en est-il exactement ?

Ça, on est en plein dans les supputations. Et je peux vous dire que ce n’est pas vrai et nous n’avons même pas eu ce type de discussion, croyez moi.

Quelle lecture faites-vous de la traque des biens supposés mal acquis, surtout avec le procès de Karim Wade qui est en cours ?

La traque des biens supposés mal acquis, il s’agissait tout simplement d’accomplir un engagement que le Président avait pris. Regardez Yonou Yokkute, la question de la reddition des comptes, de la lutte contre l’impunité figure au cœur de ce programme. Et quand le chef de l’Etat Macky Sall est arrivé au pouvoir, il l’a mise en œuvre. Je pense que c’est une bonne chose. J’estime que - et je le dis souvent - nous avons des ressources extrêmement limitées. Nous sommes un pays qui n’a ni pétrole ni gaz. Le peu de ressources que nous avons, nous devons les utiliser honnêtement. Et je salue d’ailleurs tout ce qui a été fait, pas seulement la traque ou l’impunité. Mais la lutte contre la délinquance à col blanc et également tous les mécanismes de prévention qui ont été pris en charge. On n’en parle pas beaucoup, il y a la déclaration de patrimoine. C’est important, et c’est une première pour un pays comme le Sénégal. Et je pense qu’il faut persévérer dans cette voie. Je salue d’ailleurs le décret d’application qui a été signé, il n’y a pas trop longtemps. Tout le monde devrait faire sa déclaration de patrimoine. Parce que si vous avez envie de faire de l’argent, il faut quitter le gouvernement, ne pas être fonctionnaire, c’est-à dire faire comme tout le monde, ou prendre des risques. Il n’est pas interdit d’avoir de l’argent, il faut que je me fasse bien comprendre. Il faut même l’encourager, mais il faut le faire comme les entrepreneurs qui ne sont pas dans l’Etat ; qui ne choisissent pas, disons, des privilèges indus. Et chacun, lorsqu’on vous confie une tâche, à la fin de la mission, vous faites les comptes, ça se passe comme ça dans tous les pays du monde. On a dramatisé cela ici, alors qu’il n’y a aucune raison. Je crois que c’est une bonne chose que l’on doit poursuivre.

Et le procès de Karim Wade. Quel commentaire ?

Pour le procès, je n’ai pas de commentaires particuliers à faire. Il n’y a rien à dire, c’est entre les mains du juge et attendons de voir son issue.

Vous avez piloté ce dossier en tant que ministre de la Justice, garde des Sceaux. Ce procès qui se déroule présentement est-il pour vous une victoire ?

Oui, quand j’étais garde des Sceaux, j’ai géré ce dossier. Il est arrivé à terme. Il est maintenant entre les mains de la justice, et je fais confiance aux juges qui sont compétents. Les droits de la défense sont respectés, je le pense, attendons le verdict.

Il a été beaucoup question de l’illégalité de la Crei à poursuivre d’anciens ministres. Qu’est-ce que vous en pensez ?

Je ne le crois pas. Mais évidemment la recevabilité, c’est lorsque vous avez été en fonction. Si vous vous occupiez d’autres affaires, on ne vous demande rien. Ce sont tous ceux qui ont géré beaucoup d’argent. Le problème est qu’il s’agit de ministres qui sont connus, qui géraient un portefeuille, etc.

Il y a quand même certaines personnalités qui ont eu à gérer beaucoup de sous, qui ont même été épinglées par des audits et qui ne sont pas convoquées par la Crei. Comment voyez-vous ce deux poids, deux mesures.
Personnellement, vous me demandez ma position. L’appartenance à un parti, les affinités ne devraient pas être un obstacle. Je crois que tout le monde doit être égal devant la loi. Et de ce point de vue là, je pense qu’on ne devrait pas avoir de sélectivité, laissons le temps... Parce que la justice également, c’est 500 magistrats, vous ne pouvez pas avoir tous les dossiers en même temps. Mais je suis d’avis que tout le monde devrait répondre de ses actes.

