Je me suis réveillée ce mardi matin avec un pli de quotidiens aux titres rivalisant de fougue pour qualifier ce qu’ils assimilent à une bourde. La veille en effet, le ministre Mbagnick Ndiaye a eu la ‘’maladresse’’ ou la ‘’galanterie’’, de rendre un hommage national à la Première Dame du Sénégal, Mme Marième Faye Sall, pour un supposé coup de pouce que cette dernière lui aurait donné dans son ascension à la ‘’dignité’’ ministérielle. Vu le lieu d’où le message est parti, l’effet médiatisation est tout garanti.
Au Sénégal, la passation de service n’est pas seulement un acte administratif de transmission de témoin et de dossiers. C’est malheureusement aussi un instant de drame où remontent en surface, des considérations familiales, claniques, ethniques, de partis. Et bien souvent, des émotions sur fonds de déchirements relationnels s’invitent dans la partie, au grand dam des vertus cardinales qui doivent orienter le fonctionnement d’institutions de la République. En parcourant la presse écrite, j’ai pu me rendre du niveau de mauvaise qui caractérise certains articles.
Sacrifiant ensuite à un autre rituel quotidien, j’ai allumé mon ordinateur et plongé dans les sites internet. Oh bon Dieu ! J’ai failli vomir tant j’ai été foudroyée par la violence des commentaires postés dans la partie dédiée aux réactions. Des injures et insanités déversées à longueur de réactions souvent anonymes, simplement parce que la langue d’un ministre a…fourché. Pourquoi tant de violence, me suis-je demandé ? A supposer même – chose du reste difficile à prouver - que la Première Dame ait joué un quelconque rôle dans la nomination du ministre incriminé, cela mérite-t-il un tel torrent de haine, d’injures d’incorrection et d’absence de courtoisie verbale. Toutes choses qui sont en porte à faux avec notre culture ? Je pose un débat et j’espère que j’aurais réponse à mes interrogations.
Mon propos n’est certainement pas de défendre qui que ce soit. Surtout pas le ministre Mbagnick Ndiaye dont je ne connais ni les talents, ni les faiblesses. Bien au delà, mon propos porte sur une matière qui me semble plus importante : la posture d’esprit qu’il faut cultiver pour que le dialogue, la discussion et l’échange s’imposent face à la violence verbale, invectives et injures qui ont fini de polluer l’espace public. Le prétexte que je m’en vais prendre est justement la Première Dame Marième Faye Sall que je ne fréquente du reste pas.
Si je prends ma plume, c’est que je ne comprends pas cette tendance à la limite pathologique, qui consiste à systématiquement attaquer Marième Faye Sall, dès qu’elle pointe le nez dehors. Lui refuserait-on tous les droits, y compris celui de devoir même exister à côté de son époux ? Excusez mon impertinence, mais je soupçonne certains sénégalais, pas tous, d’être frappés par un complexe assez vieux, qui s’appelle le Complexe du colonisé. Je pousse mon impertinence jusqu’à penser que si Marième Faye s’appelait Marie France, la posture de certains de nos compatriotes (encore une fois pas tous) ne serait pas la même que celle qu’on observe depuis quelque temps et qu’il faut arrêter.
Depuis les Indépendances, les Premières dames qui se sont succédés sont soit toubab, soit métisse. Nous avons eu notre Colette Senghor, plutôt discrète, mais très influente auprès de son époux Léopold Sédar Senghor. Cela n’avait jamais choqué personne. Elisabeth Diouf avait le pouvoir de nomination sur des postes importants qu’elle se gardait naturellement de rendre publics.
Que dire du dernier couple présidentiel, les Wade avec une Viviane outrancièrement moralisatrice, qui donnait souvent l’impression de s’adresser à des mineurs lorsqu’elle parlait aux sénégalais. Je ne veux ni exagérer, ni manquer de respect. Mais qui ne se rappelle pas des conseils qu’elle aimait formuler en direct de la télévision nationale, demandant aux soldats de se mettre à la mode ‘’préservatif’’ pour éviter de contracter le virus du Sida ? Je ne pense personnellement pas que ce discours soit choquant en soi, même si on peut en redire sur la forme.
Seulement voilà, Marième Fall Sall aurait-elle prononcé des propos de ce genre qu’elle aurait été lynchée par la nouvelle caste de moralisateurs qui ont fini par s’accaparer de l’espace public et surtout des médias. En vérité, en tant que Première Dame, Mme Viviane Wade n’a pas connu d’attaques importantes alors que sa Fondation vivait en grande partie de transferts budgétaires nébuleux et qu’elle introduisait régulièrement des groupes d’affaires au Palais que son époux recevait avec beaucoup d’attention. Aujourd’hui, je suis sûre que l’Etat dispose d’informations sur la Fondation Education Santé qu’il se garde de rendre publiques.
