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Enquête Plus N° 949 du 13/8/2014

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Jean Meissa Diop (journaliste) sur les cas ébola: ‘’On peut toujours se fier aux informations de la presse…’’
Publié le jeudi 14 aout 2014   |  Enquête Plus


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Ancien directeur de publication du quotidien Waa Grand place et membre du Conseil national de régulation de l'audiovisuel (CNRA), le journaliste Jean Meissa Diop juge que la presse peut continuer à jouer son rôle avant gardiste tout en s’entourant de précautions. Aussi, est-il d’avis que les journalistes doivent être capables de gestion d'une dépénalisation du délit de presse.

Le directeur de publication du quotidien ‘’la tribune’’ a été arrêté pour avoir diffusé de ‘’fausses’’ informations sur la présence du virus Ebola dans notre pays. Quelle est votre appréciation ?

Je dirais que j’ai toujours préféré la responsabilité à l'objectivité. Une information objective doit être gérée avec responsabilité si elle doit être source de danger, de panique... Et elle est encore pire si elle n'est pas exacte. Prêter au Sénégal et de manière inexacte cinq cas d'Ebola, c'est risquer de compromettre l'admission de pèlerins à La Mecque.

Est-ce à dire que les journalistes ne mesurent pas toujours la portée d'une information ?

C’est très important de savoir le faire. Certains sont prêts à diffuser une information sans en mesurer les conséquences néfastes. Cela dénote d’un manque de responsabilité. A cause de l'écho délirant que la presse leur avait fait, les vols de sexe avaient abouti à des lynchages, à des tueries xénophobes il y a quelques années. Je pense que ce sont des situations à éviter.

A supposer que des cas d’Ebola soient réellement détectés dans notre pays, comment le journaliste devrait-il traiter l’information ?

C’est un choix cornélien : entre taire une information exacte pour éviter d'installer la panique ou mettre en danger la sécurité du pays et diffuser cette info exacte en toute objectivité. Une information doit être exacte et intéressante, enseigne-ton aux journalistes. Mais, pensons aussi au civisme presque chauvin des journalistes américains qui, depuis la guerre du Vietnam, s'interdisent de montrer en photo et à la télé des corps ou du sang d'Américains pour ne pas semer la panique chez leurs compatriotes ; pour ne pas choquer leur pays qu'ils aiment tant.

Mais des questions taraudent des esprits. Le ministère de la Santé livre-t-il la bonne information sur le virus Ebola ?

C’est à vérifier aussi.

Pensez vous que l’omerta doit être de rigueur dans ce dossier sensible ?

Je ne le pense pas, mais dire qu'il y a eu 5 cas d’Ebola alors que ce n’est pas fondé est fautif. Il y a eu un démenti, la semaine dernière, sur les causes alléguées de la mort d'un Sénégalais à l'étranger.

Devant des cas avérés, quelle doit être la posture du journaliste ? Doit-il sonner l’alerte ?

Oui et non : il faut sonner l'alerte pour que les citoyens adoptent des mesures et règles de prudence ; pour que les autorités prennent des mesures de prophylaxie. Non si cela doit semer la panique. Mais l'un dans l'autre, il me semble que la bonne voie est dans la manière de donner cette information ; c’est d’éviter d’être catastrophiste c'est-à-dire ne pas installer la peur ni créer des cas de psychose.

Pensez-vous que le gouvernement sénégalais soit disposé à révéler l'existence de cas d’Ebola à la veille du pèlerinage à La Mecque ?

Cela m'étonnerait.

Pourquoi verserait-il alors dans la rétention d information ?

Il peut être guidé par la crainte de se voir reprocher d’avoir péché en matière de communication et dans la prévention. Ce n'est pas facile, surtout avec la proximité du pèlerinage à La Mecque.

Comment jugez-vous la politique de communication du gouvernement dans ce dossier ?

Le ministre de la Santé a promis la transparence dans la gestion de l’information sur la présence ou non de cas de maladie d'Ebola au Sénégal. Fort bien ! A la radio et à la télé, il y a des spots de sensibilisation et d'appel à la population à la prudence... Je ne suis pas un stratège de la communication, mais le ministère doit pouvoir mettre à contribution les siens pour imaginer une campagne de communication pour faire face.

A l’heure actuelle, à quelle information les populations doivent elles se fier ?

Celle des journalistes, pour autant que celle-ci est diffusée avec responsabilité. Mais le revers dans ce dossier, l'affaire des 5 cas Ebola de la Tribune, va donner des arguments aux adversaires de la dépénalisation du délit de presse. J'écrivais, il y a quelques jours, que nous journalistes devons être capables d'une gestion d'une dépénalisation du délit de presse.

Le ministre de la Santé a reconnu l’existence d’un cas suspect à Fann avant de préciser que les tests sont négatifs…

Oui, il est des cas où nier la vérité est contre-productif, et dessert plus la communication. Que les autorités sanitaires donnent cette information peut faire moins de dégât que si un journaliste la livre sans recoupement ou sans apporter des preuves…

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