Près d’une centaine de personnes sont citées à comparaître au procès de Karim Wade ouvert jeudi dernier 31 juillet. ‘’EnQuête’’ s’est intéressé à quelques témoignages faits à l’enquête et à l’instruction par certains dignitaires du régime libéral.
Evaluée à 18 milliards 938 millions 653 mille F CFA, la société AHS fait partie du patrimoine de Karim Wade, selon l’ordonnance de renvoi en jugement. Mais durant l’instruction, le fils de l’ex-président Wade, dont le procès pour enrichissement illicite s’est ouvert jeudi dernier, a soutenu n’avoir pas participé à la création de ladite société aéroportuaire. Seulement les différents témoins entendus dans cette procédure affirment le contraire.
Parmi ceux-ci, Eli Manel Diop, qui a soutenu que le business plan de AHS a été présenté par Mamadou Pouye, ami d’enfance et condisciple de Karim Meïssa Wade, en présence de ce dernier. Qui, dit-il, l’avait recruté comme directeur général. Et qu’il a fallu les instructions de Wade-fils pour que Mamadou Pouye lui paie ses premiers salaires. Il s’y ajoute que son employeur a convoqué Mamadou Seck, ministre chargé des Transports aériens de l’époque, à son domicile au Point E pour le lui recommander.
Un témoignage confirmé par l’ancien ministre libéral, tout en précisant qu’Eli Manel lui a été présenté comme le Dg d’une société nouvellement créée et Pouye, comme étant son conseiller. L’ex-ministre ne s’est pas limité là. Mamadou Seck a reconnu que c’est le ministre chargé des Transports aériens qui signait les agréments des sociétés de handling.
Me Patricia Lake Diop, Notaire
Entendue à propos de AHS, la notaire Me Patricia Lake Diop a déclaré que c’est Karim Wade qui lui a demandé de procéder à la constitution d’une société dont il lui a donné toutes les caractéristiques, notamment la dénomination sociale, le montant du capital social et les noms des actionnaires. Pis, elle a ajouté que c’est Wade fils qui lui a remis les documents d’identité du nommé Jerry Guereghian, lequel ne s’est jamais présenté à son cabinet pour l’établissement de la procuration à Paul Sarr. Toujours dans son témoignage, la notaire a fait savoir que l’ex-super ministre l’a mise en rapport avec Ibrahim Aboukhalil dit Bibo Bourgi pour l’augmentation du capital social. Après Bibo, c’est Mamadou Pouye qui lui a été présenté pour la constitution de la société 3AIG.
Cependant il ressort de l’ensemble des témoignages qu’après la constitution de la société AHS par des personnes physiques identifiées apparues par la suite comme des prête-noms de Karim Wade, il a été effectué une augmentation de capital ayant permis le transfert des actions à des sociétés offshore (Menziez Middle East and Africa et AHS international Ltd basés aux Iles vierges britanniques et au Luxembourg). Outre cette augmentation, il a été constaté l’apparition de bénéficiaires économiques, entre autres, Bibo, son frère (en fuite et poursuivi dans cette affaire) Karim Aboukhalil et Mamadou Pouye. Qui, d’après l’accusation, ne sont pas les actionnaires desdites sociétés offshore, mais plutôt des personnes qui se sont substituées de facto aux prête-noms de départ. Il s’agit de Jerry Guereghian et des frère et sœur Paul et Madeleine Sarr, employés des frères Aboukhalil.
Mame Mbaye Niang, ministre de la Jeunesse
L’actuel ministre de la Jeunesse figure également sur la liste des témoins. En tant qu’ex-président du conseil de surveillance de la Haute autorité de l’aéroport Léopold Sédar, il a été entendu à deux reprises sur l’affaire AHS. A ce propos, il a déclaré qu’en 2007, en évaluant les procédures d’exploitation des sociétés AHS et SHS, ils ont constaté que leur documentation n’était pas conforme au Code de l’aviation civile. Donc, en plus de l’absence du système de de management de sécurité (SMS), AHS n’avait pas donné 40% des parts à l’Etat, conformément à la réglementation. M. Niang a aussi relevé que durant deux ans, AHS a bénéficié du non paiement des bans d’enregistrement. Et lorsque le DG des ADS a voulu exiger le paiement, il a reçu un courrier du ministre des Transports de l’époque, Karim Wade.
