Il est rare au Sénégal d’arriver à la fin août, sans un démarrage effectif de la saison des pluies. Si la situation inquiète le monde rural, dans les zones inondables, on se félicite de cette absence de pluies. EnQuête a fait un tour dans la banlieue.
La situation pluviométrique que vit le pays est diversement appréciée. Si le monde rural est au bout de l’inquiétude, du côté des populations des zones inondables, on croise les doigts et pousse un ouf de soulagement. Puisque pour l’heure les déluges tant redoutés sont aux abonnés absents. Pendant ce temps, dans le monde rural, les autorités étatiques ont dû sortir les milliards pour venir en appoint et distribuer des vivres de soudure, en attendant la pluie qui a finalement montré le bout du nez. Les paysans espèrent qu’il y aura assez de pluie pour que les graines semées puissent aller à terme et mûrir.
EnQuête a fait le tour dans de nombreux fiefs de sinistrés au niveau de la banlieue. Là, le retard des pluies est considéré comme une bénédiction, voire un don de Dieu, par une bonne frange de la population. Trouvé chez lui, au quartier Aly Kane dans la commune de Médina Gounass, Abibou Fall prie le ciel pour que la pluie arrive le plus tard possible. ‘’Ce n’est pas que je suis égoïste. Mais, le fait que nous n’ayons toujours pas enregistré de pluies au niveau de la capitale est un grand soulagement pour nous les sinistrés. Il faut vivre dans une maison inondée pour savoir le calvaire que nous sinistrés vivons à chaque fois qu’il pleut’’ (reportage réalisé jeudi). Le menuisier métallique confie avoir épuisé ses économies à louer des camions de sable pour remblayer sa demeure.
Mantoulaye Diarra, une habitante du quartier Djiddah Thiaroye Kao, voit également le retard de la pluie comme une aubaine. ‘’Personne ne saurait vous dire la raison de ce retard de la pluie cette année, même si chacun y va de son propre commentaire. Mais à mon avis, moins il y a de pluie, moins nous aurons à vivre un calvaire. L’année dernière, nous avons vécu l’enfer’’ considère cette jeune drianké. La dame, qui vient de boucler ses 39 hivernages, avance même que n’eût été les animaux qui doivent se nourrir de l’herbe, elle allait prier pour qu’il ne pleuve pas cette année.
Voix discordantes
D’autres sinistrés par contre rament à contre-courant. Ils pensent qu’il est vraiment égoïste de souhaiter que le ciel n’ouvre pas ses vannes, alors que l’hivernage a débuté depuis longtemps. ‘’Je ne peux pas comprendre que des gens prient pour que la pluie ne vienne pas au Sénégal. La pluie appartient au Bon Dieu, et c’est à Lui de décider quand elle va tomber. Que personne ne se précipite pour dire que cette situation lui est favorable ou le contraire’’, peste Samba Fall. Et le vieux de poursuivre, malgré la menace d’inondation qui pèse sur sa demeure: ’’Nous sinistrés, si nous vivons le calvaire, la faute nous incombe, car c’est nous qui avons pris la décision d’habiter dans des zones inondables.’’
A Guinaw rail où il habite, il renseigne qu’il suffit qu’il se mette à pleuvoir pendant plusieurs heures pour que le plan ORSEC soit déclenché. ‘’Ce n’est pas parce que les pluies tardent à arriver que les sinistrés sont à l’abri, même si je ne souhaite pas qu’ils revivent la hantise des années passées’’, conclut-il. Nogaye Seck de jouer sur le même clavier : ‘’les sinistrés doivent penser à nos compatriotes cultivateurs, car c’est à cause d’eux que nous parvenons à nous nourrir. Ou bien, souhaitent-ils qu’il y ait la famine au Sénégal ?’’ s’interroge cette habitante de Guinaw rail. ‘’Laissons la pluie à Allah, car c’est à Lui Seul qu’Il revient de donner l’ordre au ciel qui est son esclave d’ouvrir ses vannes’’, conclut l’étudiante, fataliste.