Les fidèles musulmans, qui s’apprêtent à célébrer l’Aïd-El-Kébir ou Tabaski, ne se bousculent pas encore devant les étables des vendeurs de moutons établis le long des deux voies de Liberté 6, et dans les quartiers de Sacré-Cœur et Grand-Dakar, des points de vente où semble souffler le vent de la conjoncture.
La Tabaski, la plus grande fête musulmane, sera célébrée au Sénégal le dimanche 5 octobre, selon la Commission nationale d’observation du croissant lunaire (CNOCL).
A une dizaine de jours de cette fête, le constat est le même partout chez les vendeurs de moutons : l’ambiance à l’approche de la Tabaski 2014 contraste nettement avec celle que l’on observait jusque-là depuis quelques années.
Et c’est le manque d’argent qui est avancé comme la principale cause de cette ambiance pour le moins morne. Mais les prix fixés par les vendeurs sont aussi pointés du doigt.
Là-dessus, ce vendeur de «ladoum», une race de moutons très prisée par les éleveurs, brandit un argument presque imparable.
A propos des prix jugés hors de portée des bourses des familles sénégalaises moyennes, l’homme qui a requis l’anonymat, soutient qu’un "bon bélier ne peut pas s’acquérir à un prix dérisoire". Sur ces entrefaites, il coupe court à la conversation, en prétextant qu’il devait s’occuper de ses moutons.
"Il faut revenir vers midi. A ce moment-là, vous allez trouver le patron qui pourra répondre à vos questions, sinon actuellement nous sommes trop occupés", glisse-t-il froidement.
Sous le couvert de l’anonymat, l’un de ses collègues affirme que les Dakarois préfèrent attendre les derniers jours pour acheter les moutons. Cette démarche, il l’explique par le manque d’espace dans les habitations.
''Les moutons +Ladoum+ que nous avons, coûtent entre 400 mille FCFA, 500 mille FCFA et 800 mille FCFA", explique-t-il.
Chez Abdou Bousso, un vendeur trouvé en train de nourrir ses 46 moutons qu’il a fait venir du croisement Ngoudiane, l’ambiance est plus décontractée.
Abdou, 24 ans, fut d’abord un marchand ambulant. A l’époque où il exerçait cette activité, il arpentait les rues en proposant des noix de cajou et de l’arachide. L’appétit venant en mangeant, il a fini par devenir vendeur de moutons pour se faire plus d’argent, avec les ‘’opérations Tabaski’’.
"J’ai décidé de venir tenter ma chance pour me faire plus d’argent et repartir au village pour célébrer la fête avec ma famille. Nous avons, avec le responsable des lieux, convenu d’un salaire qu’il va me payer. Mais je me fais également de l’argent sur le prix des moutons que je réussis à vendre", confie-t-il.
Abdou explique qu’en treize jours, il est parvenu à vendre 19 des 46 moutons qui lui ont été confiés. "Tous les moutons qui ont une corde bleue autour du cou sont déjà achetés. Les propriétaires nous les laissent faute d’espace au niveau de leurs appartements", explique-t-il.
Bien que commençant à être couronnée de succès, l’opération s’avère tout de même très coûteuse pour le jeune vendeur. "Chaque jour, on dépense 10.000 FCFA pour acheter le foin et de l’eau", a-t-il dit, espérant cependant faire une bonne affaire avec la vente des moutons.
Non loin de là s’est établi Samuel Bâ. Allongé sur un lit artisanal, ce vendeur a vu un peu plus grand cette année.
"C’est la première fois que je fais une opération Tabaski de cette envergure", déclare-t-il, confiant avoir acheté ‘’51 moutons au marché hebdomadaire de Mbirkilane et à Missirah".
"J’ai dépensé pas moins de 100 000 FCFA pour l’acheminement du bétail. Chaque jour depuis près d’un mois, j’achète un sac de +ripasse+ [aliment de bétail] à 8500 FCFA et deux sacs de foins à 4000 FCFA chacun et deux barils d’eau", révèle-t-il.
Il invite les populations à venir acheter très tôt leurs moutons. "Le prix des moutons ne sera pas revu à la baisse, parce que même à Mbirkilane où j’ai acheté ces moutons le prix est élevé", fait-il observer.
Selon lui, "il n’y a presque pas de moutons dans certains sites, comme les alentours du stade Léopold Sédar Senghor".
"Qu’elle (population) sorte acheter à temps, car la demande est supérieur à l’offre", conseille-t-il, en disant que les moutons qu’ils proposent coûtent entre 150 000 FCFA et 190 000 FCFA.
Des prix bien au-delà de ceux qu’affichent Masse Ndiaye, qui sont compri entre 50 000 FCFA et 90 000 FCFA.
Trouvé assis sur des sacs d’aliments de bétail, cet habitant de Touba n’a pas hésité à aller jusqu’en Mauritanie pour chercher des moutons. Mais, au vu de la faible affluence des acheteurs, l’homme fait grise mine.
"J’ai amené près de 400 têtes pour les besoins de la fête de Tabaski, mais les clients se font rares", déplore-t-il.
"Cela fait dix jours que je suis là, mais les potentiels acheteurs viennent tout simplement demander le prix et promettent de revenir dans les prochains jours. Ils expliquent leur attitude par la conjoncture difficile et aussi par le manque d’espace dans les maisons", glisse-t-il.