Le procès de Karim Wade et co-prévenus a été marqué hier, lundi 04 août, au palais de justice, par une véritable bataille procédurale qui a opposé les parties entre elles et par moment entre la défense et le parquet spécial.
C’est d’abord l’exception de la constitution de partie civile de l’Etat dont les observations n’ont pas été reconduites par les avocats de la défense. Pour tenter de l’expliquer, Me Seydou Diagne, avocat de la partie civile, le justifie par une erreur que la défense veut corriger. « La dernière fois, ils avaient demandé de statuer d’abord sur la constitution de partie civile avant de vider celle d’avocats. Ce qui veut dire qu’à travers cette démarche qu’ils reconnaissent la Crei. Ils ne peuvent ainsi soulever l’exception d’incompétence de ladite juridiction. Et même s’ils ont déposé des conclusions d’irrecevabilités de la constitution de partie civile de l’Etat, ils se sont exprimés oralement devant la cour. Nous demandons à ce qu’on leur oppose une fin de non recevoir », fait-il savoir. Pour Antoine Félix Diome, «ils ont fait des erreurs en soulevant l’irrecevabilité de la constitution d’avocat. Par conséquent, ils reconnaissent la légalité de la Crei. Ils ont fait un cafouillage et pour se rectifier, ils présentent une nouvelle exception ».
Les conseils des co-prévenus de Karim fustigent …
C’est Me Borso Pouye qui assène des coups à la Crei. « Le procès n’est pas seulement celui de Karim Wade, mais également des prévenus. Je ne comprends pas pourquoi mon client, présumé complice, n’est pas interrogé, ici à la barre, au même titre que l’autre principal, Karim Wade ». De plus, ajoute-t-il « nous n’avons jamais reçu de mise en demeure, qui, au terme de la loi relative à l’enrichissement illicite est le premier élément constitutif de l’infraction d’enrichissement illicite ». Ce qui veut dire que la procédure ne nous concerne pas. D’autres avocats qui se sont constitués aux côtés des complices regretteront cette attitude de la cour et du parquet spécial. Comme pour corriger, le Président Henri Grégoire appelle les co-prévenus avant de permettre à leurs conseils de faire des observations. Cependant, l’absence de la mise en demeure est vite balayée par le substitut du procureur spécial, Antoine Félix Diome, qui explique que : « la loi ne prévoit pas la mise en demeure des complices ». Cependant, s’empresse-t-il d’ajouter : « dans le cadre de l’enquête, lorsqu’on se rend compte d’une implication des personnes visées, la loi nous fait obligation de servir une mise en demeure ».
C. BA (stagiaire)
LA COMPETENCE MATERIELLE A JUGER…
La cour invitée à apprécier sa compétence à juger les poursuivis
Apres les exceptions soulevées au premier jour du procès dont certaines ont été vidées hier, par la cour de répression de l’enrichissement illicite, les avocats de la défense reviennent par d’autres voies à travers les exceptions relatives à la compétence, à la rationae materiae (compétence matérielle)
Les avocats de la défense continuent de croire que Karim Wade n’est pas justiciable de la cour de répression de l’enrichissement illicite. Pour eux, c’est la haute cour de justice qui doit connaitre des faits reprochés à l’ancien Ministre d’Etat. A l’appui de leurs arguments, ils énoncent l’article 101 de la Constitution selon lequel : « le Premier Ministre, les ministres sont pénalement responsables des faits accomplis dans l’exercice de leurs fonctions ». Qui, à leur avis, doit avoir une force supérieure à la loi relative à la Crei.
