L’armature du rapport 2014 du Conseil économique, social et environnemental est surtout fertile en recommandations. Celles-ci tiennent à la participation des entreprises sénégalaises au Plan Sénégal émergent (Pse), au système de protection sociale dans les stratégies de lutte contre la pauvreté au Sénégal et l’économie numérique comme facteur de croissance. Toujours au chapitre des avis, il y a l’ébauche de dispositifs pour la prévention et la gestion des crises dans l’espace scolaire et universitaire en vue d’une paix sociale durable.
Il y a une volonté de lâcher un apport, jouer une partition dans l’édification de l’œuvre nationale, à travers une contribution solide, assise sur des rapports d’experts. Le rapport du Cese de l’année 2014 est commis dans un contexte «social et environnemental est un peu particulier». Le Pse, nouveau cadre de planification national qui conditionne le devenir du pays, a poussé le Cese à orienter ses réflexions vers «les vastes chantiers contenus dans ce cadre nouveau et qui appellent des réponses innovantes». Dès lors, le choix des thèmes de la session s’est résolument inscrit en droite ligne de ces défis que le gouvernement, sous l’impulsion du Président Macky Sall, ambitionne de relever. Plus exactement, cette vision, qui propose de mettre en œuvre une stratégie dont la dynamique consiste à mettre en place d’ici à 2035, un ensemble de projets structurants à fort contenu de valeur ajoutée et d’emplois, tourne autour de trois axes stratégiques. Ainsi souligné, l’apport du Cese a consisté dans des réunions en session ordinaire du 28 février au 25 avril 2014 à examiner à la pelle les thèmes sur le financement de l’entreprise sénégalaise et la participation des nationaux au Pse, l’économie numérique comme facteur de croissance au Sénégal, le système de protection sociale et la lutte contre la pauvreté. Et enfin, les dispositifs pour une prévention et une gestion des crises dans l’espace scolaire et universitaire en vue d’une paix sociale durable.
Financement de l’entreprise sénégalaise, participation au Pse
Dans le cadre du financement de l’entreprise sénégalaise et la participation des nationaux au Pse, le Cese a formulé les recommandations suivantes. Il suggère au niveau de la Banque nationale de développement économique (Bnde), du Fongip et du Fonds souverain d’investissements stratégiques (Fonsis) d’un guichet des Pme. Spécialement pour le Fonsis, il propose le renforcement de ses moyens d’intervention en lui permettant de fructifier les actifs de l’Etat qui seront mis à sa disposition et la sécurisation de la participation nationale par la création et le développement d’entreprises fortes capables de s’ériger en véritables championnes nationales. Il y a aussi l’incitation du secteur bancaire à apporter des concours financiers aux Pme, le placement des ressources de l’Etat dans des Institutions financières qui accepteraient d’accompagner les Pme et la création d’institutions de financement spécialisées, voire sectorielles, sur le modèle du Crédit agricole, qui auront vocation à financer le développement. Le Cese croit nécessaire l’amélioration du niveau de capitalisation des Pme et le renforcement du secteur financier par la mise en place de mécanismes de financement adaptés. Mais également le renforcement du cadre législatif et réglementaire en révisant la loi d’orientation n°2008-29 du 28 juillet 2008, relative à la promotion et au développement des petites et moyennes entreprises tout en prenant, avec diligence, ses décrets d’application ainsi que ceux de la nouvelle loi sur les contrats de partenariat public privé.
Pour le Cese, il faut nécessairement une répartition équilibrée des différents projets du Pse sur l’ensemble du territoire national tout en veillant à son appropriation par les citoyens sénégalais, mais également une rationalisation du dispositif global d’appui aux Pme et l’opérationnalité des comités techniques régionaux de suivi des Pme dans lesquels seront représentées toutes les structures d’appui. Afin de booster les ressources humaines, le Cese suggère la réforme et la modernisation de l’Administration publique pour l’accroissement des capacités techniques de ses services en veillant, en particulier, à la qualité des ressources humaines chargées de la mise en œuvre du Pse. L’affirmation de la préférence nationale est nette dans ce rapport : «La sauvegarde de l’intérêt national lors de la négociation et de la signature des conventions de partenariat, le respect des équilibres entre investisseurs étrangers et ceux nationaux et la négociation avec les entreprises étrangères d’un transfert de technologies et de savoir-faire, tout en évitant de les laisser bénéficier seules des fruits de la croissance et des revenus générés.» Enfin, le Cese propose une amélioration de l’environnement des affaires pour le rendre favorable à l’émergence d’un secteur privé fort.