On pourra toujours rétorquer que c’est son fils Karim Wade qui avait pris toute la dose haineuse… des attaques de certains de nos compatriotes. Mais avec le recul, on peut aujourd’hui dire que si celui qu’on appelait ‘’ministre du Ciel et de la Terre’’ a été ciblé, ce n’est point parce qu’il est fils de Me Abdoulaye Wade. Sindiély, impliquée dans le scandale du FESMAN n’a pas subi les mêmes attaques. Nous pensons que si Karim Wade a été visée c’est aussi et surtout parce qu’il ambitionnait de remplacer son père à la tête de la Magistrature suprême.
Il ne faut donc pas mélanger choux, carottes et côtelettes d’agneau dans la même affaire. Marième Fall Sall n’est pas Karim Wade. Si comparaison doit être faite, c’est par rapport au traitement dont toutes les Premières dames qui se sont succédé au Sénégal, ont bénéficié. Marième Faye Sall, parce qu’elle est une femme noire, sénégalaise imbue de la culture locale, a la même dignité que Colette Senghor, Elisabeth Diouf et Viviane Wade. Je pose là, la question de notre rapport à nous-mêmes, du respect qu’on doit accorder à toutes les Premières dames, qu’elle que soit la couleur de leur peau, leur religion, leur culture et leur réseau relationnel. Aucune discrimination ne saurait être tolérée et les complexes d’une autre époque ne doivent pas prospérer.
En vérité et sans aucune connotation négative, le lobby des Premières dames est au cœur de tous les pouvoirs, quelque soit le lieu où on se trouve dans le monde. Il faut vraiment être naïf pour penser que le rôle de l’épouse du Président le plus puissant du monde, Michelle Obama s’arrête juste dans l’espace nucléaire de la famille. Sans que cela ne choque l’opinion publique américaine, qui est l’une des plus critiques au monde, sans doute aussi l’une des plus avancées, Michelle Obama s’est impliquée dans des campagnes de levée de fonds.
Femme la plus puissante du monde en 2010, selon le prestigieux classement FORBES, Michelle Obama était arrivée en tête devant Angela Merkel parce que "la Maison Blanche l'implique dans la campagne où elle est la vedette d'événements de levée de financements dans des Etats disputés comme la Californie ou le Colorado, ce qui en dit long sur son charisme", expliquait forbes à propos de la première dame des Etats-Unis. Le magazine évoquait aussi ses connexions avec certains milieux d’affaires en relevant qu'elle avait réussi à influencer, dans le cadre de sa campagne contre l'obésité infantile, des géants comme coca-cola ou kellogg's. Dans une cérémonie, juste après la publication de ce classement, Barack Obama avait battu tous les records en applaudissements lorsqu’il s’est présenté dans une salle archi-comble comme ‘’l’époux de la femme la plus puissante du monde’’.
Que dire des pouvoirs d’Hillary, alors qu’elle était l’épouse de Bill Clinton. Elle avait été nommée dans le groupe de conseillers de la Maison blanche chargé de réfléchir sur des questions aussi importantes que la Réforme du système de Santé. Le pouvoir d’Hillary était énorme et les lobbies aux Etats-Unis n’hésitaient pas à l’utiliser. On peut pousser la comparaison jusque dans des démocraties comme celle française avec une Carla Bruno sous Nicolas Sarkozy, qui ne se contentait pas seulement de servir du café aux invités de son mari mais savait aussi faire le tri entre visiteurs désirables et indésirables. En vérité, le sujet n’est pas neuf. Car si Margaret Thatcher avait épousé un mari discret, dont la musique est d’être ‘’toujours présent, jamais là’’, elle a été honnête pour savoir que sans la fortune colossale de Denis Tchatcher, elle n’aurait jamais pu percer en politique.
Combien de personnes connaissent le rôle que Marième Faye Sall a joué aux côtés de son époux pendant que Macky Sall était devenu l’homme à abattre par le système ? Combien sont-ils à réellement la connaître avant de porter un jugement hâtif ? Ceux qui critiquent si injustement, connaissent-ils vraiment ses qualités de cœur ? J’estime pour conclure, qu’il faut savoir raison garder et rester dans une dynamique constructive.
Au moment où l’on parle de pouvoirs multiformes de lobby aussi divers que variés qui agissent partout dans le monde (il ne faut pas se faire d’illusion), il est bon que les africains eux-mêmes s’organisent pour défendre ce qui vient d’eux. L’essentiel n’est sans doute pas de savoir si elle a de l’influence ou pas. Tout le monde en vérité a de l’influence. La bonne question est plutôt de se demander si cette influence est positive ou négative. A mon humble avis, ce que je vois concrètement inspire plutôt confiance. Le temps est peut-être venu de renforcer ce qui vient de nous. N’est-ce pas ?