La fermeture de la frontière sud notamment avec la Guinée-Conakry, pour cause de maladie hémorragique à virus Ebola, tant vantée par le ministre de l’Intérieur, n’est visiblement pas opposable à tout le monde. Et pour cause. Un ressortissant guinéen, du nom de Saloum Gnabaly à l’état-civil, est parti rendre visite à sa maman malade le 1er de ce mois. Il a pu traverser sans coup férir dans les deux sens ladite frontière et rallier le village de Mélakh, situé à 55 km du chef-lieu du département de Linguère, le 18 septembre 2014. Ce qui atteste de la porosité de nos frontières.
À en croire le chef de village, Baba Sokhna Thiane, ‘’ lorsque le ressortissant guinéen avait pris la décision de se rendre dans son pays, les populations l’avaient invité à surseoir à son voyage, mais le bonhomme avait refusé de se plier aux injonctions de ces dernières invoquant que sa mère était grièvement malade’’.
Psychose chez les populations, l’information a failli interrompre la prière de ce vendredi
Après la prière du vendredi, les fidèles ont tardé à regagner leurs domiciles. Personne ne voulait serrer la main à son prochain. Une séance de récitation du Coran a été organisée dare-dare sur les lieux.
Face à la presse, B. S. Thiane, par ailleurs président du Collectif des chefs de village du département, a sonné l’alerte : ‘’ Je réitère mon appel aux autorités. La maladie qui s’appelle Ebola risque de nous toucher. En effet, Saloum Gnabaly qui se faisait appeler Dabo (…) et qui s’active depuis 4 ans à l’abattage des arbres a informé son ‘ndiatigué’ (logeur) de son intention de se rendre en Guinée pour aller au chevet de sa maman alitée. Dès que nous fûmes informés, nous l’avons dissuadé, en vain. Mais à notre grande surprise, il a pu trouver les voies et moyens de contourner la surveillance des frontières.’’
Comment a-t-il pu réussir pareil exploit ? Dans quelle région de Guinée a-t-il séjourné pendant 17 jours ? Mystère et boule de gomme. Gnabaly alias Dabo, en isolement forcé et faisant face à la vindicte populaire, ne veut pas se prononcer. Cloîtré, il ne veut même pas mettre un pied dehors.
Les Mélakh Mélakh exigent son départ
Une grande peur s’est installée dans le village. Bon nombre de fidèles pensaient ne pas effectuer la prière du vendredi. ‘’ Avant son départ, le chef de village l’avait informé de la propagation de la maladie dans son pays, il n’a rien voulu entendre. Et ce qui est grave, dès son arrivée dans le village, il a voulu se faire appeler Dabo alors qu’il se nomme en réalité Saloum Gnabaly’’, se désole Dama Seck, habitant de Mélakh.
Le Guinéen, que nous avons aperçu, reclus dans sa chambre où il vit avec sa femme et son enfant, a foulé le sol du village dans la journée du 18 septembre 2014. Aujourd’hui, ‘’il n’a même pas déjeuné avec nous à cause du tollé suscité par le cas dans ce paisible village de Mélakh ‘’, rapporte son logeur. De son côté, le chef de village de renseigner : ‘’ Le cas a été transmis au sous-préfet de Sagatta djolof qui a saisi qui de droit’’.
La tension est très vive à Mélakh, si l’on sait que les populations, parcourues de frissons et craignant le pire pour leurs familles, exigent le départ du Guinéen de leur village. D’ailleurs, elles lui ont lancé un ultimatum et n’écartent pas l’idée de ‘’le museler et le bouter hors du village, si les autorités tardent à réagir’’.
Joint au téléphone, le préfet de Linguère Guedj Diouf regrette avec beaucoup d’amertume l’attitude des populations. Arguant la libre circulation des personnes et des biens dans l’espace CEDEAO, il appelle les Mélakh Mélakh au calme et à la sérénité.
Reste maintenant à savoir de quoi souffrait la mère de Saloum Gnabaly ? Le Guinéen n’a-t-il pas attrapé le virus ? Autant de questions qui taraudent les esprits à Mélakh.