Est-ce que vous regrettez le fait que des personnalités soient épargnées ?

Tout le monde devrait répondre de ses actions, c’est ma conviction. On devait y arriver. Vous savez, la justice également peut s’autosaisir, rien ne l’y empêche de faire ce qu’elle a à faire. Les magistrats d’aujourd’hui assument pleinement leurs responsabilités, de ce point de vue là, je leur fais confiance.

Et le débat sur des personnalités qui auraient transigé pour échapper à la prison. Est-ce une bonne chose ?

Il est inscrit dans le code pénal. Vous savez, on a eu un grand débat là-dessus. Une fois que vous êtes reconnu coupable, le code vous donne cette possibilité. Parce que justement le but du jeu c’est également de pouvoir récupérer de l’argent. Donc, tous ceux qui sont poursuivis ont la possibilité une fois qu’ils reconnaissent leur fait de s’asseoir avec l’agent judiciaire de l’Etat. Des gens ont payé, ils sont partis. C’est quelque chose qui est organisée par la loi.

Pour un régime qui prône la gouvernance vertueuse, les Sénégalais ont besoin de savoir qui a transigé.

Cela avait fait les choux gras, rien n’a été caché pour ce que j’en sais.

Au nom de l’exigence de transparence, il fallait dire aux Sénégalais qui sont ces personnalités qui ont transigé.
On ne va pas revenir sur les faits, tout était sur la place publique. Une transition pénale doit être quasiment publique, c’est de l’argent public. Lorsqu’il s’agit de la caisse de l’Etat, on doit savoir qui y met l’argent ou pas. Et on n’a pas à y revenir. Toutes les informations ont été données. Un chèque de 23 ou 24 Milliards environ a été donné au Trésor public. Vous avez un industriel qui a remis un chèque. Tout ce que j’en sais, c’est que c’était une trentaine de milliards. C’est inscrit dans la loi, ce n’est pas illégal. Il faut qu’on le comprenne bien, mais c’est une fois que la personne a été reconnue coupable.

Y’a-t-il parmi ces personnalités des hommes politiques ?

Ça, je ne sais pas pendant que j’étais garde des Sceaux et Premier ministre.

Irez-vous jusqu’au bout si vous étiez encore garde des Sceaux ou Premier ministre?

Je ne suis plus garde des Sceaux ni Premier ministre, je vous l’ai dit tout de suite. Je pense que toutes ces procédures devraient arriver à leur terme, et il ne faut pas en faire un drame. Ce n’est pas la mer à boire, il faut que ça se fasse de manière normale sans que les gens y trouvent une motivation politicienne, absolument pas. Au contraire. Mais quand vous gérez, on vous demande des comptes, vous dites que c’est politique. Dans tous les pays normaux, je pense que ce qu’on devrait faire, c’est avoir des cabinets d’experts comptables pour avoir des audits annuels. Ça se fait, j’ai travaillé aux Nations Unies pendant près de 20 ans, et je ne serais pas choquée qu’on m’envoie quelqu’un pour savoir ce que j’ai fait quand j’étais ministre de la Justice ou Première ministre. Je ne verrai pas de persécution politique.

La question de la durée du mandat du président de l’Assemblée nationale est remise sur le tapis. Qu’est-ce que vous en pensez ?

Je suis d’accord, c’est la réforme. Et c’est pour ça que je disais que le référendum ne doit pas seulement porter sur la durée du mandat présidentiel, c’est une question importante. Je pense que c’est aussi stabiliser le mandat du président de l’Assemblée nationale, revenir aux cinq ans. Mettons-le dans le paquet des réformes et tout cela passerait à mon avis par un processus de consultation référendaire.

Que pensez-vous de la crise de l’enseignement supérieur ?

