La Cour des comptes doit travailler à publier à temps ses rapports pour une meilleure gestion des finances publiques, une perspective qui passe également par l'institution du contrôle a priori, préconise le président du Conseil des organisations non gouvernementales d'appui au développement (CONGAD), Amacodou Diouf.
"On peut accepter un décalage d'une année mais deux ans, c'est trop. Il faut arrêter cela", a-t-il dit dans un entretien paru dans le numéro de septembre du magazine Gouvernance.
"En effet, alors qu’on est en 2014, c'est seulement le rapport 2012 qui vient d'être publié. Cela pose problème", a estimé Amacodou Diouf, par ailleurs président de l'ONG Action humaine pour le développement intégré du Sénégal (AHDIS).
La Cour des comptes a remis au chef de l'Etat Macky Sall son Rapport 2012, le 25 août dernier, lors d'une cérémonie officielle au palais de la République.
Dans le cadre du programme de réforme des finances publique, "on devrait travailler à ce que la Cour des comptes puisse se rattraper et arriver à N-1 par rapport à l'année en cours d'exécution du budget", a déclaré le président du CONGAD.
Selon lui, le Sénégal doit travailler à régler cette question, en vue de "donner une marque de volonté dans le cadre d'une meilleure gestion des finances publiques, parce que la mission fondamentale de l'audit est de constater des éléments qui doivent être corrigés par les assujettis", a ajouté M. Diouf, économiste de formation.
"Cette fonction pédagogique devrait revenir à travers le fait de pouvoir mobiliser des ressources et des moyens pour faire de telle sorte que la Cour des comptes puisse publier des rapports à temps", a-t-il indiqué.
Si "les affaires" traitées par l'institution de contrôle datent de "deux ou trois ans auparavant, cela pose problème pour être corrigé", juge ce membre de l'Office national de lutte contre la fraude et la corruption (OFNAC).
"A mon avis, il est absolument nécessaire de former les agents publics sénégalais, de les mettre à niveau par rapport à certains principes comptables. Mais aussi les mettre à niveau par rapport à des procédures d'exécution budgétaire. Je crois qu'il est important que cette fonction d'apprentissage soit privilégiée", a-t-il suggéré.
Il reste que certaines fautes "ne sont pas du tout liées à cela. Ce sont des fautes graves qu'il faut sanctionner, car elles sont l'émanation de la volonté d'une personne à vouloir faire du mal. C'est quelque chose qu'il faut réprimer et condamner", a souligné le président du CONGAD.
Aussi faut-il "institutionnaliser le contrôle a priori", afin qu'il y ait "au niveau de chaque ministère un auditeur interne pour que les gens puissent prendre certaines dispositions avant que l'audit annuel général n'arrive", a plaidé Amacodou Diouf.
"Les rapports de la Cour des comptes montrent du grand banditisme, cela rend nécessaire la prise de mesures de répression pour ne pas donner l'impression de promouvoir l'impunité par rapport à la gestion du bien public", a-t-il expliqué.
Le "Rapport public 2012" de la Cour des comptes, remis aux journalistes, "recommande au secrétaire général du gouvernement de respecter la réglementation sur les frais de mission à l'étranger, notamment par une motivation précise des ordres de missions qu'il établit".
Il renseigne aussi sur des manquements décelés dans la gestion de structures telles que le Fonds de promotion économique (FPE), le Commissariat général au pèlerinage à La Mecque, le Programme national de lutte contre le paludisme (PNLP), le Centre des œuvres universitaires de Dakar (COUD), certaines collectivités locales (mairies et conseils régionaux) et d'autres établissements du service public.
"La situation est très préoccupante compte tenu du fait que qu'on va vers une situation où l'autonomie de certains ministères sera de plus en plus accentuée et le système de gestion des ressources de plus en plus déconcentré", a fait valoir M. Diouf.
"Le rapport de la Cour des comptes a fait des propositions de correction mais aussi des propositions de sanction et on espère que le président de la République va prendre cela en compte au regard de la volonté qu’il a exprimée en mettant en place davantage de structures de contrôle et de répression de la fraude et de la corruption", a-t-il conclu.