Accueil    MonKiosk.com    Sports    Business    News    Femmes    Pratique    Senegal    Publicité
NEWS
Comment

Accueil
News
Société
Article




  Sondage



 Nous suivre

Nos réseaux sociaux



 Autres articles


Comment

Société

Dr EL Hadji Omar Diop, enseignant chercheur à l’UCAD : «Démocratiser la nomination des juges du conseil constitutionnel»
Publié le mercredi 6 novembre 2013   |  Sud Quotidien


Dr
© Autre presse par DR
Dr EL Hadji Omar Diop, enseignant chercheur à l`UCAD


 Vos outils




 Vidéos

 Dans le dossier

Faut-il supprimer le Conseil constitutionnel sénégalais ? Quelles sont ses attributions? Quelles sont les réformes nécessaires à la justice constitutionnelle dans le cadre de la réforme des institutions en cours? Voilà les questions que beaucoup de sénégalais se posent. Dr El Hadji Omar Diop, enseignant chercheur à l'UCAD a tenté d'y apporter des réponses dans son ouvrage intitulé «La justice constitutionnelle au Sénégal. Essai sur l'évolution, les enjeux et les réformes d'un contre-pouvoir juridictionnel». Avant la cérémonie de dédicace de ce livre prévu , vendredi 8 novembre 2013, au Centre de Recherche Ouest Africain (WARC), Sud Quotidien est allé à sa rencontre. Entretien…

Pourquoi vous interrogez-vous sur le Conseil constitutionnel ?

Après des essais sur les partis politiques au Sénégal, la Commission électorale nationale autonome (CENA), nous avons mis l’accent sur le juge constitutionnel qui est un acteur incontournable dans le processus démocratique. Le constat, c’est que dans les démocraties contemporaines, il faut un instrument de régulation, de contre-pouvoir. Et c’est le juge qui est appelé à jouer ce rôle là. Le Sénégal, dans son histoire, a eu à avoir une juridictionnelle constitutionnelle intégrée dans la Cour suprême de 1960 à 1992. Mais à partir de 1992, on a créé un Conseil constitutionnel.
Or, si l’on veut étudier objectivement le fonctionnement de la démocratie sénégalaise, on ne peut pas passer sous silence le contre-pouvoir juridictionnel dont le rôle est essentiel en matière de protection des droits fondamentaux. Voilà pourquoi, nous avons orienté notre réflexion sur le juge constitutionnel.

Pourquoi parler d’une juridiction qui ne semble exister que quand il y a des élections et à laquelle il est reproché de se déclarer le plus souvent incompétente sur des questions d’intérêt nationales.

Il faut distinguer deux choses à cet effet. La première, c’est la perception que les Sénégalais ont du Conseil constitutionnel et le rôle qu’il est appelé à jouer dans la démocratie.
Il y a d’abord des compétences qui sont définies dans les textes. Le Conseil doit réguler l’activité normative par le contrôle de conformités des lois à la Constitution. Mais dans la réalité de la vie politique sénégalaise, le constat est fait : le Conseil se déclare souvent incompétent lors qu’il est saisi sur des questions politiquement lourdes ou extrêmement sensibles. Dans ces cas là, la conclusion est vite tiré que le Conseil constitutionnel se déclare incompétent. On s’interroge même sur son utilité. Ensuite, il doit arbitrer le jeu électoral. Donc le jeu démocratique en tant que tel. C'est ainsi que le Conseil est sollicité lors de l'élection présidentielle. Dans l'exercice de ces deux principales attributions, le juge est souvent pointé du doigt à cause des décisions controversées.
Enfin, les acteurs politiques sont mobilisés et intéressés par les élections qui constituent la voie royale d’accès au pouvoir et aux ressources de l’Etat. Comme le juge constitutionnel intervient dans le processus électoral, l’intérêt est évident.

C’est quand même paradoxal que des juges qui bénéficient du principe de l’inamovibilité dans l’exercice de leur mandat, se déclarent incompétents sur des questions politiques supposées lourdes ou sensibles ?

C’est là qu’il faut exactement faire intervenir des réflexions profondes sur les compétences du Conseil constitutionnel. Il est considéré comme une juridiction. Chaque juridiction, avant de se prononcer, doit vérifier deux choses. D’abord, est- ce qu’elle est compétente. Ensuite, est-ce que la question qui lui est soumise entre dans son champ de compétences.
Or, notre Conseil constitutionnel a une lecture mécanique et stricte de ses compétences. A chaque fois qu’il est saisi, il regarde si l’acte qui lui est déféré rentre dans le cadre de ses compétences. Si tel n’est pas le cas, il se déclare incompétent. Or, dans d’autres pays africains, l’occasion leur est donné d’avoir une conception dynamique de leurs compétences. C'est-à-dire, une conception constructive pour interpréter leurs compétences, au regard du contexte politique dans lequel, il se trouve.
Par exemple, en 2600, on avait déféré au Conseil constitutionnel du Sénégal, une loi portant prorogation du mandat des députés. Cela avait créé une véritable controverse juridico-politique dans le pays. Beaucoup d’observateurs s’attendaient à ce que le Conseil constitutionnel tranche la question face aux velléités réformatrices du pouvoir en place. Après avoir examiné si la loi dont il est saisi rentrait dans ses compétences, il s’était déclaré incompétent. Il est vrai qu’il n'y avait dans les textes aucune disposition qui permettait au Conseil de se prononcer. Mais, tenez-vous bien, à la même période, la Cour constitutionnelle du Bénin était saisie d’une même affaire. Elle a eu une interprétation dynamique de sa compétence. Elle a invoqué l’esprit de la Constitution et s’est prononcée en mettant un terme aux velléités des députés de la majorité de changer la Constitution pour proroger leur mandat.