La crise de l’enseignement supérieur est quasiment structurelle. Tout simplement, on a un flux d’étudiants. Une question que nul ne veut aborder, c’est celle de la croissance démographique de la population estudiantine. Vous avez 300000 enfants tous les ans à l’école primaire, on a du mal à suivre les constructions de classes. Mais, il faut trouver des alternatives, l’ouverture d’universités nouvelles et d'universités virtuelles sont une solution. Il faut qu’on soit inventif. Il y a la question du chômage, on est une société jeune et donc la demande en termes d’emplois est importante. Le secteur qui peut absorber le plus c’est celui de l’agriculture, mais ça a été pendant longtemps négligé. Il y’a une offre d’aménagement des vallées du Nord et de l’Anambée, ça prend du temps. C’est des processus qui prennent du temps pour arriver à maturation et pendant ce temps, les gens sont impatients. Il faut qu’on explique là où on en est, car en termes de maturation beaucoup de projets sont à voir.

« Accélérer la cadence », est l’expression à laquelle on vous identifie. Votre remplaçant, M. Dionne a aussi créé son slogan : «Au travail». Quelle réalité renferment ces petites phrases ?

Justement, il faut aller au travail en accélérant la cadence. Ce sont juste des slogans qui permettent d’être pédagogique, didactique pour que les gens sachent que quand on va au bureau, c’est 8 heures et non 4 heures et demie. Quand on vous donne un dossier, il faut le traiter dans les délais. Comme disent les Américains, le temps c’est de l’argent. Voilà, c’est un peu à ça que sert la formule à l’emporte-pièce, pour que ça frappe les consciences.
A suivre...

Madame le Premier ministre vous n’avez pas fait état, depuis votre départ du gouvernement, des raisons pour lesquelles le chef de l’Etat a mis fin à vos fonctions. S’agit-il de sanction après votre défaite lors des dernières locales face au maire Khalifa Sall?

Le président de la République nomme aux fonctions civiles et militaires. La conséquence inverse, évidemment, est qu’il remercie également ceux qu’il avait nommés aux fonctions civiles et militaires. Donc, il n’y a pas d’explications à donner. Il est dans sa prérogative que lui attribue la Constitution. Plusieurs personnes l’ont dit avant moi. Je pense qu’il avait indiqué clairement, qu’au lendemain des élections locales, ceux qui perdaient devront quitter le gouvernement. C’est la mise en œuvre de cette promesse. En tout état de cause, j’étais fière d’avoir servi à ce niveau mon pays et je le remercie. Mais disons que c’est une page tournée. C’est dix mois de travail intense à la Primature. C’est également des moments intellectuels très intenses. C’est une expérience inoubliable et aussi intéressante.
Au Sénégal, les gens aiment employer certains mots, comme : clash. Ce qui alimente la presse et les manchettes des journaux. Les séparations ne sont jamais agréables. Quelles que soient les raisons. C’est clair. Que ce soit en amitié, en couple ou lorsqu’on doit quitter une fonction. Mais on tourne très rapidement la page et on fait autre chose. Je pense que mon passage à la Primature, d’une manière générale, a été une bonne expérience. Je me suis donnée à fond, avec engagement. Au moins, je n’ai pas été licenciée pour incompétence et manque d’engagement. C’est important.

Qu’est-ce qui vous a le plus fait mal dans cette séparation ?

Il y a des supputations, des fantasmes parce qu’on n’est pas au cœur des choses. Je retiens une mission qui m’a été assignée par le président de la République et qui y a mis un terme. J’ai retenu ses félicitations lors du Conseil des ministres qui a suivi mon départ, pour les actions que j’ai eues à mener. Ce n’est pas un licenciement pour incompétence. Maintenant, les raisons ne sont pas, à mon avis, importantes. Le plus important est de retenir ce qu’on a eu comme expérience et ce qu’on compte y faire après.

Vous êtes-vous senti trahie dans cet épisode ?