Systèmes de protection sociale dans les stratégies de lutte contre la pauvreté
Au chapitre des systèmes de protection sociale dans les stratégies de lutte contre la pauvreté au Sénégal, le Cese a, dans son avis du N°2014-02 du 23 avril 2014, recommandé le renforcement institutionnel des régimes de sécurité sociale existants et des politiques en vigueur relatives à l’accès aux services de santé et à la sécurité au travail ainsi que l’accélération de la mise en œuvre de nouvelles initiatives en matière de Couverture maladie universelle (Cmu), la création de nouveaux régimes contributifs volontaires par capitalisation ainsi que la prise en charge des travailleurs de l’agriculture, de l’artisanat, de la culture et des arts dans le régime des petits contribuables avec une perspective d’octroi d’un revenu minimum garanti et d’une pension de retraite minimale, mais aussi un déplafonnement du niveau de cotisation dans les Institutions de prévoyance retraite. Pour le Cese, la stratégie de lutte contre la pauvreté passe aussi par la ratification et l’application de la convention 183 de l’Oit sur la protection de la maternité ainsi que la signature des décrets d’application de la loi d’orientation sociale relatifs à la convocation du Conseil présidentiel sur le handicap et au fonds d’appui aux personnes vivant avec un handicap, à l’institutionnalisation de la Haute autorité pour la promotion de personnes vivant avec un handicap, à la carte d’égalité des chances dans un contexte harmonisé de délivrance. Dans cet ordre d’idées, le Cese met l’accent sur la couverture sociale des travailleurs migrants dans les législations sociales par l’amélioration des offres de services en matière d’assistance sociale et judiciaire, l’atténuation du principe de territorialité afin de permettre une couverture sociale aux migrants et l’exploration de toutes les formes de couverture tenant compte du statut du migrant dans les pays d’emploi ainsi que la négociation de conventions avec les pays accueillant les travailleurs migrants sénégalais pour le reversement des cotisations de retraite. Pour les conseillers, il faut également l’élaboration d’une politique nationale, inclusive et concertée, de couverture maladie universelle, mais aussi l’augmentation des ressources affectées aux bourses familiales en vue d’une revalorisation des montants et la mise en place d’un système national de filets sociaux interactif et flexible, sous-tendue par une revue périodique de la Snp. Cela permettra de disposer aussi d’un cadre de coordination et d’harmonisation des interventions avec un système de ciblage harmonisé sur la base d’un seul Registre des bénéficiaires fortifié par un mécanisme de coordination locale. Le rapport mentionne également la nécessité d’un appui à l’aménagement de produits d’assurance volontaire dans le système formel de sécurité sociale et le renforcement du portefeuille conventionnel par la signature de conventions d’accords bilatéraux de sécurité sociale.
L’économie numérique en tant que facteur de croissance au Sénégal
Le Cese affiche ses certitudes. Pour lui, l’économie numérique peut bien se poser en tant qu’axe développeur de l’économie. Il recommande la mise en place d’un Haut conseil de l’économie numérique qui sera un cadre consultatif indépendant qui réagit sur demande ou de manière proactive, pour que l’Exécutif n’aille pas dans de mauvaises directions. Il sera composé de membres reconnus comme experts en la matière, issus du public et du privé et sera sollicité sur toutes les questions relatives à l’économie numérique. Cela passe aussi par la promotion, avec l’avènement de la Télévision numérique terrestre (Tnt), d’une démarche inclusive dans la définition des modalités de fonctionnement de la plateforme technique mutualisée qui sera gérée pour le compte de l’Etat et pour créer les conditions d’une législation pour qu’aucun acteur du secteur de l’audiovisuel ne soit favorisé au détriment d’un autre. Il s’agit aussi de la promotion de la production audiovisuelle par la formation des acteurs et l’accès au financement des entreprises du sous-secteur de l’audiovisuel et légiférer sur un taux minimal de production de qualité et de diffusion. Les conseilleurs entendent obtenir la promotion des investissements nécessaires pour un maillage du territoire national en fibre optique ainsi que la promotion de la formation à l’usage des Tic des acteurs de l’agriculture, de la pêche et de l’élevage et l’encouragement de l’utilisation du numérique dans la commercialisation des produits agricoles et halieutiques et dans la lutte contre le vol de bétail. Le Cese propose la création et le développement d’incubateurs dans les villes universitaires en partenariat avec les collectivités locales pour amoindrir les charges de fonctionnement et encourager la recherche et le développement grâce au partenariat public-privé.
Prévention des crises dans l’espace scolaire et universitaire
La résurgence des crises scolaires et universitaires a nourri la proposition du Cese à travers «la promotion d’une nouvelle prise de conscience permettant, d’une part, à chaque acteur d’identifier sa part de responsabilité dans ce qui arrive à l’école sénégalaise et, d’autre part, pour tous les acteurs, de comprendre qu’à l’heure du numérique et de la mondialisation, les élèves et les étudiants ne peuvent plus être gouvernés comme avant et de convenir de la nécessité de construire une nouvelle gouvernance du système impliquant élèves et étudiants, en tant qu’acteurs centraux dans la gestion des établissements scolaires et universitaires». Pour la quatrième institution de l’Etat, il faut la construction, autour de la centralité de l’élève et de l’étudiant, d’un consensus pour un respect du quantum horaire par tous les acteurs du système éducatif, à travers un pacte de pacification durable de l’espace scolaire et universitaire. Le Cese pense aussi à la refondation du système éducatif sur la base des principes et valeurs en vue de la restauration de sa crédibilité, le respect et le suivi diligent des engagements de l’Etat en matière de réhabilitation, de construction et d’équipement, la dotation conséquente des établissements scolaires et universitaires en ressources matérielles et financières, la réalisation d’un état des lieux de tous les accords signés entre l’Etat et les différentes organisations syndicales et la réalisation d’une étude sur le système de rémunération et de motivation des agents de la fonction publique, selon les normes républicaines. Pour le Cese, il faut aussi la moralisation de l’espace scolaire et universitaire en veillant à éradiquer toute dérive liée à la propagande politique et religieuse, le règlement définitif du problème de retard des salaires des personnels, des enseignants et des bourses des étudiants par leur paiement à date échue, la valorisation du statut du médiateur de l’Université, et surtout l’élaboration d’un règlement intérieur qui détermine le comportement de chacun au sein des universités.