Nonobstant ces problèmes susmentionnés, le Conseil constitutionnel du Sénégal n’a-t-il pas perdu davantage de sa crédibilité depuis la validation de la candidature d’Abdoulaye Wade en 2012?

La recevabilité de la candidature de Me Wade était une question extrêmement sensible sur laquelle, il était attendu. C’était une question très controversée même au niveau des juristes. Le Conseil a été attaqué, menacé, insulté, intimidé. On était dans une situation explosive. N’empêche, il s’est prononcé en faveur de la recevabilité de la candidature de Wade. Et depuis ce moment, je suis de ceux qui pensent que le Conseil a perdu de sa crédibilité.
Par la suite, le président du Conseil constitutionnel (Cheikh Tidiane Diakhaté, Ndlr) a appelé à la réforme des compétences du Conseil. Ça veut dire qu’ils n’ont pas eu une lecture dynamique, constructive de leurs compétences. Ils sont conscients que leurs compétences telles qu’elles sont définies ne leur permettent pas de pousser totalement le contrôle. Donc, c’est un aveu, voire un défi qui est lancé aux pouvoirs publics pour réformer en profondeur la juridiction constitutionnelle dans sa globalité, les modalités de contrôle, les modalités de domination pour doter le Sénégal d'une juridiction qui sera au diapason du fonctionnement de la démocratie.

L’actuel président de la République, Macky Sall avait émis l’idée de réformer le Conseil constitutionnel, notamment dans le mode de nomination des juges. Qu’en pensez-vous ?

Il faut faire le constat, qu’il n’existe pas de système de nomination parfaite des juges constitutionnels. D’ailleurs, j’ai fait une étude approfondie dans l’ouvrage pour montrer comment ça se passe à l’étranger. Même la doctrine constitutionnelle n’est pas unanime sur cette question. Chaque pays, selon son histoire, adopte une méthode différente de l’autre.
Au Sénégal, le constat, c’est que le président de la République monopolise le choix et la désignation des membres du Conseil constitutionnel. Ce choix a été décrié au regard de l’histoire et du rôle joué par le Conseil constitutionnel. La réforme du Conseil est devenue une nécessité. Et le président de la République a fait des propositions. Certes ! Mais à mon avis, il faudrait pousser davantage la réflexion pour au moins permettre à certaines franges de la société de pouvoir participer à la désignation des membres du Conseil constitutionnel.

N'est-ce pas votre rôle, à vous universitaires ?

J’allais en venir. Il faut permettre à l’opposition parlementaire, à la majorité, aux associations de défense des droits de l’homme, aux professeurs de la faculté de droit, à la magistrature et enfin au barreau, de désigner chacun, un membre du Conseil constitutionnel. Comme c’est une fonction juridictionnelle, le Conseil Supérieur de la Magistrature peut désigner deux membres.
Ce sont là, les six organes qui doivent être en mesure de désigner les membres du Conseil constitutionnel.

Quid du président de la République, qui préside le Haut Conseil de la Magistrature ?

On peut juste donner au président de la République le pouvoir de constater par décret la nomination des juges. Si par extraordinaire, il refuse de cautionner la nomination, elle devient effective. Ce que je veux dire, c’est qu’on peut dans les textes, constater le pouvoir du président de la République. Il ne faut pas donner au président de la République, le pouvoir de choisir des membres du Conseil constitutionnel. C’est mon sentiment parce que le Conseil est appelé à jouer un rôle de contre-pouvoir. Et tout choix du Chef de l’Etat, peut être subjectif. Il peut toujours orienter la configuration sociologique du Conseil constitutionnel.
Deuxièmement, je ne suis pas du même avis que ceux qui donnent au président de l’Assemblée nationale, ou au Premier ministre, grâce à l’ouverture de la nomination, le pouvoir de choisir un des juges du Conseil. Pour moi, c’est toujours la majorité. C’est le cas dans certains pays.
Pour ce qui est maintenant de la nomination du président du conseil constitutionnel, je milite pour une élection au sein du conseil. Dans la doctrine constitutionnelle certains n’aiment pas cette méthode qui fait appel à une campagne électorale qui peut aboutir à des déchirements au sein de la juridiction. Mais nous sommes en démocratie ! Elle se négocie par le dialogue permanent, des négociations et souvent des rapports de force.

Pourquoi le principe de l’inamovibilité ne garantit-il pas l’indépendance des juges du Conseil Constitutionnel ?

Je ne pense pas que le problème se situe à ce niveau. Les juges du Conseil constitutionnel bénéficient de l’indépendance, du principe d’inamovibilité. Autrement dit, on ne peut pas changer un membre du Conseil dans l’exercice de ses fonctions. On ne peut pas non plus le démettre. Même la démission d’un membre du Conseil est encadrée par la loi de 92 relative au Conseil constitutionnel.
Le problème se situe plutôt dans le choix qui est monopolisé par une seule autorité qui se trouve être le président de la République et qui peut selon ses humeurs faire ou défaire la configuration sociologique de la juridiction.

 Commentaires