Pas du tout. J’ai dit que le président de la République m’a nommée parmi 12,5 millions de Sénégalais, selon sa propre appréciation. Je ne lui ai pas demandé de me nommer. J’ai travaillé pendant 10 mois. C’était intense et très dur avec beaucoup d’activités sur le terrain. Je pense avoir fait le travail qu’il m’avait confié. Pour des raisons qui lui sont propres, qu’on ne devrait même pas chercher à comprendre, il a mis un terme à mes fonctions. Faute politique ? Certainement ! Nous nous sommes battus à Grand Yoff. Les électeurs ont été souverains. On a perdu. Ce n’est pas la fin du monde. Je me dis juste qu’il ne faut jamais être obsessionnel par rapport aux positions institutionnelles. C’est ma compréhension de la vie. J’ai eu différentes expériences dans ma vie au niveau national et international. Donc, passer d’une fonction à une autre, ce n’est pas un problème.

On a fait état de vos retrouvailles avec le Président Macky Sall. Qu’en est-il exactement?

J’ai eu de ses nouvelles. Il a eu les miennes. Ne vous attendez pas à ce que je livre le contenu de notre conversation.

Peut-on imaginer Madame Aminata Touré dans l’opposition face à Macky ?

(Rires…) Ca, c’est ma meilleure question. Vous savez, j’étais Premier ministre il y a seulement deux mois, je fais partie de ce régime. J’ai travaillé aux côtés du président de la République, lorsqu’il était candidat. On a parlé de Yoonu Yokuté. Je souhaite que ce régime réussisse, je considère que j’en fais partie. Je fais partie de l’Apr, je ne peux pas m’opposer à un régime que j’ai quitté il y a deux mois. Les Sénégalais ne me prendraient même pas au sérieux. Vous savez, ce n’est pas parce qu’on quitte une fonction qu’on en veut à tout le monde, au régime. Ce n’est pas l’état d’esprit dans lequel je suis. Je pense qu’aujourd’hui, plus que jamais, il faudrait revisiter les engagements pris, voire faire l’état des lieux de ce qui a été accompli jusqu’à présent. Je vous ai parlé de cette communication qui gagnerait vraiment à s’améliorer pour que le Sénégalais comprenne qu’il y a des questions également économiques. De toutes les façons, on aura l’occasion de débattre les orientations pour qu’on puisse justement réussir le quinquennat. Et c’est également un défi générationnel. Je le perçois comme tel. Ce défi, même si je ne suis plus dans le gouvernement, m’interpelle également. Je suis dans le parti de ce régime, il n’y a pas d’équivoque.

Et quelle évaluation faites-vous de l’action de Macky Sall à mi-mandat ?

Vous savez, j’ai été Premier ministre il y a juste deux mois. Le bilan est positif. Nous sommes dans un monde en crise économique et ce n’est pas suffisamment expliqué. Regardez la situation économique de la France, pratiquement croissance nulle. Regardez les Etats-Unis ou les pays asiatiques émergents, même la croissance de la Chine s’est tassée. Nous qui sommes un pays aux ressources limitées, pouvoir expliquer ce que j’ai décrit tout à l’heure en termes d’acquis sociaux, d’amélioration du pouvoir d’achat, c’est une très bonne performance dans ce contexte. Evidemment, il y a des difficultés, des contraintes structurelles. Il y a la question énergétique qu’il nous faut régler. On a quasiment l’électricité la plus chère du continent.

Certains Sénégalais pensent le régime actuel n’a pas de réponses à leurs préoccupations. Qu’est-ce que vous leur répondez?

