«Creuser un peu pour boire» : c’est ce que signifie littéralement Wakhinane, un des quartiers flottant situé dans la ville de Pikine. Son nom qui a un lien avec l’eau explique largement le fait que cette zone fasse partie de celles inondables. Un tour dans le quartier permet de voir des Dakarois qui, en période d’hivernage, prient pour que la pluie s’éloigne de leur zone.
C’est un quartier populaire situé dans la ville de Pikine en banlieue dakaroise. Ce quartier, créé vers les années 1956, porte le nom de Wakhinane. Un mot qui signifie littéralement «creuser un peu pour boire». Donc un nom qui en dit long sur la situation de ce quartier en période d’hivernage. Dès qu’on y met les pieds, ce sont les flaques d’eau qui attirent l’attention. Selon certains habitants, on n’a pas besoin d’être en saison des pluies pour vivre avec ces eaux stagnantes. Car même les eaux usées déversées sur la rue forment des flaques d’eaux noirâtres. Ce qui explique d’ailleurs l’humidité permanente du sol et l’état d’insalubrité. Pour faire face à cette humidité dans laquelle se trouve le quartier, les habitants cherchent, chacun avec ses propres moyens, d’éviter que sa maison soit envahie par les eaux de pluies.
Ainsi à l’approche de l’hivernage, tous les moyens sont bons pour barrer la route aux eaux de pluies. Si les plus nantis ont pu construire à l’intérieur de leur maison des fosses perdues, d’autres font de petits murs devant leur concession pour dévier l’eau. Il n’empêche, si l’eau ne stagne pas à l’intérieur des maisons, elle est dans la rue. Difficile donc de marcher dans ces rues sans être en contact avec les eaux. Pourtant dans ce quartier, les gens semblent ne pas être dérangés par cette insalubrité régnante. Devant certaines concessions, des femmes vendent des aliments malgré les flaques d’eaux qui bordent les alentours. Cette insalubrité n’empêche pas non plus les jeunes de jouer au football, ni même à d’autres de s’asseoir devant leur maison pour profiter de l’air frais.
Certains habitants invoquent le fait qu’ils n’ont pas le choix et doivent s’adapter. Presque tous ont une idée du nom donné à ce quartier et qui explique d’ailleurs, selon eux, cette situation. Aussi bien les jeunes que les personnes âgées, tous savent pourquoi leur quartier a été ainsi dénommé. «Il ne faut pas chercher loin pour trouver une explication sur la situation que nous vivons dans ce quartier, déjà même le nom Wakhinane peut renseigner sur le fait que le sol ne puisse pas absorber l’eau», tente d’expliquer Modou Fall, un jeune habitant du quartier trouvé en train de laver son mouton. Non loin de là, une dame dénommée Awa Faye, la soixantaine révolue, tient une table où elle vend des mangues. Assurant avoir passé toute sa jeunesse dans ce quartier, celle-ci renseigne qu’elle ainsi que les autres résidents du quartier ont été délocalisés du centre-ville vers cette zone, où les pouvoirs publics leur avaient demandé de s’établir sur ces parcelles de terre. Pas trop sûre des dates, elle souligne néanmoins qu’à l’époque le sol n’était pas aussi humide. Mais aujourd’hui avec les inondations devenues récurrentes dans cette zone, elle comprend mieux pourquoi ce quartier porte ce nom. «C’est difficile pour moi de vous donner des détails, mais je sais que ça a à voir avec la nappe qui n’est pas profonde. D’ailleurs, le fait qu’on sente une certaine humidité même s’il ne pleut pas explique tout», croit-elle savoir.
Habitués à cette situation, les habitants de ce quartier attendent toujours de la part des autorités de l’Etat une solution pour assainir la zone, à défaut de construire des canaux d’évacuation. En attendant ces dispositions, ils font avec les solutions provisoires à leur portée, à savoir le pompage des eaux après la pluie. Et en cette période, Wakhinane vit avec la peur d’être sous les eaux quand le ciel ouvre ses vannes.