Dakar, 19 août 2014 (AFP) - Les pays africains en proie à l'épidémie d'Ebola manquent tous de moyens, mais le Liberia, qui compte le plus grand nombre de morts, a accumulé les handicaps, explique Cyprien Fabre, responsable du bureau d'aide humanitaire de l'UE (Echo) pour l'Afrique de l'Ouest, de retour de mission sur place.
Q - Quelle est l'évolution de l'épidémie, qui paraît assez contrastée dans chacun des trois pays principalement touchés?
R - En Guinée, on peut dire que les choses sont contenues. S'il y a un nouveau cas, les contacts sont identifiés, on sait dans quelle +lignée+ il se situe.
En Sierra Leone, la plupart des cas sont à Kailahun et Kenema, mais il y a des cas partout. Il y a un manque flagrant de capacités: un seul centre en fonctionnement, un seul laboratoire. Il y a des gens qui s'en vont, qui s'enfuient, qui disparaissent.
Au Liberia, il y a une envolée des cas.
Q - La situation semble dégénérer au Liberia, qui a dépassé en nombre de morts la Sierra Leone, puis la Guinée: quels facteurs peuvent l'expliquer?
R - Il y a plusieurs difficultés qui se sont ajoutées dans ce que les Anglais appellent +the perfect storm+ (les éléments se sont ligués, NDLR). D'abord, il y a un nombre de médecins ridicule par rapport à la population (0,1 pour 10.000 habitants, contre 2,6 en moyenne en Afrique, selon l'Organisation mondiale de la Santé, OMS, NDLR).
De plus, au moment où l'épidémie a éclaté, MSF (Médecins sans Frontières), qui est compétent sur Ebola, n'y était pas présent. L'ONG américaine Samaritan's Purse était là, mais elle a dû arrêter à cause des problèmes qu'elle a rencontrés (la contamination d'un médecin et d'une missionnaire, NDLR) et le Liberia s'est retrouvé sans aucun centre de traitement efficace.
Une autre raison pour laquelle le Liberia est maintenant à la pointe, c'est que ça se passe essentiellement dans le district de Monrovia, densément peuplé.
La bonne nouvelle, c'est que MSF vient d'ouvrir un centre de 120 lits. C'est le noyau à partir duquel on peut faire un suivi des contacts à peu près cohérent.
Q - Le Liberia est particulièrement défaillant sur le "suivi des contacts" des personnes contaminées, selon l'OMS: c'est là que se joue la lutte contre l'épidémie?
R - Pour contenir la propagation, il faut savoir qui sont les contacts et les prendre en charge très rapidement avant qu'eux-mêmes ne contaminent d'autres personnes.
En moyenne, une personne a 10 contacts, entre la famille proche et les infirmiers, médecins, etc.
Ils sont suivis par des agents communautaires à qui on donne, idéalement, une moto et un téléphone. Ils font leur tournée des contacts pendant 21 jours (durée de la période d'incubation d'Ebola, NDLR) pour voir si aucun ne présente de symptômes.
Propos recueillis par Selim SAHEB ETTABA
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