Conseiller Technique à l'Education et à la Formation du Président de la République, Diamé Diouf a tenu à réagir suite à la révolte des étudiants contre la hausse des frais d'inscription. Entretien
Les étudiants se révoltent contre la hausse des frais d’inscription. Quelle est votre réaction ?
Les étudiants ne sont pas contre la hausse des frais d’inscription. Ils disent plutôt que le montant est élevé. Le principe de l’augmentation des frais d’inscription fait l’objet d’un consensus. Certains étudiants disent qu’ils ne peuvent pas payer 25 000 F pour leur inscription alors que paradoxalement ils payent au moins 200 000 F à un producteur pour sortir une musique pour s’opposer à la hausse des inscriptions. Faire une tournée nationale dans les universités nécessite des moyens financiers beaucoup plus élevés que des frais d’inscription de 25 000 francs. En réalité, les frais d’inscriptions font partie d’un paquet de réformes et vouloir les sortir de ce paquet relève de la manipulation. Dans ces droits d’inscription, seuls 10.000 francs représentent les droits administratifs, tout le reste est destiné aux droits pédagogiques qui vont directement aux étudiants. Et dans la gestion des fonds représentant les droits pédagogiques, les étudiants font partie du comité de gestion. Donc les inscriptions ont été revues à la hausse pour impacter positivement sur les conditions d’étude des étudiants. La hausse des inscriptions est donc destinée à favoriser leur réussite et leur bien-être pédagogique. C’est la véritable lecture qu’il faut avoir de l’augmentation des frais d’inscription. Toute autre explication est infondée.
Le Gouvernement doit-il discuter avec les étudiants?
Au sens strict, il n’y a pas de négociation à mener sur la question des inscriptions. Il y a une bonne communication à faire. Ce n'est pas par la force que les réformes ont été imposées comme cela était le cas en 1994 pour l'application des 23 mesures de réorganisation de l'université. Le Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche a organisé des concertations qui ont impliqué tous les acteurs à tous les niveaux. Le Président de la République a validé les 78 recommandations à travers 11 décisions majeures prises lors d'un Conseil Présidentiel. Aujourd’hui nous sommes dans la phase de mise en œuvre et les universitaires savent que les réformes sont opportunes parce qu'elles constituent le passage obligé pour maintenir l'excellence dans nos universités. A l'endroit des étudiants qui ont opté pour la casse et la violence, nous disons simplement, sans vouloir les offenser, qu'ils manquent d'analyse et de discernement pour se rendre compte qu'il faut refuser la manipulation.
Qu'est-ce qui est à l'origine de la montée de la violence à l’université ?
Je condamne fermement cette recrudescence de la violence gratuite à l’université. La pression et le chantage ne sauraient prospérer. Les réformes seront mises en œuvre avec la plus grande ouverture mais sans faiblesse de la part de l’Etat. Les étudiants sont en droit d’exiger de meilleures conditions d’étude mais ils n’ont pas le droit de casser l’université. Nous sommes en train de communiquer avec eux pour les ramener à la raison et leur faire comprendre que l’université sénégalaise doit rester dans le top des leaders en Afrique. Le Président Macky Sall a validé la concertation nationale sur l’avenir de l’enseignement supérieur afin de faire de nos universités des pôles d’excellence. C’est pourquoi il a décidé de mettre 302 milliards dans l’enseignement supérieur. Rien que pour la réhabilitation des universités, nous allons mettre 3 milliards à l'UCAD, 3 milliards à Thiès, 2 milliards à Bambey, 3 milliards à Saint-Louis et 3 milliards à Ziguinchor. La CNAES nous a permis de savoir où nous allons. Le Président Macky Sall a identifié et dit le modèle d'enseignement supérieur qui permet un développement économique et social du Sénégal. Il ne nous reste plus qu'à travailler dans ce sens. Dans tous les cas, l’Etat veillera au respect des droits des étudiants mais il faut que ces derniers comprennent que l’université est entrée dans une phase de mutation irréversible. L'étudiant a un rôle à jouer dans le service à la communauté. Et s'il s'exprime par la violence, il risque d'accentuer la fracture qui le sépare de la société. Quand des paysans acceptent de se délester de centaines d'hectares pour permettre au Président Macky Sall de construire de nouvelles universités, cela signifie que les populations ont de grandes attentes vis-à-vis de notre enseignement supérieur et de nos universités. Pourquoi alors les étudiants devraient-ils rester en marge de cet effort national, de cet élan patriotique?
Quelles solutions pour éradiquer la violence à l’université ?
Il faut conjuguer nos efforts dans le but de faire aboutir les réformes. Il faut aussi accepter que nos universités doivent changer. La généralisation des contrats de performance permettra d'être exigent par rapport au résultat. D'ailleurs 5 universités sur les 8 ont signé leur contrat de performance. La police universitaire est aussi une des solutions qui nous permettrons de pacifier l’espace universitaire. Certains étudiants qui brandissent l’argument de la franchise universitaire pour s’opposer à la police universitaire font de l’amalgame. Franchise universitaire ne signifie pas désordre universitaire. Si les étudiants sont contre la police universitaire, j’aimerais bien savoir ce qu’ils proposent pour lutter contre les violences au sein des universités. Dans tous les cas, l’université sénégalaise ne peut pas être une zone de non droit. Elle doit être un creuset de savoir et un laboratoire d’idées. Malheureusement la tendance actuelle fait de nos universités les repaires de la délinquance et du banditisme. Mais je dois préciser que cette violence dans les universités est le fait d’une minorité d’étudiants qui pensent qu’il faut casser pour exister. Ceux qui s’agitent ont des desseins inavoués car les véritables étudiants se sont déjà inscrits. Près de 90% des étudiants ont rempli les formalités relatives à l’inscription et le processus suit son cours normal. En somme, je pense que force restera à la loi. Dans un monde où, comme disent les anglais, "every body is runing to be better", nous devons courir très vite pour rester leader en Afrique.