Le foncier rime avec richesse et avec scandale à Mbour. Ce sont des plaintes et des remontrances qui rythment le comportement de certains élus locaux et de citoyens à la chasse quotidienne de terre à vendre. Ce qui pousse au lotissement des zones inondables. L’affectation des terres à des privés et le lotissement tous azimuts entraîne un comportement séditieux des citoyens. Des équipes municipales ont fait les frais de la gestion du foncier.
«L’Etat ne peut pas laisser le foncier sous la responsabilité des collectivités locales, parce que ce domaine est très sensible et peut être source de déséquilibre social», avait soutenu le président de la République Macky Sall aux élus locaux au lendemain de sa prise de pouvoir. Cette assertion est tellement vraie que les élus locaux, dans leur écrasante majorité, bottent en touche lorsqu’ils sont interpellés sur la question. Invariablement, voici la réponse servie : «S’il vous plaît, le foncier est très sensible et d’ailleurs ce n’est pas le moment d’en parler». S’il s’en trouve un qui accepte de parler, il requiert l’anonymat. Car, au Sénégal, foncier rime avec scandales.
C’est le cas de Mbour. Le département connaît une croissance démographique fulgurante et pose avec acuité la question de l’occupation des terres. En effet, la situation géographique et les perspectives économiques qui ressortent de l’agriculture, du tourisme, de la pêche, de l’artisanat et du commerce font de Mbour un pôle économique attractif. Les demandes pour avoir accès à des lieux de logement deviennent de plus en plus fortes. S’y ajoute le besoin des paysans de disposer d’un lopin de terre pour une exploitation familiale.
La ville fait face à une pression foncière permanente. Au niveau de la commune, plus de mille (1000) demandes de parcelles sont dans les tiroirs, alors que la commune n’a plu de réserve foncière. Devant ces demandes pressantes, les collectivités locales procèdent de plus en plus à des lotissements. Or, ces morcellements des terres sont le plus souvent sources de problèmes entre ceux qui en possèdent par le droit coutumier et les élus locaux. Egalement, dans de nombreux cas, des citoyens vendent la même parcelle à plusieurs personnes. Des paysans sont expropriés de leurs champs. Ces litiges fonciers aboutissent à des plaintes au niveau de la gendarmerie et des commissariats et des fois à des batailles rangées.
LOTISSEMENT DES BRAS DE MER
Une bombe écologique
Dans la Petite Côte, les lotissements sont faits, soit pour satisfaire la demande de la population, soit pour entretenir une clientèle politique, ou encore pour se remplir les poches, selon un cadre du cadastre. Et le pire dans ce morcellement des terres au niveau des communes est qu’il ne suit aucune règle environnementale.
A Joal, c’est le lotissement tous azimuts. «Cela frise le ridicule. On se demande même si l’Etat exerce son devoir de supervision », fustige Saliou Mar, un habitant de la localité. Le bras de mer a été morcelé et distribué en parcelles d’habitation. Le quartier est appelé cité «khorom» (la cité du sel).Conséquences, à chaque hivernage, le site de plusieurs hectares connaît les plus grandes catastrophes du département. D’abord, compte tenu de l’humidité permanente et de la présence du sel, les murs sont rongés au jour le jour. Mais, aussi une insalubrité sans commune mesure y a élu domicile, surtout avec la présence des «fours» (lieux où l’on fabrique des poissons fumés).
Dans la communauté rurale de Malikounda, notamment au niveau du bras de mer situé entre Warang et Nianning, on assiste à une course à l’habitation destinée aux Européens. A Mbour, au mois de mai, la mairie a voulu procéder à un remblayage de la lagune du bras de mer de Mballing, pour éviter les inondations. Cela n’a pas été fait. Pape Thiaw, Chef de bureau des affaires domaniales de la commune, explique : «Nous n’avons pas remblayé la lagune. Ce site appartient à une tierce personne qui détient par devers lui des documents attestant qu’elle est le propriétaire. »
Erosion côtière et inondations
Ainsi, c’est la lutte contre les inondations qui est compromise. La commune de Joal enregistre chaque année le plus lourd bilan des catastrophes liées aux inondations. Pendant la saison sèche, avec les marées hautes, les bras de mer ont toujours servi de déversoir à la mer. Conséquence, l’érosion côtière est devenue une préoccupation majeure dans la région qui voit ses plages et certains hôtels menacés par la mer.