Je vous l’ai dit tout à l’heure, la situation économique est difficile internationalement et nationalement. Vous regardez le Pib par tête d’habitant, vous voyez ce qu’il en est. Il va falloir que l’on travaille sur cette question, mais il faut aussi expliquer là où on en était en Avril 2012, un déficit budgétaire insoutenable. C’est difficile, mais il faut le dire et le Président Wade lui-même avait dit que s’il n’était pas réélu on ne paierait pas les salaires. Il savait très bien ce qu’il disait. Il fallait redresser les comptes en coupant des privilèges et on a ramené le budget à un niveau soutenable. On a aussi discuté avec des partenaires économiques, le Sénégal a besoin de l’appui des partenaires financiers qui gèrent le tiers de notre économie. Ce sont des négociations et c’est difficile à expliquer. Il faut également monter des perspectives en termes d’essor. Je crois qu’il y a beaucoup de projets qui arrivent à maturation et on devrait bientôt avoir un regain économique. Il faut surtout offrir des alternatives, notamment à la jeunesse et encore la question de l’agriculture est au centre du débat. La question du soutien aux entreprises en difficulté est importante et la meilleure manière d’aider une entreprise, c’est de lui donner du travail. La demande publique, elle est d’environ 600 milliards, il devrait y avoir un dispositif qui intéresserait directement nos entreprises dans les différents secteurs. Une réunion s’était tenue avec l’organisation patronale en ce sens là. C’est comme ça qu’il faut voir les choses, la situation n’est facile ni au Sénégal, ni à Paris, … Mais il y a des perspectives qui s’ouvrent, qui vont voir le jour : le chemin de fer, les autoroutes vont générer des emplois. Des ruptures, elles se font progressivement. En deux ans et demi vous n’avez pas de scandales.

Vous dites qu’il n’y a pas de scandales. Pourtant certains membres du gouvernement sont en train de faire du gré à gré la règle de gestion des affaires de l’Etat ?

Alors, laissez-moi parler de cette question de gré à gré. Il est prévu par la loi, dans un contexte où il faut vite agir et en fonction du caractère stratégique du secteur. Il y a beaucoup d’informations qui ne sont pas ancrées dans le réel. Un exemple : vous avez besoin d’importer un vaccin Ebola, vous n’allez pas faire un appel d’offres s’il y a une situation urgente, la pharmacie nationale d’approvisionnement, dans l’immédiat, n’a pas besoin de faire un appel d’offres face à une rupture qui s’annonce. C’est prévu par la loi, il y a un mécanisme et l’Armp fonctionne et fait des rapports. Il y a donc un système. Même lorsqu’il s’agit de l’exécutif, c’est un mécanisme et c’est ça la démocratie. Tout est organisé avec des rapports à l’appui.

La question de la réduction du mandat du Président de sept à cinq ans est remise au goût du jour. Qu’est-ce que vous en pensez ?

Je pense qu’il a récemment réaffirmé le respect de sa promesse, et je crois que c’est une bonne chose, parce que les grandes démocraties ont des mandats de cinq ou de trois ans. Le Sénégal doit s’inscrire dans une normalité démocratique. Maintenant, il y a deux procédures ; le premier, évidemment, c’est le référendum. Ce serait vraiment respecter la Constitution. A mon avis, il faudrait y aller avec un paquet, pas seulement avec la réduction du mandat. Je crois que c’est l’occasion de parler de reformes institutionnelles. Et c’est dans cette dynamique qu’il faudrait s’engager. Toutes les propositions retenues devraient faire l’objet d’une consultation référendaire, parmi lesquelles la réduction du mandat, mais il y a d’autres aspects comme la limitation de l’âge. Mais il y a d’autres dispositions importantes, en ce moment là, on aurait une meilleure utilisation des ressources publiques. Ça sera un référendum beaucoup plus complet.

Vous êtes l’une des initiatrices de Yonou Yokouté. Quels sont les principaux axes et acquis de ce programme si cher au Président Macky Sall dont vous avez contribué à la mise en œuvre ?

