«Je ne répondrai qu’en présence de Bibo Bourgi en ce qui concerne la société Ahs dont il est actionnaire à 90 pour cent et moi à 10 pour cent». C’est l’essentiel de la formule qui est revenue en boucle dans presque toutes les réponses de Pape Mamadou Pouye, lors de son interrogatoire ce mercredi. Le présumé complice de Karim Wade et non moins actionnaire de la société Ahs (Africa handling services) n’a pas ajouté grand chose dans sa déclaration préliminaire.
Après l’interrogatoire du principal mis en cause Karim Meïssa Wade, c’était au tour de l’un de ses présumés complices de répondre aux questions de la Crei et du Procureur spécial Alioune Ndao. Il s’agit de Pape Mamadou Pouye. Le présumé complice Pouye est revenu dans un premier temps sur quelques éléments de précision concernant le délit pour lequel il est poursuivi.
Cependant, à l’instar du prévenu principal, Pouye a catégoriquement refusé de répondre à toutes les questions liées à la personne de Bibo Bourgi et à la société Ahs. Le présumé complice de Karim Wade ne s’est pas lassé de répéter à la Cour et à qui d’autre voulait l’entendre dans la salle 4 du palais de Justice qu’il a déjà répondu aux questions lors de son interrogatoire préliminaire. Selon Pape Mamadou Pouye, il serait déplacé de sa part de parler de Ahs alors que l’actionnaire majoritaire Bibo Bourgi est absent pour des raisons médicales. Et cette position se rapproche de celle de Karim Wade, qui exige de manière simple la suspension du procès et ce, jusqu’au rétablissement du troisième supposé larron, qui ne serait pas dans les dispositions physiques et intellectuelles pour prendre part à la suite de ce procès. Si bien qu’on a l’impression d’assister à un vrai dialogue de sourds. Cette stratégie de réserve adoptée par la défense n’a pas empêché le président de la Cour, ses différents assesseurs et le Procureur spécial de mener leur interrogatoire comme ils l’entendent. Ainsi, seule une précision majeure est ressortie des réponses glacées servies à la Cour par Pape Mamadou Pouye, qui a déclaré notamment : «Concernant la société Ahs, Bibo Bourgi est actionnaire majoritaire avec 90 pour cent des actions alors que je détiens les 10 pour cent restants.» A vrai dire, les 90 % qu’il attribue à Bibo sont partagés entre ce dernier et son frère avec respectivement 50 % pour Karim Abou Khalil Bourgi et 40 % pour Bibo, d’après le document officiel cité par la Cour.
Pour les questions de la partie civile, le co-prévenu Mamadou Pouye a poursuivi dans sa même logique de départ. Lorsque maître Yérim Thiam lui demande de dire quel était son salaire moyen avant les années 2000, il répond froidement : «Je ne me rappelle plus». Tout en refusant toujours de répondre à toute question impliquant Bibo Bourgi et la société Ahs.
«Mon interrogatoire (à la gendarmerie) était systématiquement de la torture»
Par ailleurs, dans sa déclaration le supposé complice d’enrichissement illicite est revenu sur les conditions de son interrogatoire dans le cadre de l’enquête préliminaire. «Mon interrogatoire était systématiquement de la torture», affirme-t-il. En ce sens, Pouye dénonce le fait : «Ces méthodes utilisées par les enquêteurs ont la manie de nous faire dire des choses que l’on ne maîtrise pas et constituent une entorse aux droits humains. On m’a retenu de 9h à 20h sans me poser de questions. Et à 20h 30, un enquêteur est venu me dire que je ne suis pas la cible et qu’ils recherchent Karim Wade», explique Pape Mamadou Pouye à la Cour. Avant d’ajouter en toute quiétude : «Je ne suis pas un prête-nom et Karim n’est pas mon complice».