L’ex-dirigeant tchadien Hissène Habré, accusé de crimes contre l’humanité, placé en détentions provisoire au Sénégal, a décidé de porter plainte contre l’ex-Premier ministre et ancienne Garde des Sceaux Aminata Touré, ont annoncé ce vendredi soir ses avocats lors d’une conférence de presse à Dakar.
A Dakar,
Comme à son habitude maître El Hadj Diouf, l’un des avocats d’Hissène Habré,ne mâche pas ses mots. La défense avait en effet prévenu que l’information qu’elle donnerait lors de cette conférence de presse, ce vendredi soir, à Dakar, serait très importante, et pourrait même modifier le sort de son client. L’ex-dirigeant tchadien Hissène Habré, accusé de crimes contre l’humanité, placé en détention provisoire au Sénégal, a décidé de porter plainte contre l’ex-Premier ministre Aminata Touré, ont affirmé ses avocats.
Hissène Habré porte plainte contre l’ancienne chef du gouvernement, à l’époque ministre de la Justice, pour « faux et usage de faux », l’accusant d’avoir signé le 22 août 2012, l’accord portant sur la création des chambres africaines extraordinaires, qui a permis son arrestation. Accord signé entre le Sénégal et l’Union africaine.
Or la défense affirme avoir « toujours contesté la légalité de cet accord, arguant que l’ancienne Garde des Sceaux et Premier ministre du Sénégal ne pouvait pas signer cet accord dans la mesure où la constitution accorde ce privilège au président de la République, qui à défaut par délégation peut charger le ministre des Affaires étrangères de signer cet accord ».
Un document qui a semblé à la défense toujours « douteux », affirmant n’avoir jamais « cessé de poursuivre des investigation autour des conditions de son élaboration », soulignant qu’elle « « dispose de nombreux éléments qui consolident sa position dans la contestation de la légalité de cet accord ». Elle réclame par conséquent « la libération immédiate d’Hissène Habré et l’annulation de l’ensemble des procédures à son encontre ».
« L’ex-ministre des Affaires étrangères mis en cause »
L’ancien ministre des Affaires étrangères, maître Alioune Badara Cissé, est aussi mis en cause par la défense. Selon elle, Aminata Touré a affirmé que c’est lui en personne qui l’aurait autorisé à signer cet accord alors que seul le chef d’Etat en avait la possibilité. Est-ce réellement le cas ?, s’interrogent les avocats de l’ex-président tchadien.
« Nous voulons que l’ancien ministre des Affaires étrangères disent ce qu’il en est de ce faux document qui a permis la création des Chambres africaines extraordinaires et entrainé l’enlèvement et l’emprisonnement illégal du président Hissène Habré depuis plus d’un ans. Nous pouvons affirmer entre autres que le jour de la signature de l’accord entre le Sénégal et l’Union africaine, le ministre des Affaires Etrangères Alioune Badara Cissé était présent à Dakar. Etant présent on ne pouvait plus déléguer la signature de l’accord à une autre personne ».
La défense d’Hissène Habré interpelle ainsi l’ancien chef de la diplomatie, lui réclamant de faire toute la lumière sur cette affaire, qu’elle compte porter devant l’Union africaine et la communauté internationale. Sceptiques, les avocats de l’ancien président tchadien se posent plusieurs questions : « Le ministre des Affaires Etrangères du Sénégal a-t-il eu une délégation de pouvoirs du président de la République pour agir et signer l’accord de création des chambres africaines ? Le jour de la signature de l’accord entre l’Union africaine et le Sénégal était-il bien à Dakar ? Et enfin Aminata Touré a présenté et fait usage d’un document lui conférant les pleins pouvoirs pour signer l’accord, devant la Cour de justice de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO). A-t-elle signé ce document ou ce document est un faux ? »
Tant de questions auxquelles la défense exigent des réponses, exhortant le président « Macky Sall à tirer les conséquences d’une procédure judiciaire déjà gravement entachée par des violations des décisions de justice, discréditant totalement l’engagement du Sénégal dans l’affaire Habré ».
Hissène Habré, qui vit en exil au Sénégal depuis son renversement en 1990, a été inculpé le 2 juillet 2013, pour crimes contre l’humanité, crimes de torture et crimes de guerre et placé en détention provisoire par les Chambres africaines extraordinaires au sein des juridictions sénégalaises. Ces chambres ont été inaugurées en février 2013 pour poursuivre « le ou les principaux responsables » des crimes internationaux commis au Tchad entre 1982 et 1990.
Recherché également par la justice belge pour crimes contre l’humanité, génocide, crimes de guerre et torture, Bruxelles a à plusieurs reprises demandé au Sénégal de lui confier ce dossier, estimant que les juridictions sénégalaises n’ont pas les compétences nécessaires pour le juger. Requête jusqu’à présent rejetée par ces dernières.