D’abord stigmatisé pour son agressivité, Papy Djilobodji, le défenseur sénégalais de Nantes, s’est assagi pour briller, notamment grâce à la pratique du yoga.
Il correspond très peu au profil du Canadien moyen et ne porte pas de chemises à carreaux. Mais quand Papy Djilobodji (25 ans) a quitté le Sénégal pour convaincre l’Europe qu’il pouvait devenir professionnel, il s’est fait traiter de «bûcheron».
Si sa voix timide est trompeuse, le défenseur (1,93m pour 82 kg) sait qu’il s’est longtemps laissé déborder par sa puissance. «Au bled, on jouait n’importe où et on se rentrait dedans», se souvient-il en souriant. «J’ai été repéré par des recruteurs de Lille, j’ai fait un essai là-bas, mais ils ont dit que j‘étais un «bûcheron», car je cassais tout le temps tout le monde. J’aimais trop tacler.»
Djilobodji a alors vingt et un ans et vient d’essuyer un refus de la Lazio de Rome. Il tente sa chance, seul, jusqu’à Chisinau. «Je suis passé par la Turquie, mais je n’avais que les papiers pour aller en Moldavie. Les Turcs disaient qu’ils allaient me mettre en prison et je leur répondais que je n’étais pas là pour squatter chez eux. J’ai dormi à l’aéroport et j’ai fait un bon essai en Moldavie. Tout était nickel à la visite médicale, j’ai posé avec le maillot et le coach. Pour moi, c’était signé, mais, après, ils m‘ont dit non, je ne sais même plus pourquoi… Pas grave, je suis rentré. Sans jamais douter.»
«Au Sénégal, ils me disaient d’arrêter de fuir parce que je voyageais tout le temps», confie-t-il. «Mais je savais que ça se ferait un jour, car j’aimais trop le foot. Et quand j’ai signé à Moissy, ils étaient tous contents.»
Il rêve depuis toujours du Real Madrid
Ce n’est pourtant que du Cfa mais c’est un moyen de montrer qu’il peut aller plus haut. Il ne met que six mois à y parvenir. «J’ai signé à Nantes le 4 janvier 2010. Depuis, je n’ai pas arrêté de travailler.»
II y avait en effet du boulot. «Je balançais les ballons et je me faisais railler, car je ne progressais pas, raconte-t-il. Il a fallu que je change. À l’entraînement c’était parfois chaud. Je m’énervais contre mes propres coéquipiers. Je menais des coups et il y avait des disputes. Un jour, j’ai taclé Jordan Veretout, et Landry Chauvin m’a pris à part pour me demander : ça sert à quoi de faire mal ? Je me suis calmé».
Entraîneur du Fc Nantes de 2011 à 2012, Chauvin a vite cerné le travail : «Au début, Papy ne mettait que des boîtes. Il était plus maladroit que méchant. Il voulait tellement prouver... Il fallait le canaliser. Je lui ai donné deux objectifs : défendre debout et relancer court.»
Le yoga pour se maîtriser
Djilobodji a agrémenté ces conseils de cours de yoga pour se maîtriser et les résultats sont saisissants. Irréprochable en Ligue 2, il brille en Ligue 1. «Il était juste techniquement et a pris une autre dimension l’an dernier», constate son entraîneur Michel Der Zakarian qui lui reproche seulement de ne pas parler assez. «Papy a tout ce qu’il faut : taille, vitesse, puissance, technique. Il est plus réfléchi dans la lecture du jeu même s’il a encore des absences. Avant il n’aimait pas les petits jeux. Maintenant, c’est propre dans la relance courte et quand il joue long en diagonale, il donne de très bons ballons.»
«Je ne vois pas pourquoi Djilobodji partirait en juin»
Cette palette suscite l’admiration de Rémy Riou. «C’est rassurant de jouer derrière lui car il sait tout faire», lâche le gardien arrivé en 2012. «II est énorme depuis que je le côtoie. Il a su s’adapter très vite au haut niveau, avec beaucoup de travail et d’intelligence. C’est l’un des meilleurs défenseurs de la Ligue 1, si ce n’est le meilleur, parce qu’il est vraiment impressionnant. S’il corrige quelques détails de concentration, il ira très loin».
Djilobodji rêve depuis toujours du Real Madrid, mais pour quitter Nantes il faudra convaincre Waldemar Kita. «Papy représente notre plus belle progression de joueur depuis quatre ans. Il a encore deux ans et demi de contrat, je ne vois pas pourquoi il partirait en juin».
D’ici là, le Sénégalais a encore le temps de progresser. Même les arbitres s’en sont aperçus. L‘un deux a récemment dit qu’il avait «bien grandi».