Le défunt khalife général des tidianes Serigne Abdoul Aziz Sy Dabakh, rappelé à Dieu il y a 17 ans, a apporté "une importante contribution à la promotion de la démocratie et à la gestion de la diversité", en s'évertuant à promouvoir "un espace public discursif" au détriment du conflictuel, soutient l'islamologue et universitaire sénégalais Abdoul Aziz Kébé.
"Serigne Abdou a compris que le nouveau leadership à impulser, dans une perspective de promotion de la démocratie, se dessinait dans la construction du dialogue, dans la conscience d'une interdépendance entre les acteurs", écrit-il dans une contribution transmise à l'APS et marquant le 17e anniversaire du décès de cette figure religieuse emblématique.
"Usant de sa posture de guide religieux et adossé à sa culture sociale, il a indiqué la voie du dialogue et de l'échange pour rendre possibles les conditions d'un nouveau contrat social. Un nouveau contrat social négocié et consensuel'', souligne Abdoul Aziz Kébé.
"Au lieu de s'accommoder de l'espace public conflictuel, il a promu un espace public discursif, comme dit LeBlanc. Un espace où des messages politiques, sociaux et religieux sont échangés dans un but de pacification et non de confrontation violente", estime cet enseignant-chercheur à la Faculté des Lettres et Sciences humaines de l'Université Cheikh Anta Diop (UCAD) de Dakar.
"C'est là, dans l'offre d'un espace public pluriel et discursif, que Serigne Abdoul Aziz Sy marque une importante contribution à la promotion de la démocratie et à la gestion de la diversité. Il en a fait un projet, un programme de chaque instant pour la gouvernabilité dans notre pays, dans la cohésion des cœurs, comme il disait", analyse M. Kébé.
"Dans son discours et dans sa pratique, reprend-il, on peut bien appréhender sa leçon qui nous enseigne que l'espace public doit être un espace dialogique et que la gouvernabilité se bâtit sur une interdépendance intelligente entre les acteurs. Ce qui ne peut être réel que dans une vision de partage, d'échange et de communication".
Selon lui, Serigne Abdou a amené "les gouvernants et les acteurs politiques à adopter une posture de guidance et d'ouverture. Cet enseignement reste actuel et pourrait nous inspirer une passion pour la cité et ses habitants dans un élan d'interdépendance et d'échange".
"On retrouve dans son discours et dans sa pratique les éléments de construction d'une fraternité vive, facteur de gouvernabilité dans notre pays. Et cela reste plus qu'actuel en ces moments de renouveau du leadership politique et social dans notre pays", signale l'islamologue et universitaire, disciple revendiqué de Serigne Abdoul Aziz Sy Dabakh
Il ajoute que le défunt khalife avait "compris que la fraternité et la cordialité dans l'unité et la cohésion sont les seuls gages de la permanence de la nation". "Or, cette pérennité de la nation court des risques si la gouvernabilité est menacée, à cause de la récurrence des tensions, des querelles et des prétentions partisanes ou sectaires", argumente Abdoul Aziz Kébé.
"Sur le plan religieux, poursuit Abdoul Aziz kébé, Serigne Abdoul Aziz Dabâkh affirme une ferme volonté d'instaurer une tradition de fraternité qui enjambe les limites confrériques et sectaires" et "inaugure l'ère d'un nouveau modèle de marabout qui ne fuit pas ses responsabilités devant les gouvernants, tout en n'étant pas otage des coalitions et des ligues contre le pouvoir".
"Il évite d'être le jouet des politiciens qui voient la responsabilité dans l'état social de manière unilatérale, pointant du doigt les gouvernants ou les opposants. Le concernant, il ne perçoit l'état de la société que comme un construit'', fait valoir M. Kébé.
"Un construit de tous les acteurs, particulièrement du leadership temporel et spirituel. C'est une responsabilité commune, partagée entre les politiques de tous bords et les religieux", conclut-il.
El Hadj Abdoul Aziz Sy Dabakh accéda au titre de khalife de la Tidjanya le 13 mai 1957, après la mort de ses frères aînés Seydi Ababacar Sy et El Hadj Mouhamadou Mansour Sy, ses deux prédécesseurs décédés quasi simultanément.
Durant son khalifat, il joua le rôle de régulateur social, s'imposant comme médiateur décisif lors de conflits sociaux ou politiques. Il avait le souci d'amener ses concitoyens à garder le souci de l'essentiel et se battait pour que soit préservées la paix et la concorde nationale.