LE CARACTERE INSTANTANE DU DELIT D’ENRICHISSEMENT ILLICITE EN QUESTION
La défense ne veut pas croire au caractère instantané du délit d’enrichissement illicite pour soustraire à Karim Wade la possibilité d’être jugé par la haute cour de justice. Selon le bâtonnier de l’ordre des avocats en France, Me Fatua, « au moment de la constitution de l’infraction, Karim était sans qualité. On ne peut pas appliquer une infraction instantanée à une personne sans qualité ». Ce qui n’est pas du goût du substitut au procureur, M. Diome, selon qui : « le délit instantané se caractérise au moment de la réponse faite à la mise en demeure ». Et d’ajouter : «au moment de la réponse, on ne pouvait parler d’une immunité ou d’un privilège de juridiction. L’infraction s’est constituée après la mise en demeure »
LA DEFENSE SOLLICITEE A PRODUIRE TOUTES SES EXCEPTIONS
Constatant que la défense sert des exceptions à chaque audience, le parquet spécial a demandé la jonction de toutes les exceptions pour une réponse coordonnée. « Poser les exceptions en intégralité pour permettre au parquet spécial de répondre. Sinon, on risque de passer un mois sur les exceptions » La cour a finalement suspendu les débats qui reprendront aujourd’hui à 14H30mn. Ainsi, au terme des observations de la partie civile, la cour déterminera si elle est compétente.
EXCEPTION EN VUE - LA DECLINATOIRE DE COMPETENCE POUR RECUSER LA CREI
La cour de répression de l’enrichissement illicite risque d’être rattrapée par la bizarrerie de la procédure dans laquelle elle s’est engagée. C’est la conviction de Ciré Clédor Ly qui s’exprimait sur l’incompétence de la Crei. «La CREI, selon lui, est incompétente à juger Karim Wade». «Le Ministère public, confie l’avocat de l’ancien ministre d’Etat, avait la possibilité de saisir la juridiction compétente, mais a choisi la Crei».
«Contestant la procédure, nous avons saisi la cour suprême», a-t-il ajouté. Avant de poursuivre: «il y a déclinatoire de compétence. La cour suprême a déclaré recevable le recours sur le déclinatoire de compétence en attendant que le conseil constitutionnel puisse statuer sur l’exception». La cour suprême, informe-t-il, «n’a jamais vidé le dossier parce que la commission d’instruction n’a jamais voulu transmettre le dossier». Et d’avertir : «l’assemblée générale de la cour va se réunir. La décision rendue, aura certainement des conséquences sur la cour de répression de l’enrichissement illicite.
LES CAS BIBO ET CONSTITUTION D’AVOCATS - LA COUR ENTRE DISPENSE ET REJET
La cour dans ses débats a statué sur la situation sanitaire de Bibo Bourgi en lui accordant une dispense de comparution pour 48 heures. De plus, elle a rejeté l’exception de la constitution d’avocats, tout en restant muette sur la constitution de partie civile de l’Etat.
BIBO DISPENSE DE COMPARUTION POUR 48HEURES.
Le certificat médical de Bibo Bourgi fait état d’infections urinaires. Raison pour laquelle, le Président lui a accordé une dispense de comparution . Ce qui n’est pas du goût de la partie civile qui rectifie, par la voix de Seydou Diagne, que « le médecin ne dit nulle part que son état de santé n’est pas compatible avec la comparution». La défense a également fustigé l’indécence des propos selon lesquels Bibo serait un malade imaginaire. « Les propos des avocats de l’Etat sont imaginaires. Ne jetez pas l’opprobre sur le médecin. Nous prenons acte de cette dispense de comparution », s’émeut la défense. Me Guédel Ndiaye, avocat de Bibo Bourgi, victime d’un accident vasculaire cérébral n’a pas assisté aux plaidoiries.
REJET DE L’EXCEPTION D’IRRECEVABILITE
Alors que la cour était attendue sur les exceptions de constitution d’avocats, elle les a finalement rejetées. Ce qui, en clair, donne droit aux anciens ministres, Premier Ministre, actuels parlementaires, élu local, dont la constitution était récusée, de pouvoir plaider pour ou contre l’Etat. Les avocats de la défense( Mes Souleymane Ndéné Ndiaye, Madické Niang , Alioune Badara Cissé, El hadj Amadou Sall), et les avocats de la partie civile( Mes El hadj Diouf, Moustapha Mbaye) peuvent se constituer aux côtés de leurs clients.
MUTISME SUR LA CONSTITUTION DE PARTIE CIVILE DE L’ETAT
Au premier jour de l’audience, les avocats de la défense ont soulevé l’impossibilité pour l’Etat de se constituer partie civile. Hier, les avocats n’ont pas reconduit leurs observations relatives à ce point. La cour n’a pas donné son avis sur cette question.