Yonou Yokkuté était une ambition du candidat Macky Sall. C’est un document partagé avec beaucoup de Sénégalais pendant sa précampagne et la campagne. Beaucoup de choses ont été faites. Le problème est qu’on n’a pas beaucoup communiqué sur toutes ces actions. Je voudrais vous renvoyer à un document qu’on avait élaboré pour célébrer les deux ans de l’accession au pouvoir du président de la République, Macky Sall. Il s’intitulait « ça a été dit, ça a été fait », où on a repris systématiquement toutes les actions, en relation avec Yonnou Yokkuté. Elles sont nombreuses. Je voudrais reprendre une d’elles qu'on n'a malheureusement pas suffisamment expliqué aux Sénégalais. On l’a banalisé : Ce sont les fameuses bourses familiales. L’origine vient du Brésil : « borsa familia ». Sous l’ère Lula, ce programme a sorti 30 millions de Brésiliens de la pauvreté, de la misère et a élevé leur niveau de revenus. Cette expérience est en cours au Sénégal, elle est très silencieuse. On ne parle pas de cette expérience, mais elle a un impact très important. Il s’agit des 25000FCfa qu’on donne aux familles les plus pauvres avec comme conditionnalités que leurs enfants aillent à l’école. Nous avons touché 25 000 familles, ensuite nous envisageons de faire la même chose pour 50 000 familles, enfin pour arriver à 250 000 familles. La majorité des familles de ce pays vit avec 150 000 Cfa par an. Quand il y a une bonne récolte, le paysan moyen sénégalais gagne 150 000 FCfa jusqu’à l’hivernage prochain. Avec la bourse familiale, vous donnez à ce paysan 100 000FCfa de plus sur son revenu. C’est un impact important. Nous qui sommes en ville dans les bâtisses, on s’en rend pas compte. Les retraites sont valorisées. Le pouvoir d’achat des travailleurs a été relevé avec la baisse des impôts. L’Etat s’est délesté d’une quarantaine de milliards. Il y a eu des efforts énormes sur les denrées de première nécessité. Il y a quelques améliorations avec l’électricité, en dépit de petits soucis. C’était des efforts volontaristes pour alléger le pouvoir d’achat. La communication sur ces actions n’a pas été un succès. A mon avis, il y a eu des querelles politiciennes qui ont brouillé tous ces acquis. Il y a eu également des engagements sur la lutte contre les inondations dont 103 milliards ont été injectés avec des travaux gigantesques. Il y a aussi le soutien du prix de l’arachide. Le maintien des bourses des étudiants. Il y a eu beaucoup d’acquis. Je pense qu’il n’y a pas eu beaucoup de Communication sur la situation de départ. Le Président Macky Sall est arrivé en trouvant un pays en quasi faillite avec 7,3% de déficit. Il fallait l’expliquer et le dire. L’héritage est encore là et lourd. C’est quasiment 50 milliards de dettes qu’il faut chaque mois ponctionner sur le Trésor public. Il y a eu beaucoup de choses qui ont été faites en relation avec le Yonou Yokkuté. Il faut reconnaitre qu’il y a beaucoup de difficultés et il faut communiquer là-dessus.

Pourtant le gouvernement regorge de professionnels de la communication. Où se situe alors le problème ?

Je reconnais que la communication n’a pas fonctionné, parce que voilà, un certain nombre d’acquis auraient pu être portés à la connaissance des populations bénéficiaires. Maintenant, c’est vrai il y a les délestages, c’est difficile car la question énergétique dans ce pays se pose depuis une quinzaine d’années. On n’a pas renouvelé les infrastructures qui sont très vieilles, et qui pompent beaucoup de carburant. On n’a pas eu une politique futuriste pour envisager le mix énergétique qui est en train de se bâtir. Tout ça se paie.
Mais il faut expliquer aux Sénégalais qui sont des gens raisonnables, contrairement à ce que pensent certains. Il faut juste leur expliquer les efforts qui ont été fournis. Etre présent et montrer qu’un pays ça se construit par étape et qu'on ne peut pas tout avoir tout suite.
Pour la communication, il faudra, peut-être trouver des parades et avoir des communicateurs traditionnels qui expliquent dans les langues nationales. Le Sénégal n’est pas à l’abri de la récession mondiale. Aux Etats-Unis et en France, nos parents immigrés n’arrivent plus à envoyer ce qu’ils envoyaient avant.
Le Sénégal est, certes petit, mais important et on est fière d’être des Sénégalais. Mais, il faut que les gens soient plus didactiques, plus pédagogiques pour expliquer aux populations ce qui est en train de se faire.

Après le Yonou Yokkuté, le Pse est la nouvelle trouvaille de Macky Sall. Peut-on concilier les deux ?

