Des transporteurs de Pompiers, à Dakar, se disent favorables à une délocalisation de leurs activités de cette gare routière dakaroise à celle de Baux maraîchers, une perspective qui ne semble pas enchanter petits commerçants et rabatteurs, communément appelés ''coxeurs".
Voitures mal garées par-ci, tables de commerce de fortune installées par-là: rien dans l'ambiance de Pompiers ne semble renvoyer à un transfert dimanche des activités de la principale gare routière de Dakar. L'ambiance habituelle connue des usagers était de mise, jeudi matin, ont constaté des reporters de l'APS.
Des rabatteurs erraient dans tous les sens, en quête d'éventuels clients, pendant que petits commerçants et vendeurs à la sauvette continuaient de harceler les voyageurs, dans un décor fait de tas d'ordures jonchant le sol devenu humide et boueux après les dernières pluies. L’odeur nauséabonde des flaques d'eau ajoutait à l'inconfort de ce haut lieu du transport à Dakar.
Selon Mor Boye, président du Regroupement des chauffeurs de la gare Pompiers, les transporteurs sont prêts à rejoindre la gare routière des Baux maraîchers (Pikine), un nouveau cadre qui "offre beaucoup plus d'avantage".
"Nous avons visité la gare des Baux maraîchers et nous sommes d'accord pour nous y installer", a dit ce responsable des transporteurs, trouvé dans un coin de la gare appelé "Tableau Touba", à côté d’un tableau désignant la capitale du mouridisme. De là prennent en effet départ les taxis de la ligne Dakar-Touba.
"Baux maraîchers est plus belle que Pompiers et offre beaucoup plus de garanties sécuritaires. Cette nouvelle gare va contribuer à la modernisation des transports", reprend Mor Boye, la cinquantaine.
Il se dit réjoui par le déménagement des activités de Pompiers vers la gare Baux maraîchers. D’une d'une superficie de 16 hectares, cette nouvelle gare routière est présentée par les autorités sénégalaises comme la plus grande d'Afrique de l'Ouest.
"L'espace à Baux maraîchers est beaucoup plus grand. Il y a des toilettes pour les hommes et pour les femmes, des bureaux pour le Regroupement (des chauffeurs), une mosquée et un grand hangar pour les chauffeurs, bref tout ce dont nous manquions ici à Pompiers", argumente-t-il.
Un enthousiasme peu partagé par commerçants et rabatteurs, partie intégrante du quotidien et du décor de ce haut lieu du transport dans la capitale sénégalaise.
Devant sa cantine débordant d'articles visiblement d'importation chinoise, Pape Seck, l'adjoint du président du Regroupement des commerçants de Pompiers, se dit ''très inquiet'' plutôt du prochain transfert des activités de ce garage vers celui des Baux maraîchers.
"Nous sommes très inquiets, nous avons adressé des correspondances à la mairie mais aucune suite n'a été donnée" à notre requête, déclare ce commerçant dont la rougeur des lèvres renseigne sur 'une grande consommation de cola.
''Aucune autorité n'est venue nous voir pour discuter de notre situation par rapport au déplacement prévu dimanche prochain, alors que nous sommes là depuis plus de 30 ans et payons des taxes", ajoute-t-il.
"Nous ne savons pas ce que nous allons faire de nos bagages, insiste-t-il, nous occupons plus de 500 cantines à la gare de Pompiers. Or, la nouvelle gare est gérée par des privés et le montant des cantines est au-dessus de nos moyens (225.000 francs pour disposer d'une cantine sans compter le prix du loyer fixé à 75.000 CFA par mois)", poursuit-il.
D'ailleurs, selon lui, le nombre de cantines demeure limité comparé à la demande potentielle.
Ibrahima Cissé, tenancier d'un restaurant de fortune spécialisé dans le petit déjeuner, reconduit quasiment les mêmes arguments. Il affirme ne pas savoir de quoi sera fait son futur, le front dégoulinant de sueur, avant de confesser que quitter la gare Pompiers va être "très dur, après plus d'une vingtaine d'années passées en ces lieux".
Modou Sall, un rabatteur (coxeur) portant des dreadlocks, se dit pour sa part perdu et désorienté à l'idée de quitter la gare Pompiers "sans aucune garantie".
"On nous a dit qu'on va déguerpir, mais on ne nous a pas précisé si nous allons être admis dans la nouvelle gare ou pas, dit-il. Nous utiliserons des moyens de pression pour y entrer, parce que nous vivons de ce métier, c'est notre seul source de revenus", souligne-t-il.
Les pouvoirs publics comptent construire 28 tours de 10 étages chacune sur le site de Pompiers, une fois les activités de cette gare transférées à Baux maraîchers.