Le juge Demba Kandji, premier président de la Cour d’appel de Dakar, a suggéré mardi la délocalisation de certains procès de la Cour pénale internationale (CPI) dans des capitales africaines, afin que son action soit mieux comprise sur le continent et dans les pays où se fait ressentir ‘’un besoin’’ de réconciliation avec la justice.
La CPI, objet de récriminations sur le continent africain, pourrait par exemple délocaliser certains de ses procès dans des capitales africaines, ‘’où il y a un besoin de se réconcilier véritablement avec la justice’’, a-t-il indiqué.
M. Kandji s'exprimait lors d’une journée de réflexion et d’échange de la Fondation Friedrich Naumann (FNF), sur ‘’L’Afrique et la Justice pénale internationale’’.
Le magistrat traitait du thème: ‘’Problématique de la justice pénale internationale’’, au cours de cette rencontre organisée en partenariat avec le Club de recherches et d’études sur les droits de l’Homme (CREDHO).
‘’La CPI demande une certaine compréhension’, en raison de sa jeunesse, de ses compétences et de son fonctionnement, étant entendu qu’elle ne dispose pas par exemple d’officiers de police judiciaire, a indiqué Demba Kandji.
‘’Je crois que nous avons raison de nous interroger tous sur la justice pénale internationale’’, en ce qu’elle touche à la nationalité et à la souveraineté, deux domaines dans lesquels ‘’l’Etat seul détient le pouvoir d’édicter des sanctions et de les administrer aux individus’’, a-t-il affirmé.
La justice pénale internationale, telle qu’appréhendée actuellement, remonte à 1993, avec la création des tribunaux ad hoc du Rwanda et de l’ex-Yougoslavie par le Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies (ONU).
‘’Ce sont des juridictions créées par le Système des Nations unies pour poursuivre dans un temps délimité, sur un territoire déterminé des auteurs précis de crimes de masse. Ce sont des juridictions dont la vie dans le temps était très limitée et dont les cibles étaient précises'', a souligné le juge Kandji. Selon lui, c’était déjà une évolution encourageante.
Il a rappelé que même si la CPI procède de la volonté des Etats, le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) et le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) ont beaucoup plus de pouvoir parce qu’ils imposent une obligation de coopération aux Etats’’.
''Ils disposent également de moyens plus accrus, parce que ne comptant pas sur la bonne volonté des Etats'', a déclaré Demba Kandji.
A contrario, a précisé le premier président de la Cour suprême, ''la CPI est une juridiction qui n’a pas de territoire propre ni de soldats de justice et n’est censé se saisir d’un cas que si l’Etat partie concerné n’arrive pas à s’en saisir''.
Selon lui, cela rend compte de l’une de ses faiblesses, d’autant que les Etats parties d’Afrique sont ceux qui ''se plaignent le plus’’ de la CPI.
Mais ces récriminations ‘’sont adressées à tort à la CPI quand on sait que les systèmes pénaux nationaux disposant de juges assez bien formés dans cette matière du droit pénal international, capables de prendre en charge’’ une affaire de crime de masse et de le conduire en terme de procès juste et équitable’’, a-t-il martelé.
En outre, il a soutenu que ‘’ce n’est pas une honte pour un Etat de déférer’’ un cas particulier à la CPI, même si cela peut n être ‘’assez choquant’’. Cette perspective se justifier par les interrogations légitimes quand aux capacités des Etats concernés de conduire de tels procès, a-t-il fait valoir.
''Le continent doit rehausser le niveau de formation de son personnel de justice, magistrats, d’officiers de police, de médecins légistes –pour l’exhumation de fosses communes, les reconnaissances d’identité'', a estimé le magistrat sénégalais.
''L’Afrique se bat aujourd’hui pour que la justice pénale internationale lui jette un autre regard’’ que celui actuel, mais cette bataille ne doit pas être sans fondement, si l’on sait que parfois, les attentes ‘’peuvent paraitre vaines’’ sur le continent dans ce domaine, a-t-il fait observer.