Le Parquet spécial de la Crei a remis ça hier. Le duo Aliou Ndao-Antoine Diome, toujours plein de verve, a déconstruit l’argumentaire de la défense, désintégrant les différents points soulevés par les conseils de Karim Wade et de ses présumés complices.
Le Parquet spécial a, dans son réquisitoire, battu en brèche les développements des conseils des inculpés. Antoine Diome y est allé de bon cœur, flinguant l’avocate Corinne Schmidt Dreyfus qui disait qu’il distribuait les bons et les mauvais points. Le substitut du Procureur spécial lui fait observer qu’elle-même assurait que ses collègues étaient «très brouillons» dans leurs plaidoiries. Pour lui, il y a un «grand désordre» dans les exceptions de nullité soulevées par les avocats de la défense. Il leur a surtout reproché d’avoir «allégrement anticipé» sur les débats de fond alors que la bataille de procédure bat son plein. En essayant de démontrer que le délit d’enrichissement illicite «n’existe pas», la défense s’est emmêlé les pinceaux. Pour Antoine Diome, il y a lieu de rejeter la foultitude d’exceptions soulevées par les conseils de Karim Wade et de ses présumés complices parce que les moyens invoqués l’ont déjà été antérieurement devant des juridictions comme la Cour suprême, le Conseil constitutionnel ou encore la Cour de justice de la Cedeao.
Alors que la notion de «bien» se trouve au cœur des débats, Antoine Diome, avec cette touche d’imagination qui caractérise ses réquisitoires, a convoqué le lexique des termes juridiques Dalloz pour définir le mot. Recadrant ainsi les avocats. Aliou Ndao a pour sa part été plus virulent. Pour lui, on a «l’impression de se perdre» dans les plaidoiries des avocats. Battant en brèche les arguments contre la constitution de partie civile de l’Etat, il assure que dans toute infraction pénale, les confiscations de biens sont faites au nom du Trésor public qui gère les deniers de l’Etat. «Qu’est-ce qu’il y a d’immoral à ce que l’Etat vienne demander réparation d’un préjudice qu’il aurait subi ?», s’est étonné Aliou Ndao. Il estime que quand l’Etat paie un salaire à une personne, lui offre du carburant et lui assure ses frais de mission, il est «logique» d’admettre un préjudice subi par l’Etat si cette personne s’est enrichie illicitement sur son dos. Aliou Ndao prend pour exemple la première affaire jugée par la Crei après son institution. Dans cette jurisprudence, la cour avait admis l’existence d’un préjudice moral.
«Nous savons là où nous mettons les pieds»
Le Procureur spécial fait remarquer aux avocats qu’en droit pénal, seules les lois pénales de fond sont d’interprétation stricte. Alors que les avocats assurent que l’enquête devait être confiée à une brigade spécialisée, Aliou Ndao revient à la charge : «La loi ne le dit pas contrairement à ce que dit Me Demba Ciré Bathily. Nous avions le droit de choisir entre l’officier de police judiciaire agissant à titre individuel ou une brigade spéciale.» Sûr de ses arguments, le Procureur spécial bétonne : «Nous avons vu et revu les textes ; nous savons là où nous mettons les pieds.» Evoquant les «échecs» passés de la défense dans ce procès, Aliou Ndao rappelle même qu’un journal de la place (Ndlr : Le Quotidien) avait titré : «La Cour suprême rabat le caquet à la défense». Apportant la réplique à Me Borso Pouye, Aliou Ndao déclare : «Nous n’avons jamais mis la maison familiale des Wade dans le patrimoine de Karim Wade qui est né en 68. Cette maison est certainement plus âgée que lui. Me, si vous n’avez pas encore lu le dossier, allez le faire maintenant !» Sur l’absence de mise en demeure des présumés complices, Aliou Ndao dit : «La loi ne le prévoit pas. On ne peut mettre en demeure ni le receleur ni le complice.» Relativement à l’absence de motivation de l’arrêt de renvoi, il coupe : «Depuis quand l’absence de motivation est une cause de nullité ? Il y a même des formulaires d’ordonnance de renvoi.» Sur l’interdiction de sortie du territoire de certains responsables Libéraux et l’arrêt de la Cour de justice de la Cedeao, le Procureur spécial observe, à la suite d’un de ses amis, que c’est une décision que «même un étudiant en deuxième année de droit ne ferait pas». Pour lui, la base légale de l’interdiction de sortie du territoire existe bel et bien, car le procureur a, dans le cadre d’une enquête, les mêmes pouvoirs que l’officier de police judiciaire qui, lui, peut prendre toutes mesures même celles défendant à une personne de s’éloigner du lieu de l’infraction.