Ça également, il fallait l’expliquer dès le départ. Le Pse s’inscrit dans une dynamique de longue durée, alors que le plan Younou Yokkute était calé sur le mandat du président de la République. Mais lorsque vous voulez développer un pays, vous ne pouvez pas juste regarder les 5, 6,7, voire les 10 prochaines années. Il y a des investissements qui sont de très longue durée, 10, 15 et 20 ans. Le Pse est dans cette dynamique. Mais Yonou Yokkute s’intéresse à des questions beaucoup plus immédiates. Il s’agit de régler la question de l’accès à la santé et à l’eau, en définissant le budget.
Il y a aussi des projets beaucoup plus grandioses sur l’industrialisation, sur la modernisation de l’agriculture avec des investissements massifs, la question des grandes infrastructures routières comme le chemin de fer… Donc le Pse s’inscrit dans une situation à moyen et long terme. Le Yonou Yokkute était donc beaucoup plus immédiat et répondait à des besoins à court terme. Les deux doivent s’emboiter et avancer de manière complémentaire.

N’y a-t-il pas, entre vous et le chef de l’Etat, à un moment donné, un manque de communication pour harmoniser et mieux expliquer aux Sénégalais de quoi il s’agit ?

Lorsque vous suivez bien, il y a une campagne de communication qui est en cours pour expliquer ces grands projets. Car le Pse, est une somme de grands projets qui s’intègrent les uns les autres. Il y a l’énergie, car sans énergie on ne peut pas développer un pays. Il y a aussi des projets concernant les infrastructures ferroviaires et routières, car si vous ne circulez pas, vous n’avez pas une économie qui marche. Sans oublier l’enseignement supérieur et l’amélioration du plateau d’offre médical à Dakar.
A côté de cela, il y a aussi la vie quotidienne des Sénégalais, notamment l’accès à l’eau, la possibilité d’aller vendre ses produits au marché, en passant par une piste qui relie le village à la route nationale ; d’avoir des postes de santé, des centres de santé, d’être soutenus à travers le Fongip... C’est donc l’immédiateté des besoins et aussi être un peu futuriste en termes d’infrastructures. Si vous regardez un peu tous les pays qui émergent, la question des grandes infrastructures est là. Certes le Sénégal n’a pas de pétrole. Mais si Dubaï est devenue ce qu’elle est aujourd’hui, c’est grâce à des projets visionnaires. Et c’est un peu dans ça que s’inscrit le PSE. Yonou Yokkute était un peu plus dans l’immédiateté et dans le court terme. Il faut faire les deux, ne pas seulement regarder le futur et ne pas s’intéresser uniquement au présent. Donc, c’est cette articulation qui se faisait avant. Et au niveau de la présidence de la République, il y avait le bureau opérationnel qui regardait le Pse et le gouvernement gérait cette quotidienneté qui s’exprime dans le budget. Parce que le budget est voté d’une année à une autre à l’Assemblée nationale en fonction de ce que vous allez faire. A mon avis, les deux s’intègrent. Il faut quand même trouver des explications. On n’est pas suffisamment pédagogique et didactique.

Dans les actes posés par Macky Sall, avez-vous senti une volonté de mettre un terme au Yonou Yokkuté ?

Il faut quand même comprendre que beaucoup de projets de Yonou Yokkute se retrouvent dans le Pse. Il y a un déficit d’explications et de pédagogie. Il faut beaucoup plus d’expertise dans ce domaine. Il faut avoir l’avis de cabinets de consultation pour expliquer en langue nationale. J’avais à l’époque un groupe de travail qui s’intéressait au suivi de tout ce qui est pistes et routes, qui se réunissait chaque semaine. Il y avait également un autre groupe technique qui s’intéressait à tout ce qui est forage. C’est tout ce que l’on retrouve dans le Yoonu Yokkute. Il faut comprendre que le Pse, c’est des projets qui demandent une certaine maturation. D’abord, il faut avoir un document de projet et faire les études nécessaires sans compter les appels d’offres, alors que pour le Yoonu Yokkute, il fallait tout de suite acquérir et commencer à dérouler. C’est cet emboîtement peut-être qui n’a pas suffisamment été expliqué. Mais il n’est pas trop tard. Il y a beaucoup de communicateurs dans le régime. Il faut innover en matière de communication et d’ailleurs j’invite tous les groupes de médias à faire moins de débats politiques et plus de débats autour de ces questions pour éclairer les Sénégalais qui sont assis tous les soirs devant leur poste téléviseur.