Interpellé sur ABS SA, chargé du transport des passagers de l’aérogare aux aéronefs, l’actuel ministre disait que cette société n’avait aucune compétence dans ce domaine. Pour DAPORT, le témoin déclarait qu’il n’a produit aucun document, ni procédé à la formation des agents des ADS. Pis, entre les deux tours des élections présidentielles, Boubacar Konaté, agent comptable particulier des ADS, lui a avoué que Mbaye Ndiaye, directeur des ADS, tentait de faire payer à la société DAPORT la somme de 440 millions F CFA. Un montant ne correspondant à aucune prestation.
Abdoulaye Diop, ancien ministre de l’Economie et des Finances
L’ancien ministre des Finances sous le régime d’Abdoulaye Wade devra témoigner sur les demandes de bail introduites par la société Hardstand SA. Des irrégularités ont été notées à ce niveau. Celles-ci ont pour noms : échange de terrains appartenant à l’Etat, sans évaluation préalable ; approbation d’un acte d’échange, alors que les baux portant sur les terrains données en échange n’ont pas été préalablement résiliés ; utilisation abusive de la procédure de consultation à domicile des membres de la CCOD, pour l’examen des demandes de bail introduites par la société Hardstand ; attribution par voie de bail d’un terrain du domaine public maritime d’une superficie de 6395 mètres carrés, avant le déclassement et l’immatriculation dudit terrain.
Entendu à ce propos, l’ex-argentier de l’Etat a admis les irrégularités, tout en déclarant ne pas personnellement être comptable, dans la mesure où les services techniques de son ministère sont chargés de l’instruction des affaires domaniales. Toutefois, Abdoulaye Diop, selon l’accusation, a reconnu être intervenu pour faire avancer l’instruction du dossier du terrain sis sur l’avenue Roosevelt et abritant le projet EDEN ROC (cf EnQuête du vendredi 1er août) par amitié pour la famille de Bibo Bourgi.
Bara Tall, PDG de Jean Lefebvre Sénégal
Le patron de Jean Lefebvre Sénégal va être appelé à témoigner à propos de la société Dahlia LDT. Au cours de sa confrontation avec Bibo Bourgi, ce dernier avait établi l’actionnariat de la société Dahlia, comme suit : 99,9% pour Dahlia LTD, 0,01% pour M. Bara Tall et 0,01% pour M. Souleymane Sy. Mais, ces propos ont été contredits par le PDG de JLS. M. Tall a déclaré que le 14 mai 2004, Bibo lui a apporté un bulletin de souscription, en lui faisant croire qu’il a constitué avec Karim Wade une société dénommée Dahlia SA au capital social de 10 millions de F CFA établie à son adresse à lui (Bara Tall), au 4 rue Léo Frobenius. Ce faisant, l’entrepreneur lui a révélé que Souleymane Sy est le DG de la société.
D’après les éléments de la procédure, les déclarations de Bara Tall ont été confortées par les pièces qu’il a produites, dont des plans d’architecture. Ceux-ci montrent que le terrain était destiné à être morcelé en trois parcelles répartis entre lui, Bibo et Karim.
Pape Diop, ex-Président du Sénat
L’ancien président du défunt Sénat devra renseigner la Cour sur le processus de création la société AN MEDIA diffuseur de Canal Info. Lors de son audition du 28 août 2013, le leader de Bokk Gis Gis a déclaré que Cheikh Tidiane Ndiaye et l’inculpé Vieux Aïdara l’avaient informé de leur désir de mettre en place une nouvelle chaîne de télévision. A cet effet, Me Wade, ordonnateur des crédits du PDS, lui avait demandé, en tant que trésorier du parti, de remettre aux sus nommés la somme de 50 millions de F CFA. Il a ajouté avoir appris que l’argent en question devait servir à désintéresser la chaine Canal Plus, propriétaire de la fréquence que voulaient utiliser Vieux Aïdara et Cheikh Tidiane Ndiaye.
Seydina Kane, ex Dg de Senelec
Le dernier directeur de la Senelec, sous le régime de Wade, fait aussi partie des témoins. Il devra éclairer la lanterne du président Henry Grégoire Diop et de ses quatre assesseurs sur des prestations de la société Black Pearl Finance portant sur une commission d’arrangement estimé à 320 millions 960 mille F CFA. Le cabinet est intervenu dans le cadre de l’audit et du diagnostic de Senelec pour la préparation du plan de relance et de restructuration de l’entreprise dénommée ‘’Plan Takkal’’. D’après le témoignage de M. Kane, le cabinet a été mandaté par le ministère de l’Energie, dirigé par Karim Wade, en fin 2010, début 2011.