Le Sommet Etats-Unis/Afrique qui s’ouvre à Washington est parti pour marquer un tournant dans les relations entre les deux marchés. Le partenariat gagnant-gagnant, la coopération entre secteurs privés, l’identification des niches porteuses de croissance économique (Energie, Nouvelles technologies etc), semblent désormais supplanter le discours sécuritaire classique. Un changement de paradigme que décortique le Président Sall, lors d’une rencontre avec la presse hier à Washington. Mais auparavant, Macky Sall a tranché le débat sur la dépénalisation de l’homosexualité au Sénégal.
Homosexualité
Je ne vois pas pourquoi ce que j’ai dit en 2013 puisse changer aujourd’hui. Du reste, il faut être juste avec le président Obama. Je ne pense pas qu’il ait tenté d’imposer quoi que ce soit. Cela n’a pas été cas. Lors de nos discussions, il n’en a pas parlé en vérité. C’est un journaliste de la délégation américaine qui a soulevé le sujet, mais de toutes nos discussions bilatérales, ce sujet n’a pas été évoqué puisqu’il connaît ma position qu’il a respectée, la position d’un pays, comme nous nous respectons les positions americaines dans leurs lois ici aux États-Unis. Donc il n’y a pas de quoi fouetter un chat, c’est un sujet qui est derrière nous. Concentrons-nous sur l’essentiel, le développement économique et social de nos pays en sachant aujourd’hui que le Sénégal n’est pas un pays qui va accepter qu’on lui impose sa ligne de conduite sur quelque secteur que ce soit ou sur quoi que ce soit
Un nouveau départ
Ce sommet doit aborder des questions de fond, de coopération entre l’Afrique et les États-Unis; des questions qui abordent les problématiques de paix sur le continent et de paix mondiale, mais aussi la problématique du développement à travers l’investissement, le commerce et la gouvernance. Ce sont des sujets autour desquels nous allons échanger. Ce que je voudrais saluer, c’est l’esprit d’ouverture de l’administration d’Obama dans la préparation de ce sommet. Des contacts ont pu être noués avant ce sommet, moi-même j’ai reçu plusieurs fois ses équipes à Malabo puis hier soir encore, pour chaque fois s’assurer que les préoccupations communes sont bien prises en compte afin que les résultats soient un succès.
Le confort intellectuel pourrait pousser à dire, oui un sommet de plus, mais par la nature du sommet, c’est la première fois que l’Afrique, à travers ses différentes composantes au-delà même de l’Union africaine dans sa globalité, et les États Unis se retrouvent autour de préoccupations communes : investissement en Afrique, croissance, agriculture ; la santé au moment où nous parlons d’ebola, des problématiques de sécurité mondiale qui aujourd’hui dépassent les frontières du continent, celles américaines..
Changer la perception sur l’Afrique
Et si vous voyez les chiffres sur l’investissement direct étranger, vous verrez que ces sommets ne sont pas inutiles, qu’ils permettent de débloquer des initiatives et surtout pousser le secteur privé américain qui est extrêmement puissant à pouvoir venir puisque généralement, le privé américain considère que, soit le marché est restreint en Afrique, soit il y a des problèmes de gouvernance et de corruption. Il faut enlever cette perception, montrer que l’Afrique, c’est une dynamique qui avance, c’est aussi des efforts en matière de démocratie, de gouvernance et de transparence et c’est une terre d’opportunités. C’est à travers ces contacts que cela est fait.
Il y a le problème de la sécurité, la lutte contre le terrorisme. Ces contacts vont permettre de lever des initiatives nouvelles pour permettre à nos États de faire face à ces défis qui se posent à nous au moment où nos États avaient cessé quasiment d’investir sur la sécurité au profit du développement humain, de la santé, de l’éducation. Aujourd’hui, la sécurité est devenue un impératif pour nos États et je pense que ce sommet permettra de sortir avec des solutions importants ; donc ce n’est pas un sommet de plus mais un nouveau sommet qui va marquer un point de départ.
L’Afrique est le Continent qui a la population la plus dynamique
C’est vrai l’Afrique est devenue très attractive, elle est devenue une terre d’opportunités. C’est un continent de 800 millions d’habitants, plus de 300 millions de personnes capables d’accéder aux biens et services en termes de marché, donc le continent est un marché porteur pour la croissance du monde. Et je ne parle même pas de ses ressources naturelles qui étaient à un moment donné son atout même si cela ne lui a pas permis de décoller. Les ressources minières, pétrolières n’ont pas été exploitées dans les meilleurs conditions pour le continent.
Mais l’Afrique aujourd’hui, c’est le potentiel humain, c’est le continent le plus jeune qui a le plus de jeunes, qui a la population la plus dynamique. C’est tout cette convergence de facteurs positifs en faveur de la croissance qui fait que le monde actuel sait que c’est maintenant qu’il faut prendre position. Il y a de l’opportunité dans l’investissement, dans le développement des infrastructures ; donc tous ces pays doivent pouvoir aider leurs entreprises à venir évoluer en Afrique où tout est à construire.
Nous avons des chemins de fer de plus de 50 000 km à construire, plus d’un millier de ponts, plus de 10 000 km d’autoroute. Donc ce sont des opportunités ; que ce soit la Chine, l’union européenne ou les États-Unis, chacun essaie d’avoir des positions fortes. Je pense donc qu’il est normal que l’Afrique également puisse diversifier sa coopération pour tirer son épingle du jeu. Nous aurons à apprécier les offres de chaque partie, c’est cela le partenariat gagnant-gagnant et aujourd’hui, il faut se réjouir que l’Afrique soit plus écoutée, plus prise au sérieux.
Personne ne peut nous imposer des conditions si ce ne sont les nôtres
Les relations qui ne sont pas basées sur le respect, ce ne sont pas des relations. Il ne me revient pas dans l’idée, dans nos relations avec les États-Unis, de constater un diktat quel qu’il soit. Si des problèmes se posent, c’est en partenaires que nous discutons et il faut le reconnaître, j’ai donné l’exemple de ce sommet ; ils ont pris la peine plusieurs fois de revenir vers nous recueillir nos avis et changer le programme de ce sommet, donc c’est des partenaires qui nous respectent, qui tiennent compte de nos avis. Il ne faut pas avoir le sentiment que les États-Unis imposent un point de vue, ce n’est pas le cas. Ils ne peuvent pas nous imposer des conditions si ce ne sont les nôtres.
Plan Sénégal Emergent
Le Plan Sénégal émergent est déjà vendu aux investisseurs américains. Il faut dire que le dernier eurobond que le Sénégal a levé il y a à peu près une semaine sur le marché international a été financé à hauteur de 50% par les investisseurs américains et nous avons levé 500 millions de dollars, 250 milliards de Cfa. C’est dire donc qu’ils font confiance au Sénégal, à sa stabilité, en sa démocratie et dans la politique que j’ai mise en oeuvre depuis deux ans et demi basée sur la consolidation des acquis de la démocratie, la promotion de l’état de droit et surtout sur la lutte contre la gabegie et la non-transparence .
C’est cela qui explique les notations positives que le Sénégal a obtenues. Nous avons levé le premier sukuk qui est un instrument financier islamique pour 200 millions de dollars et c’était une première en Afrique subsaharienne que le Sénégal a inaugurée. Donc la semaine dernière, c’est 350 milliards de Cfa en liquidités que notre pays a pu obtenir de la communauté internationale. Si elle n’avait pas confiance au Sénégal ou en ses politiques économiques ou en sa démocratie, je ne pense pas que cela aurait été possible.