Avez-vous les nouvelles d’Alioune Badara Cissé dit ABC ?

Abc, je ne l’ai pas vu depuis quelque temps.

Les médias ont fait état d’un dossier qui vous a récemment opposé à Abc. Et vous avez utilisé la presse pour une mise au point.

Ah, mais c’est la vie publique. C’était juste une mise au point. Comme j’ai dit, la page est tournée. Je ne reste pas longtemps dans les évènements. Une fois que j’en ai terminé, je tourne la page et je m’en vais faire autre chose.

Et les nouvelles de la Première dame, Marème Faye ?

Je ne l’ai pas revue depuis longtemps, depuis que j’ai quitté le gouvernement.

Beaucoup de choses ont été dites au sujet de vos rapports avec la Première dame. Il semble que la pomme de discorde est le marché de la réfection du Building administratif que vous avez refusé d’attribuer à un de ses frères. Qu’en est-il exactement ?

Ça, on est en plein dans les supputations. Et je peux vous dire que ce n’est pas vrai et nous n’avons même pas eu ce type de discussion, croyez moi.

Quelle lecture faites-vous de la traque des biens supposés mal acquis, surtout avec le procès de Karim Wade qui est en cours ?

La traque des biens supposés mal acquis, il s’agissait tout simplement d’accomplir un engagement que le Président avait pris. Regardez Yonou Yokkute, la question de la reddition des comptes, de la lutte contre l’impunité figure au cœur de ce programme. Et quand le chef de l’Etat Macky Sall est arrivé au pouvoir, il l’a mise en œuvre. Je pense que c’est une bonne chose. J’estime que - et je le dis souvent - nous avons des ressources extrêmement limitées. Nous sommes un pays qui n’a ni pétrole ni gaz. Le peu de ressources que nous avons, nous devons les utiliser honnêtement. Et je salue d’ailleurs tout ce qui a été fait, pas seulement la traque ou l’impunité. Mais la lutte contre la délinquance à col blanc et également tous les mécanismes de prévention qui ont été pris en charge. On n’en parle pas beaucoup, il y a la déclaration de patrimoine. C’est important, et c’est une première pour un pays comme le Sénégal. Et je pense qu’il faut persévérer dans cette voie. Je salue d’ailleurs le décret d’application qui a été signé, il n’y a pas trop longtemps. Tout le monde devrait faire sa déclaration de patrimoine. Parce que si vous avez envie de faire de l’argent, il faut quitter le gouvernement, ne pas être fonctionnaire, c’est-à dire faire comme tout le monde, ou prendre des risques. Il n’est pas interdit d’avoir de l’argent, il faut que je me fasse bien comprendre. Il faut même l’encourager, mais il faut le faire comme les entrepreneurs qui ne sont pas dans l’Etat ; qui ne choisissent pas, disons, des privilèges indus. Et chacun, lorsqu’on vous confie une tâche, à la fin de la mission, vous faites les comptes, ça se passe comme ça dans tous les pays du monde. On a dramatisé cela ici, alors qu’il n’y a aucune raison. Je crois que c’est une bonne chose que l’on doit poursuivre.

Et le procès de Karim Wade. Quel commentaire ?

Pour le procès, je n’ai pas de commentaires particuliers à faire. Il n’y a rien à dire, c’est entre les mains du juge et attendons de voir son issue.

Vous avez piloté ce dossier en tant que ministre de la Justice, garde des Sceaux. Ce procès qui se déroule présentement est-il pour vous une victoire ?

Oui, quand j’étais garde des Sceaux, j’ai géré ce dossier. Il est arrivé à terme.<

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